Les parents du djihadiste genevois parti en Syrie pour rejoindre l'Etat islamique sont condamnés à des peines avec sursis devant le Tribunal pénal fédéral. Ils sont reconnus coupables de violation de la loi interdisant les groupes Al Qaïda et Etat islamique.
La mère écope d'une peine de 20 mois de prison, avec sursis pendant deux ans. Le père est plus légèrement sanctionné avec 8 mois de peine privative de liberté, assortie également du sursis durant la même durée.
Plus de 75'000 francs de procédure
Le Ministère public de la Confédération (MPC) avait requis 24 et 18 mois, respectivement, alors que la défense plaidait l'acquittement. Ces condamnations ne sont pas définitives et peuvent être contestées devant la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral.
Les frais de procédure totalisant plus de 75'000 francs sont mis très partiellement à la charge des deux prévenus. La mère, une double nationale espagnole et suisse âgée de 60 ans, devra rembourser 12'000 francs à la Confédération. Quant au père, un Suisse de 70 ans, il devra payer 13'000 francs.
Elle défend son fils becs et ongles
Les deux accusés comparaissaient devant la Cour des affaires pénales pour avoir effectué des versements totalisant plus de 50'000 francs à leur fils parti en Syrie en 2015. Celui-ci est soupçonné d'avoir rejoint les rangs de l'Etat islamique comme combattant. Il est prisonnier des Kurdes depuis 2019.
Durant les débats, la mère a défendu son fils becs et ongles. Elle voulait le soutenir lui, la femme qu'il avait épousée en Syrie ainsi que leur bébé. Confrontée à une photo de son enfant en armes, elle a maintenu que celui-ci était «doux» et incapable de faire du mal. Pour elle, il ne peut s'agir que «d'une image truquée.»
Selon le Parquet fédéral en revanche, l'argent devait aussi servir à l'Etat islamique. Les versements – de quelques dizaines à plusieurs milliers de francs – étaient effectués par l'intermédiaire de Western Union ou au moyen de Ticket Premium, soit un système de chèques permettant d'effectuer en ligne des paiements anonymes et sans compte bancaire.
Intermédiaires venus de Berlin
Pour certains montants importants, l'argent était remis de main en main à des intermédiaires. Ainsi, en mai 2019, la mère du djihadiste a remis 40'000 francs à deux collecteurs de fonds venus spécialement de Berlin, affirme le MPC. Sur cette somme, 20'000 francs provenaient du rachat de l'assurance-vie de l'accusée et 10'000 francs de la vente d'une maison en Espagne. Selon la justice, ces précautions montrent que les accusés savaient bien ce qu'ils faisaient.
Une procédure séparée a été engagée par le MPC contre le fils, considéré un temps comme le djihadiste le plus dangereux de Suisse. Les enquêteurs auraient établi que ce trentenaire était affilié à une cellule européenne de l'Etat islamique qui projetait des attentats sur le continent, notamment contre un dépôt d'hydrocarbures à Bâle.
Prisonnier des Kurdes depuis 2019, l'homme était en bonne santé il y a encore un an, selon une communication du Département fédéral des affaires étrangères. A fin décembre 2024, le Tribunal fédéral a estimé que le département tardait de manière injustifiée à traiter la demande de protection consulaire du Genevois. (jugement du 30 janvier 2025 dans la cause SK.2024.4)