Payer pendant des années, et devoir se battre le jour où l’on a besoin de sa complémentaire? Ces derniers mois, de nombreux assurés découvrent que leur hospitalisation ou leur opération n’est prise en charge qu’en partie, malgré une couverture semi-privée ou privée.
«Politiquement, c’est scandaleux. Le principe d’une assurance privée, c’est qu’on paie des années pour l’utiliser une fois. Et le jour venu, on doit se battre pour faire valoir ses droits», dénonce Baptiste Hurni, sénateur socialiste neuchâtelois, avocat et membre du Conseil de fondation de l’Office de médiation de l’assurance privée.
Votre choix, votre problème
En matière d’assurance complémentaire, les règles du jeu ne sont pas les mêmes que pour l’assurance de base. Il s’agit de droit privé. Ce qui change tout. «Vous n’êtes pas obligé de souscrire une complémentaire, et la majorité politique de ce pays ne veut pas reconnaître l’assuré comme une partie faible», rappelle Baptiste Hurni.
Ici, «partie faible» signifie plus de protection. Dans un contrat de bail, le locataire est la partie faible, puisqu'il risque de se retrouver à la rue. Dans un contrat de travail, c'est le salarié qui risque de perdre son emploi.
Un contrat… sans protection réelle
Mais en matière d’assurance complémentaire? Aucune protection de ce type n’existe.
«La loi part du principe que vous êtes libre de souscrire ou non une complémentaire, donc que vous êtes sur un pied d’égalité avec l’assureur», explique Baptiste Hurni, qui s’est notoirement battu pour faire reconnaître les assurés comme partie faible. Partant notamment du principe qu'un individu, qui plus est malade et stressé, est à la merci de son assurance.
Changements en cours d'année
Le résultat, c’est un déséquilibre profond. L’assureur peut, par exemple, décider en cours d’année qu’une clinique ne fait plus partie de son réseau. Ou qu’une opération n'est plus intégralement prise en charge, faute d'accord tarifaire entre cliniques, médecins indépendants et assureurs. Aucun problème vis-à-vis de la loi.
«Le droit protège assez mal l’assuré, confirme Baptiste Hurni. Quand une assurance vous donne une liste d'établissements avec qui elle a des conventions, 'sous réserve d'un changement de tarif', on peut se demander ce que cela veut dire. De combien doit augmenter le tarif pour que l'assurance cesse sa collaboration?» questionne l'élu aux États.
Face à ce déséquilibre, mieux vaut ouvrir l’œil et savoir dans quoi on met les pieds. Roman Seitenfus, de l’Association pour la Permanence de Défense des Patients et des Assurés (APAS), livre quelques conseils pour éviter certains pièges.
Les courtiers
«Il faut se méfier de ce qu'ils vous font signer, souligne le juriste. Ils sont payés à la commission et cherchent surtout à faire signer des contrats.» Si les courtiers n'ont plus le droit d'appeler des clients potentiels sans y être invités, certains centres d'appel fonctionnent illégalement depuis l'étranger.
Par ailleurs, ils ont souvent la casquette de «conseillers». «Ils peuvent collaborer avec une assurance en particulier, ou plusieurs, indique le juriste de l'APAS. Dans tous les cas, ils perçoivent des commissions sur les contrats que vous signez avec eux.» Dans certains cas, ils font signer les clients sur des tablettes, ce qui peut donner l'impression, notamment aux personnes âgées, que «rien» n'a été formellement signé.
Les fausses promesses des cliniques
Vérifiez toujours directement avec l'assurance si le traitement est bien prise en charge par le contrat. «Le système est si complexe que certains établissements peuvent croire à tort que leur prestation est garantie, et dire aux patients qu'ils peuvent se faire opérer chez eux sans problème, alors que ce n'est pas le cas», révèle Roman Seitenfus. Résultat? En l'absence de convention, l'assurance complémentaire ne prendra en charge qu'une infime partie, en plus de ce qui est pris en charge par la Lamal.
«Ce n'est pas qu'une question d'assurance, expose l'avocat. Les prix pratiqués par certaines cliniques ou hôpitaux privés peuvent apparaître opaques et totalement exorbitants. C'est un vrai business».
Un business très lucratif même, qui attire les plus grandes fortunes. À Genève, l'Hôpital de la Tour est propriété de la famille Latsis, des milliardaires grecs. Le groupe Hirslanden (notamment les Grangettes à Genève, Cecil à Lausanne), et sa maison mère, sont propriétés d'un milliardaire sud-africain et de la famille Aponte, fondatrice de MSC croisières.
Évitez les complémentaires inutiles
Beaucoup de gens paient pour des prestations qu’ils n’utiliseront jamais. «La prise en charge de médecines alternatives qu’ils ne veulent pas, par exemple, illustre Roman Seitenfus. Il faut vraiment choisir ce qui est nécessaire.»
Si vous êtes satisfaits de l'offre de l'assurance de base, encore une fois, la complémentaire n'est pas nécessaire. Elle peut séduire pour le confort d'une hospitalisation en semi-privé – encore faut-il que le régime ne change pas en cours d'année. Ou pour des prises en charge spécifique, comme l'ostéopathie – là aussi, il faut vérifier que le contrat couvre cette spécialité et votre praticien.
Lisez les conditions générales
Le vocabulaire est à la limite du compréhensible, et c'est surtout très long. Mais cela permet de savoir exactement ce que couvre votre police. Et dans quels hôpitaux vous êtes couverts.
Ce dernier point ressemble, récemment, à un jeu de roulette russe. «C'est partiellement la faute des assurances, précise le conseiller aux États neuchâtelois Baptiste Hurni. Ils sont pris entre trois feux: leurs tarifs à eux, en interne, les montants parfois démentiels demandés par certaines cliniques, et le gendarme des marchés qui demande une mise aux normes.»
Mais pour le Socialiste, un patient qui a payé toute sa vie et se voit refuser un remboursement ne peut pas être sensible à ce dilemme des caisses maladie. «Si votre assurance ne vous prend pas en charge quand vous en avez besoin, changez», conclut le sénateur.