Le regard critique de Sonja Oesch se perd au loin. Blick a rencontré la responsable de la section valaisanne de l'Association Transports et Environnement sur les hauteurs de la décharge de Gamsenried, près de la commune de Brigue-Glis en Valais.
«C'est la plus grande décharge toxique de Suisse, explique Sonja Oesch. Il y a ici des stocks de substances très dangereuses qui, même à très petite dose, pourraient nuire gravement à notre santé.»
Le groupe Lonza dans le viseur
Ce problème de toxicité est connu depuis des années et le responsable n'est autre que le groupe pharmaceutique Lonza. Jusqu'en 1978, le groupe a stocké dans cette décharge des substances toxiques comme la benzidine, l'aniline ou le mercure, et elles y sont restées.
Même en infimes quantités, la benzidine peut provoquer un cancer de la vessie. L'aniline est aussi très toxique, tout comme le mercure. Mais le réel problème est surtout que la décharge ne serait pas étanche.
«Depuis des décennies, les substances toxiques s'infiltrent dans la nappe phréatique et dans le Rhône», explique Sonja Oesch. A Gamsenried, cette masse empoisonnée constitue un stock énorme. Le Valais estime qu'il y a jusqu'à quatre millions de tonnes de matériaux pollués répartis sur une surface de 40 terrains de football.
En d'autres termes, cette décharge est le plus grand trou toxique de Suisse. «Selon moi, cette affaire encore plus grave que la décharge de déchets de Kölliken», déclare Sonja Oesch. Cette décharge argovienne a dû être assainie pendant de nombreuses années, ce qui a coûté 900 millions de francs au total.
Une fuite dans le mur étanche?
Même s'il est aussi prévu que la décharge de Gamsenried soit assainie, une telle opération demande beaucoup de travail. Pour que les travaux puissent commencer, il faut d'abord construire un mur étanche. Une barrière longue de 1,6 kilomètre et profonde de 30 mètres doit empêcher la masse empoisonnée de s'infiltrer dans la nappe phréatique. Mais sa construction coûte 120 millions de francs et le mur doit retenir tout produit chimique, surtout pendant les travaux d'assainissement.
Il existe donc un plan d'action mais il pose problème à plusieurs associations environnementales. «Nous ne sommes pas sûrs que ce mur étanche le soit suffisamment», déclare Sonja Oesch. A certains endroits sur le tronçon du mur, la masse empoisonnée pourrait tout de même s'infiltrer dans la nappe phréatique.
«C'est pourquoi nous exigeons dès maintenant de Lonza un plan B au cas où la paroi étanche ne fonctionnerait pas comme prévu», souligne Sonja Oesch, avant d'ajouter: «Il ne faut pas attendre qu'un scénario catastrophe se produise. Il faut tout simplement que tout soit étanche!»
Et les substances volatiles?
En réponse, le porte-parole de Lonza, Mathias Forny, déclare à Blick: «Pendant la construction de la paroi étanche, nous prenons des mesures d'assurance qualité et des mesures pour vérifier l'étanchéité.» Ces calculs sont effectués à l'aide d'un modèle de nappe phréatique et ont montré que le mur étanche améliorerait nettement la situation, poursuit Mathias Forny. Autrement dit: le mur est la solution.
Mais l'étanchéité du mur n'est pas la seule critique formulée à l'encontre de Lonza, il y a aussi l'énorme diversité des produits toxiques dans la décharge et leurs substances volatiles. «Lors des travaux d'excavation et de construction, il est possible que ces substance polluent l'air et échappent à notre contrôle. Des améliorations doivent être apportées à ce niveau», affirme Sonja Oesch.
«Les substances critiques sont prises en compte dans le cadre du projet de paroi étanche concernant la protection du travail et de la santé ainsi que le monitoring de l'air et de l'eau», rétorque Mathias Forny.
Le feu vert des associations
Malgré toutes les critiques, les associations environnementales sont favorables à la construction de la paroi étanche. «Nous avons le sentiment que Lonza prend nos préoccupations au sérieux. De plus, il est très important pour nous que la construction de la paroi commence le plus rapidement possible», justifie Sonja Oesch.
Les organisations environnementales se réservent toutefois le droit de recourir à la justice s'il devait y avoir d'autres projets de construction à l'avenir. «Au cas où Lonza ne prendrait pas en compte nos critiques et adapterait le projet en conséquence», argumente Sonja Oesch. La construction de la paroi étanche devrait débuter au cours du deuxième semestre cette année.