Le Conseil d'Etat vaudois oppose un contre-projet aux deux initiatives de la gauche et des syndicats qui demandent un salaire minimum de 23 francs. Plus équilibré, selon le gouvernement, il vise à renforcer le partenariat social et prévoit explicitement que les CCT étendues primeront sur le salaire minimum cantonal, aussi fixé à 23 francs.
«Le Conseil d'Etat reconnaît l'importance d'offrir à chaque travailleuse et travailleur des conditions salariales dignes pour lutter efficacement contre la précarité. Il mise pour cela sur le partenariat social, pilier central de l'organisation du monde du travail en Suisse», indique-t-il vendredi dans un communiqué.
La primauté des conventions collectives de travail (CCT) étendues permet ainsi de «tenir compte des réalités spécifiques des différentes branches économiques, tout en maintenant un cadre négocié entre partenaires sociaux qui prévoit un dispositif favorable aux employés dépassant le seul enjeu de la question salariale (vacances, temps de travail, etc.)», explique-t-il.
Exceptions ciblées
Les deux initiatives ont été lancées et déposées en 2023 (avec près de 40'000 signatures) par des partis de gauche, des syndicats et des associations. La première, constitutionnelle, vise à ancrer le principe d'un salaire minimum dans la Constitution. L'autre, législative, doit introduire une nouvelle loi instituant un salaire minimum légal cantonal à 23 francs brut par heure.
Cette double initiative «Pour le droit de vivre dignement de son travail – pour un salaire minimum cantonal» pose le principe d'un salaire minimum applicable à l'ensemble des branches économiques. Et surtout un barème minimum qui prendrait le pas sur celui prévu par les CCT.
Le contre-projet du gouvernement prévoit, lui, d'introduire des exceptions ciblées au salaire minimum, afin de faciliter l'accès au marché du travail, notamment pour les jeunes en formation et dans le cadre de stages de réinsertion. Sont également exclues certaines activités liées à la garde d'enfants ou encore le travail au sein d'entreprises familiales, souligne le Conseil d'Etat.
Une marge de manœuvre est par ailleurs instaurée: sur proposition d'un organe tripartite (composé des représentants patronaux, syndicaux et de l'administration), d'adopter d'autres exceptions adaptées à l'évolution du marché du travail, tout en respectant l'esprit de la loi.
Analyse annuelle
Contrairement à la proposition des initiants, le gouvernement préconise une analyse annuelle de la situation économique et sociale du canton pour apprécier et décider de l'adaptation du salaire minimum. Ainsi, l'indexation ne se basera pas uniquement sur l'évolution du coût de la vie (Indice suisse des prix à la consommation, IPC), mais prendra en compte également l'état du marché du travail et la situation économique globale, selon lui.
«Ce mécanisme garantit que les décisions prises par le Conseil d'Etat soient non seulement adaptées aux réalités économiques, mais bénéficient aussi de l'avis de l’organe tripartite qui sera préalablement consulté», relève-t-il dans son communiqué.
Le Conseil d'Etat recommande au Grand Conseil, puis au peuple vaudois, de rejeter l'initiative constitutionnelle, «les bases constitutionnelles étant suffisantes pour intervenir s'agissant du droit de vivre dignement de son travail», ainsi que l'initiative législative qui lui est liée. Il recommande l'acceptation du contre-projet, constituant «une solution qui préserve le partenariat social, un système ayant fait ses preuves».
Cinq cantons ont franchi le pas
En mars 2023, le Grand Conseil vaudois avait rejeté l'instauration d'un salaire minimum à 23 francs de l'heure. En Suisse, cinq cantons ont déjà franchi le pas: Neuchâtel en 2017 (20 francs), Jura en 2018 (20), Genève en 2020 (23 puis 24), Tessin en 2021 (entre 18,75 et 19,25) et Bâle-Ville en 2021 (21). Le processus a aussi été lancé dans les cantons du Valais et de Fribourg. Bâle-Campagne et Soleure ont rejeté en février deux initiatives sur le sujet.
Le sujet est aussi pendant aux Chambres fédérales. Au début du mois, la commission compétente du National a soutenu le projet du Conseil fédéral, que ce dernier a élaboré à contre-coeur sur mandat du Parlement. Il stipule que les salaires minimaux cantonaux ne doivent plus pouvoir l'emporter sur les salaires minimaux prévus par les CCT étendues, fixées au niveau fédéral.
Tout comme les cantons, les syndicats et la minorité de la commission, le Conseil fédéral recommande le rejet de son projet. A noter que le Tribunal fédéral a confirmé que les salaires minimaux constituaient des mesures de politique sociale conformes à la Constitution.