Des centaines d'emplois menacés
Les coupes budgétaires de Trump plongent Genève dans la crise

La Genève internationale traverse une crise majeure. Les coupes budgétaires imposées par Donald Trump fragilisent les ONG et menacent de nombreux emplois. La politique suisse peine à réagir, tandis que le rôle de Genève en tant que centre diplomatique est en jeu.
Publié: 16.03.2025 à 08:11 heures
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L'Etat fait des économies et le président américain Donald Trump réduit les aides. Genève, siège de nombreuses ONG, est en crise.
Photo: Keystone
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Nastasja Hofmann

La Genève internationale traverse une période compliquée. Les décisions de Donald Trump, notamment l'instauration de nouveaux droits de douane, sa position sur la guerre en Ukraine et l'arrêt des aides financières, inquiètent l'Europe.

Mais c’est surtout la suppression des fonds américains destinés à l’aide au développement qui suscite de vives préoccupations en Suisse. De nombreuses ONG basées à Genève se retrouvent en difficulté, mettant en péril des centaines d’emplois ainsi que des missions d’aide humanitaire d’urgence. 

Financer l'armée plutôt que les ONG

Avec plus de 30'000 emplois et plusieurs centaines d’organisations internationales, Genève est un pilier de la coopération mondiale. Pourtant, les coupes budgétaires s’accumulent, depuis décembre. Le Parlement suisse a voté une réduction de 110 millions de francs dans l’aide au développement pour financer l’armée.

Puis, en janvier, un nouveau coup dur est tombé: Trump a annoncé le retrait des Etats-Unis de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et la suspension des paiements des agences de développement américaines pour 90 jours. Un gel qui concerne un budget colossal de 40 milliards de dollars.

Face à cette crise, le canton de Genève a tenté d’agir en proposant un crédit d’aide pour éviter des licenciements massifs. Mais l’initiative n’a pas obtenu la majorité des deux tiers requise au Parlement, retardant son application immédiate. De plus, l’Union démocratique du Centre (UDC) menace de lancer un référendum, ce qui pourrait prolonger l’attente jusqu’en octobre. Pendant ce temps, la Confédération reste en retrait, laissant Genève affronter seule les conséquences de cette crise internationale.

«Les ONG ont besoin d'un engagement politique fort»

Dans une lettre ouverte adressée au ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, plusieurs organisations à vocation ecclésiastique interpellent le gouvernement: «Nous vous demandons de défendre fermement, au nom de la Suisse, la coopération au développement afin qu’elle ne soit pas encore davantage vidée de sa substance.» Selon elles, la Suisse doit assumer un rôle clé dans cet enjeu mondial.

L'organisation Terre des Hommes ne reçoit certes pas d'argent américain, mais elle observe néanmoins une tendance générale à la réduction des fonds publics destinés à la coopération et au développement. «Cela met en danger le travail des organisations et affaiblit les droits des groupes de population vulnérables», explique-t-on. Le soutien public doit absolument être garanti à long terme: «Les ONG ont besoin d'un engagement politique fort!»

Que compte faire Berne?

Les Vert-e-s suivent de près la situation des ONG et entendent placer l'importance de la Genève internationale au cœur du débat politique. La conseillère nationale Christine Badertscher annonce que le parti abordera le sujet lors de la prochaine séance de la Commission de politique extérieure (CPE). «La Suisse doit assumer son rôle d'Etat hôte et exercer une pression sur la scène internationale», souligne-t-elle.

Par ailleurs, elle insiste sur la nécessité d'éviter toute nouvelle coupe dans les financements des organisations déjà touchées. Toutefois, des avancées rapides restent peu probables. Dans l’ensemble, Berne peine à prendre des mesures concrètes pour soutenir les ONG en dificulté.

Site de la Genève internationale

Genève s'est imposée comme un pilier de la coopération internationale grâce à une tradition profondément ancrée. Le Comité international de la Croix-Rouge y a été fondé en 1863, et près de 60 ans plus tard, la ville a accueilli la Société des Nations, précurseure de l'ONU. Aujourd’hui encore, Genève demeure une plaque tournante de la diplomatie multilatérale, jouant un rôle clé dans les conférences internationales et les négociations de paix. 

Mais au-delà de son rayonnement mondial, la Genève internationale représente aussi un atout économique majeur. Les organisations y versent des salaires, souscrivent à des assurances et contribuent aux caisses de pension, injectant ainsi des milliards dans l'économie suisse chaque année. Une dynamique essentielle, tant pour l’image de la Suisse que pour sa prospérité.

Voix critiques de l'UDC

L’importance stratégique de la Genève internationale fait consensus, mais son financement est sous pression. La conseillère nationale des Vert-e-s Christine Badertscher rappelle que «beaucoup au Parlement soutiennent le multilatéralisme, mais maintenir la Genève internationale a un coût».

Parmi les voix critiques, le politicien UDC Roland Rino Büchel reconnaît l’importance de l’aide humanitaire et le rôle de Genève, mais estime que «Berne ne devrait pas s’engouffrer dans la brèche.» Selon lui, l’Etat ne doit pas intervenir, ni au niveau national ni au niveau cantonal. Il juge même que la situation actuelle force Genève à «plus d’efficacité et moins de dépenses superflues», un changement qu’il accueille favorablement.

Malgré ces tensions, un soutien rapide de la Confédération semble peu probable. Interpellé par la conseillère nationale des Vert-e-s Sibel Arslan, le Conseil fédéral admet que la situation genevoise constitue un défi, mais n’envisage aucune mesure concrète à court terme. Il renvoie plutôt à un «message sur les mesures visant à renforcer le rôle de la Suisse en tant qu’Etat hôte», qui ne sera présenté qu’à la session d’été. Pour l’instant, l’avenir de la Genève internationale reste donc en suspens.


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