Pourtant controversé, le projet faisait son chemin au Parlement sans jamais dévier de sa ligne très libérale. Il allait être débattu au Conseil national durant cette session d’hiver. Il est désormais suspendu, a annoncé sa commission de l’économie et des redevances ce vendredi.
Pour le plus grand bonheur de l’Union syndicale suisse (USS), qui agitait le spectre du référendum et s’inquiétait ce 18 novembre sur nos plateformes de voir les acquis sociaux de 110’000 salariées et salariés s’évaporer. Et ce, aussi dans les salons de coiffure, dans les boucheries ou les restaurants.
«Cette décision confirme notre analyse: le projet prévu allait beaucoup trop loin, il aurait supprimé les limites de temps de travail pour des dizaines de milliers de personnes», écrit Benoît Gaillard, dans un message adressé à Blick ce lundi. Le porte-parole de la puissante organisation estime que «la commission adopte enfin une position plus raisonnable pour régler les problèmes très spécifiques des start-ups».
Immense levée de boucliers
Oui, parce qu’à l’origine, l’idée de l’initiative parlementaire du libéral-radical Marcel Dobler, cofondateur de Digitec, était de donner un coup de pouce aux start-ups. Comment? En sortant du champ d’application la loi sur le travail les employées et employés de ces jeunes pousses qui détiennent des participations, par exemple sous forme d’actions au porteur. En d’autres termes, fini la régulation du temps de travail, des vacances, des pauses.
Problème, en Suisse, la notion de «start-up» n’existe pas juridiquement. Ainsi, la commission avait choisi de parler d’une entreprise «dont la fondation remonte à moins de cinq ans».
Cette définition a provoqué une levée de boucliers durant la mise en consultation du texte, entre novembre 2022 et mars 2023. Même des cantons dirigés par les partis de droite se sont opposés au projet. Inquiétudes principales, portées par les syndicats: une définition aussi large permettrait à n’importe quelle boîte ouverte dans les cinq dernières années de donner une minuscule participation à leur personnel pour pouvoir les faire travailler 60 heures par semaine, y compris le dimanche et la nuit, légalement.
Malgré la large opposition suscitée par sa proposition, la commission a fait la sourde oreille. Fin août, ses membres ont décidé de ne pas toucher une virgule et de soumettre leur rapport au Conseil national. Dans le même temps, il était transmis au Conseil fédéral pour avis.
À la fin, c’est le Conseil fédéral qui gagne
Datée du 1er novembre, la prise de position de l’Exécutif a été rendue publique le 23 novembre. Le gouvernement est contre et encourage le Parlement à explorer d’autres pistes et à agir par voie d’ordonnance pour créer une exception qui s’adresserait spécifiquement aux start-ups.
C’est donc le lendemain que la commission de l’économie a retourné sa veste, à l’unanimité. «Comme le veut la procédure habituelle, nous n’avions pas l’avis du Conseil fédéral lorsque nous avons soumis notre projet au Conseil national, s’explique Leo Müller (Le Centre), président de la commission, joint par téléphone. Nous avons donc demandé au Conseil fédéral d’examiner, en collaboration avec les partenaires sociaux, s’il n’est pas possible de créer au niveau de l’ordonnance une dérogation aux prescriptions sur la durée du travail et du repos pour les employés de start-ups détenant des participations dans l’entreprise.»
Concrètement, les sept Sages pourraient décider d’aller de l’avant et introduire une exception dans l’ordonnance, sans passer par le Parlement, c’est de leur compétence. En revanche, si le collège choisissait de ne pas donner suite, les Chambres pourraient s’emparer à nouveau du sujet, pour tenter de lui forcer la main.