Bien sûr qu’il a le trac. Il a le rôle principal de la série Winter Palace, produite par la TV suisse en collaboration avec Netflix. Dix-huit semaines de tournage, huit épisodes dès le 26 décembre, la plus grosse production cinématographique jamais réalisée dans notre pays, selon son réalisateur Pierre Monnard.
Cyril Metzger y incarne André Morel, un jeune hôtelier visionnaire, inventeur du tourisme hivernal en compagnie d’un aristocrate anglais à la fin du XIXe siècle. Avec des scènes tournées dans des hôtels mythiques comme le Caux Palace ou le Righi vaudois. «L'illustré» est parti à la rencontre de Cyril Metzger en Gruyère, là où pour lui tout a commencé.
C’est son tout premier grand rôle, alors il attend le verdict du public avec un peu d’appréhension. «Tous ceux qui font ce métier ont envie d’être aimés. Celui qui dit le contraire est un menteur.»
Un vrai intérêt pour l'autre
Sourire appuyé. Cyril Metzger a de la tchatche et un vrai intérêt pour l’autre (il pose beaucoup de questions) qui le rend vite sympathique. Il nous emmène à Gruyères, sur la terrasse du restaurant Gruyère Traditions où il a servi des Henniez gommées (sirop typiquement fribourgeois) quand il travaillait pendant ses études. Il en boira une avant de manger ses röstis et de croquer au café le petit godet en chocolat avec de la double crème de la Gruyère. Pas sa madeleine mais sa «meringue de Proust», sourit-il.
Voix grave et profonde, un petit air de Depardieu au temps des Valseuses – mais lui préfère, c’est politiquement plus correct, évoquer Vincent Lindon, Bruno Ganz, Andrew Garfield ou Adam Driver. Et aussi son pote Kacey Mottet Klein, son cadet mais «le plus grand acteur suisse du moment», assure-t-il.
Un homme et deux passions
Si la carrière de Cyril est plus récente, il a aussi un talent certain qui ne demande qu’à se déployer. Comme un beau tissu. Figurez-vous que ce garçon qui vient de fêter ses 30 ans début octobre a deux passions. L’art sartorial (les tissus) et les montres. Il vous cite les noms de drapiers célèbres comme Loro Piana ou Vitali Barberis Canonico, analyse au premier coup d’œil la coupe d’un vêtement (il a lui-même plusieurs costumes faits sur mesure par un tailleur parisien) avant de détailler la montre du photographe et de la détailler comme un œnologue le fait d’un vin.
Ce jour-là, Cyril porte une Rolex GMT-Master II de 2007 qu’il s’est offerte avec le cachet touché pour la série Les indociles. Certains achètent des appartements, lui ce sont des montres. «Après, je mange des pâtes pendant deux mois.» Sourire.
Au Festival de Cannes, où il a grimpé les marches pour le film de Sandrine Kiberlain Une jeune fille qui va bien, il avait au poignet la montre de son arrière-grand-père horloger, Louis Perrier. «Une Patek Philippe Calatrava», énonce-t-il l’air gourmand, en précisant qu’elle lui reviendra un jour.
«La passion attire la passion»
Cyril consacre chaque jour au moins une heure et demie de temps à enrichir ses connaissances. «La passion attire la passion.» Inutile de dire que tourner en costume d’époque dans Winter Palace a été jouissif. «J’ai beaucoup échangé avec la costumière!»
Il voit le métier d’acteur avec l’œil d’un artisan. La méthode Actors Studio, très peu pour lui. «Le fait de ne pas avoir d’affect te permet d’être plus précis. Le public doit pleurer plus que l’acteur!» Pour jouer un éleveur de porcs dans le film La voie royale, il a juste observé au plus près les moindres gestes de l’éleveur qui lui servait de modèle. «Il faisait des gestes à l’économie et beaucoup plus fins que ce qu’on pouvait imaginer être la réalité», dit-il, en se levant soudainement pour mimer un transvasement d’objet.
Le voleur d'expressions
Il y a le voleur de feu et il y a Cyril, le voleur d’expressions, qu’il cueille à la volée comme on pique une pomme sur un arbre. «Tiens, la façon dont vous tenez votre tasse de café, je peux m’en servir un jour!» lance-t-il, rieur. Ce qui l’intéresse dans chaque rôle, c’est la part d’humanité de son personnage. «Jouer un méchant pour jouer un méchant ne m’intéresse pas.»
Ce sportif qui pratique la plongée sous-marine et la boxe devrait retrouver le réalisateur Pierre Monnard pour la troisième fois. Après les séries Hors saison et Winter Palace, un biopic sur Betty Bossi figure au nombre de ses projets. «Je suis une pive en allemand mais je sais bien faire semblant!», raconte-t-il en rigolant.
Il a songé à être psy ou prof. Il a joué au rugby au plus haut niveau à Fribourg avant qu’une méchante blessure ne ruine les espoirs professionnels de ce demi d’ouverture. «Le bruit de la rupture des ligaments croisés, c’est comme un raclement dans la gorge, j’ai tout de suite su que c’était fini!»
Du théatre dès le plus jeune âge
Le théâtre est entré dans sa vie très jeune. «J’ai joué le Petit Nicolas à 6 ou 7 ans à l’école. Mais comme j’étais dyslexique, j’apprenais par cœur mon texte, à l’oreille, je n’avais pas osé dire à la maîtresse que je ne savais pas lire. D’ailleurs, c’est fou ce que la fonction diction sur Google m’a été utile. J’avais appris tous les rôles du film Mulan par cœur, ça rendait folle ma sœur!»
Il se retrouve quelques années plus tard assistant de la pièce du collège aux côtés d’Alain Grand, prof de théâtre au Collège du Sud. C’est lui qui va détecter la pépite Cyril Metzger. «Il m’a offert un an de cours du soir de théâtre gratuits. C’est génial de rencontrer quelqu’un qui croit en toi avant toi!»
Le futur acteur intégrera la classe préprofessionnelle du Conservatoire de Fribourg en 2014, avant de partir l’année suivante pour l’Ecole du Nord à Lille. La première fois qu’il quittait les bords de son lac de la Gruyère où il a grandi dans un chalet à Gumefens aux côtés d’une mère chamane.
Une jeunesse «sauvage et libre»
Ses parents ont divorcé quand il avait 3 ans mais l’ont toujours soutenu dans ses choix. Chez les scouts, Cyril porte le nom d’«opossum entraînant» et ça lui va bien. Une enfance heureuse qu’il décrit comme «sauvage et libre».
«On plongeait depuis le rocher de l’île d’Ogoz et on traversait le lac en douce avec un sac étanche pour aller faire la fête au village d’en face. Bonjour le retour, c’était vachement dangereux vu notre état, mais bon, quand il n’y a rien à faire, on picole et on fait des bêtises!», se rappelle-t-il, provoquant un éclat de rire.
Il continue à fréquenter ses amis d’enfance, baptisés Les Coupines. Qui viennent à toutes ses avant-premières. De sympathiques garde-fous pour avoir les pieds sur terre et ne pas choper la grosse tête!
L'influence de son père
Arrivé à Paris, il court les castings. «Je les ratais tous», assure-t-il, goguenard. Sandrine Kiberlain cherchait un simple donneur de réplique pour une actrice. Elle trouve «ce gars vraiment bien» et le garde dans son film. «A cette époque, je tournais la journée pour elle et le soir pour le film L’événement d’Audrey Diwan (Grand Prix du jury à la Mostra de Venise en 2021, ndlr). On avait loué une moto-taxi juste pour que je puisse passer d’un tournage à l’autre, comme une vraie star!»
Il plaisante, croit à la chance, «encore faut-il être préparé à la rencontrer». Cyril aimerait incarner un jour un homme qui travaille sur les chantiers. Comme son père originaire de Nice. «Il m’a souvent emmené avec lui. J’ai tellement de respect pour ces hommes qui sont mal payés et sacrifient souvent leur santé, mais qui font tout pour que tout tienne debout. Quand j’hésitais à faire ce métier par peur du risque, je n’oublierai jamais ce qu’il m’a dit: 'J’ai été licencié dans un métier que je n’aime pas, tu peux prendre le risque de l’être dans un métier que tu aimes!'»
Prendre le risque d'aimer
Il a gardé sur son portable une des répliques de son personnage dans la pièce d’Alfred de Musset On ne badine pas avec l’amour, qu’il a jouée au Théâtre de Carouge. Camille n’ose pas aimer Perdican et lui dit: «Si tu sais que tu vas souffrir, à quoi cela sert d’y aller?»
Cyril, par le biais de Perdican estime, au contraire, sur scène et dans la vie que le risque d’aimer doit toujours être pris. Il l’a d’ailleurs mis en pratique avec la comédienne franco-suisse Isaline Prévost Radeff, à l’affiche de la série En haute mer.
«On s’est rencontrés sur le tournage des Indociles. Au début, on était juste amis, et puis ça a évolué», confie-t-il, les yeux qui s’illuminent de l’intérieur. Pour les 30 ans de Cyril, Isaline lui a fait une belle surprise en réunissant ses amis à Genève. Où ça? Dans une salle de cinéma, bien sûr!
Cet article a été publié initialement dans le n°52 de L'illustré, paru en kiosque le 27 décembre 2024.
Cet article a été publié initialement dans le n°52 de L'illustré, paru en kiosque le 27 décembre 2024.