L’époque des taux d’intérêt bas est révolue. Avant même l’augmentation surprise du taux directeur de la Banque nationale suisse (BNS) à la mi-juin, les taux hypothécaires en Suisse sont partis à la hausse. Mais comme le démontre une enquête de l’agence de presse AWP, les banques du pays ne ressentent pas encore de ralentissement.
La Raiffeisen, qui octroie près d’une hypothèque sur cinq en Suisse, indique que rien ne laisse présager un recul important des demandes. Le rêve de devenir propriétaire ne semblerait pas avoir été ébranlé par la hausse des taux.
La demande reste élevée
Même son de cloche dans d’autres établissements bancaires. Ni la Banque cantonale zurichoise (ZKB), ni la Banque hypothécaire de Lenzburg et ni la Banque cantonale de Bâle (BKB) n’enregistrent de ralentissements liés à la décision historique de la BNS.
En revanche, les durées des hypothèques ont été affectées. Depuis le relèvement des taux, les clients exigent des prêts à court terme, plus avantageux, analyse Rolf Bohnenblust de la Banque hypothécaire de Lenzburg.
«Alors qu’il y a peu de temps encore, la plupart des gens optaient pour une hypothèque à taux fixe sur dix ans, nous voyons maintenant une tendance vers des durées plus courtes», confirme un porte-parole de la BKB. Selon les établissements interrogés, les clients se tourneraient désormais davantage vers des hypothèques Saron, particulièrement avantageuses.
Une nouvelle hausse des taux est probable
Cette tendance est également observée par les intermédiaires, comme Moneypark, ou par des conseillers financiers. Les hypothèques à court terme restent disponibles à des conditions intéressantes.
Et bien qu’il faille s’attendre à une nouvelle hausse du taux directeur de la BNS dans un avenir proche, les hypothèques indexées sur le marché monétaire devraient rester attractives, souligne Martin Tschopp, CEO de Moneypark.
Tous les détenteurs d’une hypothèque devraient avoir les capacités de payer un taux d’intérêt de 4 à 5%, relève Adrian Wenger, conseiller chez VZ VermögensZentrum. «Mais à cause d’un manque de discipline dans certains ménages, cela pourrait être difficile pour certains», prévient-il.
Les prix des logements vont-ils baisser?
Une hausse des taux d’intérêt pour les hypothèques fixes pourrait avoir deux conséquences: d’une part, certains clients pourraient ne plus pouvoir se permettre un logement privé. D’autre part, le nombre de demandes pour de nouvelles hypothèques pourrait diminuer.
En théorie du moins, cela devrait faire baisser le prix de l’immobilier en Suisse, puisque la demande ralentirait. Mais ce n’est pas le scénario qui se dessine actuellement. Au contraire, les prix des propriétés restent très élevés. «La pandémie a continué d’alimenter la demande, mais l’offre stagne, et est même partiellement en recul», explique Martin Tschopp. Cette tendance inquiète les potentiels acheteurs. «Les gens prennent à nouveau un peu plus de temps pour prendre leur décision», rapporte Adrian Wenger.
Les caisses de pension changent de stratégie
Les principaux facteurs influençant les prix, comme l’immigration et la conjoncture économique, restent stables. Concrètement, selon le portail d’évaluation immobilière Realadvisor, les prix des maisons ont augmenté de 1,6% et ceux des appartements de 1,9% entre avril et juin 2022, par rapport au trimestre précédent.
La situation est différente en ce qui concerne les objets de rendement. La hausse des taux d’intérêt a un impact plus rapide sur ces biens, dont le prix baisse. Pour les grandes caisses de pension, par exemple, qui ont davantage investi le marché immobilier ces dernières années, d’autres possibilités de placement redeviennent plus intéressantes. «L’attrait relatif de tels investissements par rapport aux obligations à taux fixe s’est réduit avec la hausse des taux», détaille la Raiffeisen.
Les banques ont moins de concurrence
Selon l’expert Adrian Wenger, certaines assurances et caisses de pension se sont donc retirées du marché hypothécaire. Elles proposeraient moins de prêts, voire plus du tout. «C’est pourquoi les banques ont moins de concurrence», souligne-t-il.
La question reste de savoir si cette évolution laisse à nouveau la place à des marges plus élevées du côté des banques. Les établissements interrogés s’accordent à dire qu’ils ne s’attendent pas dans l'immédiat à une amélioration des marges.
(Adaptation par Jessica Chautems)