L’Allemagne a officiellement demandé à la Suisse de lui vendre des chars de combat Leopard 2 mis au rebut. Ils doivent remplacer les chars que l’Allemagne et d’autres pays de l’Union européenne (UE) ont livrés à l’Ukraine.
La ministre de la Défense, Viola Amherd, s’est montrée étonnamment ouverte à ce marché. Est-ce parce que la ministre de la Défense ressent une forme de pression de la part de l’étranger? À chaque rencontre avec ses homologues, comme lors de la Conférence sur la sécurité de Munich, on lui a sans doute fait remarquer que la Suisse ne se montrait pas assez solidaire avec l’Ukraine.
L’armée renvoie la balle dans le camp politique
Du point de vue de l’armée, il est «en principe possible de renoncer à un nombre limité de chars de combat», a fait savoir son département à l’Allemagne. Le chef de l’armée, Thomas Süssli, a mentionné vendredi au micro de la SRF «un peu plus d’une douzaine» de chars, mais a renvoyé la balle (et la responsabilité de cette décision) dans le camp politique. «D’un point de vue militaire, nous avons besoin de chaque char, mais au final, c’est une considération politique de savoir si l’on vend ou non des chars de combat.»
Et c’est justement au niveau politique que les affaires risquent de coincer. Pour conclure un accord avec Berlin, Viola Amherd a besoin d’un mandat du Parlement pour retirer officiellement les chars du service suisse. Ce mandat devrait provenir de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-N), qui se penchera sur le message sur l’armée le 27 mars.
À l’heure actuelle, la conseillère fédérale ne peut toutefois compter que sur le soutien des politiciens du PS, des Vert’libéraux et, de manière très isolée, quelques membres du Centre et du PLR. Le reste de la coupole dit non.
Même le Centre est sceptique
Le propre parti de Viola Amherd ne semble pas la suivre. «Les commissions de politique de sécurité vont en discuter – je pense que ce n’est qu’à ce moment-là que l’on verra si une majorité est en faveur d’une mise hors service», énonce le chef du groupe parlementaire Philipp Matthias Bregy. Ce dernier rappelle toutefois que les deux commissions ont déjà rejeté l’idée une fois. «J’ai du mal à imaginer que cela puisse changer.»
Pour Philipp Matthias Bregy, deux questions se posent. Pourrait-on considérer une telle vente comme un échange circulaire, «ce qui est délicat du point de vue du droit de la neutralité, contrairement à la levée de l’interdiction de réexportation»? Et dans quelle mesure une vente affecterait-elle la capacité de défense de l’armée suisse? «Si nos chars sont assez performants pour l’armée allemande, ils le sont sûrement encore assez pour nous.»
L’UDC s’y oppose fermement
À droite de l’échiquier politique, les idées paraissent arrêtées. Le chef du groupe parlementaire UDC Thomas Aeschi, le président du PLR Thierry Burkart et les présidents des commissions de politique de sécurité, Werner Salzmann et Mauro Tuena, tonnent à l’unisson que la Suisse a besoin de ses chars.
Les partis bourgeois sont d’ailleurs soutenus par les officiers de chars. «Aujourd’hui déjà, nous n’avons pas assez de véhicules pour toutes les troupes. Il n’y a pas non plus de réserves», précise Erich Muff, président de la Société des officiers des troupes blindées.
À part cela, on reproche à Viola Amherd une certaine absence de stratégie. Mercredi, le Conseil des États lui a en effet demandé, par le biais d’un postulat, d’élaborer une doctrine de défense pour l’armée. La conseillère fédérale aurait répondu qu’il n’y avait pas assez de temps pour cela jusqu’en août. «Je trouve étonnant que nous manquions d’une stratégie, mais que le DDPS sache déjà qu’il n’a plus besoin d’une partie de la flotte de chars», s’est étonné Werner Salzmann.