C’est le troisième épisode d’un petit feuilleton — estampillé Blick — qui fait mousser jusque sous la Coupole fédérale. Le 13 septembre, le cofondateur de la célèbre brasserie vaudoise Docteur Gab’s disait sa crainte de devoir licencier, augmenter le prix de ses bières, voire déposer le bilan. En cause, une facture d’électricité en hausse de 600% pour 2023.
Dès le lendemain, après avoir lu ce cri d’alarme, le conseiller national vert vaudois Raphaël Mahaim saisissait le Conseil fédéral: que compte-t-il faire face à cette situation dramatique, qui ne concerne pas seulement des PME, mais aussi des communes — comme celle de Saint-Prex (VD), dont la douloureuse a bondi de 1600% pour l’an prochain?
Ce lundi, le gouvernement lui a répondu. Les sept Sages ont «chargé le groupe de travail interdépartemental d’évaluer les mesures envisageables». Parmi les pistes explorées: permettre aux entreprises de revenir dans le marché régulé de l’électricité ou accorder des crédits cautionnés par l’État, sur le modèle des prêts Covid.
Rapport attendu en octobre
Pour mémoire, le marché suisse de l’électricité est semi-libéralisé. En clair, les gros consommateurs (plus de 100’000 kWh par an), ont accès à un marché libre géré par des entreprises privées: moins cher quand tout va bien — mais moins stable, car tributaire de l’offre et de la demande comme des crises et des guerres. C’est pour ces clients-là que les prix du courant explosent pour 2023.
Problème: actuellement, la firme ou la commune qui a fait ce choix, souvent par souci d’économies, n’a pas le droit de changer d’avis et de revenir dans le marché régulé, où les prix augmentent beaucoup moins fortement (+27% en moyenne), parce que sujets à l’intervention de l’État.
Le Conseil fédéral se dit conscient que «les entreprises particulièrement touchées […] risquent de rencontrer des difficultés de trésorerie», voire, «dans les cas extrêmes, risquent la faillite». Il est moins tendre avec les communes, qui «peuvent gérer les effets de l’augmentation des prix de l’électricité en augmentant les impôts ou en réduisant les dépenses». Le rapport interdépartemental est attendu pour octobre.
«Le Conseil fédéral est déconnecté de la réalité des communes!»
«Cette réponse soulève un certain espoir, se réjouit Raphaël Mahaim, contacté par Blick. Le Conseil fédéral ouvre une porte pour les entreprises, c’est nouveau. Jusqu’ici, pour lui, il était exclu de les laisser revenir dans le marché régulé». Les Verts demandent que ces boîtes puissent le faire sous conditions, par exemple en augmentant le nombre de panneaux solaires sur leur(s) toit(s).
L'avocat n'est toutefois pas entièrement satisfait. «Le Conseil fédéral démontre qu’il est complètement déconnecté de la réalité communale! Réduire ses dépenses ou augmenter ses impôts est un processus lourd, qui demande du temps et qui peut avoir des conséquences sur les prestations offertes aux citoyennes et citoyens», s’agace Raphaël Mahaim. Aux yeux de l'élu écologiste, les municipalités devraient aussi pouvoir revenir dans le marché régulé si elles respectent certaines règles. Par exemple, si elles mettent en place un plan de sobriété énergétique.
Les lignes commencent aussi à bouger sur un autre front. La Confédération pourrait décider de plafonner les prix du courant, sur le modèle de ce que proposera la Commission européenne ou non, avance le Conseil fédéral dans sa réponse à une question de la conseillère nationale socialiste fribourgeoise Ursula Schneider Schüttel. Une entente plus large sur l’électricité avec l’Union européenne, au point mort depuis l’abandon de l’accord-cadre, semble encore loin.