Au téléphone, Patrick Jaggi est encore soufflé par l'élan de solidarité qui s'est formé ces derniers jours dans le sud du canton de Fribourg. Tout est parti d'un message sur WhatsApp: à quelques contacts, le bientôt quinquagénaire a partagé l'histoire de Sophie, étudiante à l'EPFL et ancienne camarade de classe de sa fille Estelle. La mère de la jeune femme de 20 ans est bloquée à Kiev, sous les bombes russes.
«Comme des millions de ses compatriotes, elle a tout perdu d'un jour à l'autre. Avec ma femme Bénédicte, nous avons tout de suite décidé de l'aider», raconte l'habitant de Châtel-St-Denis. Et le couple n'a pas fait les choses à moitié: la mère de famille, enseignante au Cycle d'orientation de la Veveyse, a embarqué Sophie, sa propre fille Estelle et un ami de celle-ci en direction de la frontière ukrainienne, près de Krakovets.
Un périple de plus de 16 heures et presque 1700 km depuis la Veveyse avec un seul objectif: permettre à la maman de Sophie de quitter le pays au plus vite. «Elle a passé deux nuits difficiles. Elle a dormi dans des sous-sols ou dans sa voiture, a fait des heures de queue pour quelques litres d'essence», explique Patrick Jaggi, expert en informatique.
L'Ukrainienne n'avait «que» 700 km à faire pour rallier la frontière depuis sa ville, mais un coup d'oeil à Google Maps montre bien la difficulté de se déplacer dans un pays attaqué par l'armée russe.
Pour Sophie, les derniers jours ont été très difficiles. «Sa» ville de Gostomel, dans la banlieue de la capitale ukrainienne et où réside sa famille maternelle, a fait l'objet d'intenses bombardements. «Je pense qu'il ne reste plus rien de notre maison», sanglote la jeune femme de 20 ans dans une vidéo postée sur Instagram.
Selon les dernières nouvelles, si tout va bien, Sophie devrait pouvoir retrouver sa mère «dans les prochaines heures», selon Patrick.
D'ici à la rencontre tant attendue, le quatuor parti du canton de Fribourg s'est mis au service du centre de réfugiés qui s'est constitué à la frontière polono-ukrainienne. Avant de partir, la «délégation» suisse avait d'ailleurs rempli sa voiture de tout ce qui pouvait servir sur le terrain.
Balthazar, dernier membre du voyage, est passionné de photographie. Il a collecté des dizaines de clichés et de récits d'Ukrainiens en détresse. Une manière de raconter la réalité crue de cette guerre mais aussi de documenter cette aventure loin de la Veveyse et de la Gruyère.
Dans le sud du canton de Fribourg, l'histoire a mobilisé. «Par le biais du bouche-à-oreille, j'ai même reçu des messages de personnes de Moutier que je ne connaissais pas», témoigne Patrick. Au départ, l'homme voulait simplement mobiliser quelques amis pour financer le voyage et les besoins immédiats. «Mais au vu de l'ampleur de la solidarité, on va réfléchir à ce que l'on veut mettre en place, notamment pour cette femme qui doit tout reconstruire.»
Une initiative qui fait des petits: dans les commentaires de la publication du Fribourgeois, un nouveau convoi s'organise, ainsi qu'une cagnotte. «Ma pote part demain matin», assure une internaute.