Une fausse bonne idée? La politique tarifaire du centre culturel autogéré qu’est L’Usine, en plein cœur de Genève, fait des remous. À quelques mois des élections municipales — sans surprise — la polémique a rapidement enflé: le nouveau club de L’Usine, Le Kauri, réserve pour chacune de ses soirées vingt places parmi les moins chères aux personnes qui s’identifient comme queer ou racisées. Et ça n’a (vraiment) pas plu à tout le monde.
Sur Facebook, Bryan Lo Giudice, membre du comité directeur du Parti libéral-radical (PLR) de Genève, ne cache pas son mécontentement. Contacté, celui qui est aussi un ex-membre du comité de l’association Dialogai, engagée en faveur des droits des personnes LGBTQI+, fulmine, à l’autre bout du fil. Il est catégorique: «Faire payer moins cher les gens queer et racisés, c’est les instrumentaliser!»
C’est-à-dire? «Ce qui me dérange, c’est le double discours qui se cache derrière ce genre de démarches, avance le politicien. La gauche genevoise brandit constamment l’importance de l’égalité, et dans le même temps, cette même gauche instaure des ségrégations. À l’image de ce qu’a fait l’institution de gauche qu’est L’Usine.»
Coller des étiquettes?
Il nous l’assure, il n’a par ailleurs rien contre ce lieu. Au contraire: «L’Usine n’est pas mon genre de lieu de fête et je n’y ai plus mis les pieds depuis des années, pour être honnête. Mais il est important que ce lieu alternatif existe: c’est indéniablement un lieu culturel genevois d’importance.»
Aujourd’hui, il serait prêt à y retourner… Par esprit de provocation: «Je pourrais y aller juste pour démontrer l’absurdité de ces rabais. Si je dis, à l’accueil, que moi Bryan, je m’identifie comme une personne racisée, est-ce que le videur de L’Usine va pouvoir remettre en question mon autodétermination, sans aller à l’encontre des principes revendiqués par L’Usine?», s’interroge le politicien et gestionnaire de fortune.
Et d’embrayer: «Ou alors, si on refuse, à l’entrée, de m’accorder le tarif pour 'personnes racisées', ça veut dire qu’il est de la prérogative d’un videur de coller une étiquette sur les gens, de décider si mon identité est assez convaincante? C’est complètement ridicule.»
«Respect de la vie privée»
Autre point qui le met en pétard: «En tant qu’homme libéral homosexuel, le respect de la sphère privée est extrêmement important pour moi. Demander aux gens de justifier leur sexualité ou leur ethnicité face à des inconnus, à l’entrée d’un club, c’est complètement scandaleux. Nous, au PLR, ce qu’on défend, c’est l’égalité dans le sens où les gens qui se qualifient de queer ou racisé ont droit au même respect de la vie privée que n’importe quel autre citoyen.» Pour rappel, la Ville de Genève accorde plusieurs subventions aux associations qui composent le microcosme de L'Usine (mais ne subventionne pas l'association en charge du Kauri, en revanche).
Pour Bryan Lo Giudice, la Ville de Genève devrait cesser de subventionner ce lieu tout court, dans ces conditions. «Je n’ai aucun doute sur le fait que le socialiste Sami Kanaan (ndlr: en charge du Département de la culture de la Cité de Calvin) n’est pas homophobe ou transphobe, et n’a aucune volonté de discriminer, mais ce genre de démarches, applaudies par ses services, c’est l’inverse de l’égalité des droits!»
Bryan Lo Giudice n’est pas seul dans son combat contre L’Usine. Le lundi 14 octobre, sur le plateau de Léman Bleu, la candidate PLR à la Mairie de Genève Natacha Buffet-Desfayes dénonçait, elle aussi, une «démarche au mieux contreproductive et au pire un peu dangereuse», face à la candidate socialiste Joëlle Bertossa, qui a notamment rappelé que cette «démarche n’empêche personne d’aller à L’Usine».