Halloween est l’occasion de se déguiser avec plus ou moins de bon goût. De façon subjective et assumée, le député de l’Union démocratique du centre (UDC) au Grand Conseil vaudois Nicola Di Giulio a fait savoir à Blick qu’il n’appréciait pas du tout celui de sa camarade de parti Marianne Dind.
Celle qui est l’une des initiatrices de la pétition pour une tolérance zéro face au deal de rue dans le canton a publié sur son profil Facebook — en mode public — plusieurs photos d’elle avec la moitié du visage noirci et les cheveux en bataille. Sur l’un des clichés, elle plante une fausse seringue dans un de ses bras. Sur une autre, dans son cou. Cette légende accompagne le tout: «Halloween OU la crise du crack et du fentanyl…?!»
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Nicola Di Giulio tape du poing sur la table. «Je vous écris pour partager mon étonnement et ma déception concernant la récente activité sur les réseaux sociaux de Madame Dind. En tant qu’initiatrice d’une pétition visant à lutter contre le trafic de drogue, il me semble inadmissible de la voir adopter une posture qui pourrait être perçue comme contradictoire avec les valeurs et les objectifs de son engagement.» L’élu appuie: «Son influence et son rôle dans cette cause sont cruciaux, et il est important que sa présence publique reflète pleinement les principes qu’elle défend.»
Marianne Dind se justifie
Nous avons confronté la principale intéressée ce lundi. Comprend-elle que le fait de se déguiser en consommatrice de drogue puisse être mal interprété? «Il s’agit de photographies de 2020, de la période d’Halloween, précise-t-elle d’emblée. Il s’agissait bien plutôt d’un déguisement de 'zombie' et non pas de représentation d’une personne toxicodépendante au moment où ces photos ont été prises.»
Il n’empêche qu’elle fait directement allusion dans sa publication à des drogues ainsi qu’à sa pétition. «J’assume parfaitement le petit trait d’humour noir car, en effet, ces photos m’ont fait sourire lorsque je les ai revues et je les ai trouvées assez en adéquation avec la problématique que nous vivons malheureusement quant aux stupéfiants», explique-t-elle.
Elle poursuit: «Je crois toutefois que toute personne sensée se rend immédiatement compte qu’il s’agit d’un canular et d’un déguisement, de seringue en plastique, il y a du faux sang, etc. Bref, on est dans un côté un peu grotesque et décalé de la fête d’Halloween. Après, certains ayant une sensibilité religieuse, ne supporteront peut-être pas que l’on se déguise en sorcière ou en diable, qu’on lise du Harry Potter, ou qu’on regarde de la famille Addams…?»
La meilleure défense? L’attaque
L’ancienne vice-présidente de l’UDC Riviera prend un peu de hauteur: «Tout n’est pas politique, à mon sens, dans la vie, et me déguiser a toujours fait partie de ma personnalité. J’aime le chant, le théâtre et l’art en général. Je tiens à préciser que ces photographies n’ont pas été publiées sur le site concernant le deal de rue, mais bien sur ma page Facebook privée et qu’il s’agissait d’un événement privé. Enfin, il est vrai que tout peut être au final mal interprété et qu’on ne pourra jamais plaire à tout le monde, raison pour laquelle il est très important de rester soi-même, même si l’on peut toujours s’améliorer.»
Que répond-elle sur le fond à son collègue Nicola Di Giulio, qui siège en outre au sein de l’organe délibérant lausannois? «L’UDC est le 'parti des libertés' et c’est bien pour cette raison que j’ai intégré ce parti, glisse-t-elle. Je trouve que l’UDC n’est pas du tout sectaire, on peut s’exprimer librement et je souhaiterais que ce parti reste ainsi et ne pas avoir peur de mettre en lumière des problèmes qui touchent la population. En effet, d’autres partis sont beaucoup plus moralisateurs et ça ne correspond pas à mes valeurs, ni à mes idées.»
Concernant Nicola Di Giulio, elle assure respecter «sa sensibilité personnelle». «Mais il ne représente pas directement un organe du parti», souligne-t-elle. «Il n’est pas président de l’UDC Vaud, donc, à mon sens, sa prise de position n’engage que lui, de la même manière que des photos privées sur mon mur n’engagent en principe que moi. En cela, je trouve que mon collègue n’est pas cohérent, avec les principes de liberté et de responsabilité individuelle que l’UDC soutient. Au-delà de cette histoire, je tiens quand même à rappeler que le plus important est la pétition contre le deal de rue.»
L’incendie se propage
Dans la foulée, Floriane Gonet, secrétaire générale de l’UDC Vaud, nous a spontanément envoyé un courriel. «Je suis stupéfaite devant un tel besoin de notoriété de la part de Monsieur Di Giulio. A quel moment, il est nécessaire de contacter un média pour s’offusquer de photos d’une jeune femme? Madame Dind est membre de l’UDC Vaud, certes. Elle n’est pas élue. Elle n’a aucune fonction au sein du parti. Elle pratique l’art photographique, il s’agit de sa vie privée. A quel moment faut-il s’en offusquer?»
Elle va au bout de son coup de sang: «Monsieur Di Giulio veut-il s’intéresser aux 2700 membres de L’UDC Vaud? Quel est l’intérêt? Aucun. Si Madame Dind veut présenter des photos sur ses pages privées, il s’agit de son problème à elle. A aucun moment le parti cantonal est engagé ou cité. L’UDC Vaud ne se positionne pas sur les activités privées de ses membres. A aucun moment l’avis de Monsieur Di Giulio est demandé. S’il est choqué, et bien, qu’il passe son chemin.»
Nicola Di Giulio persiste et signe
Alors que tout ce petit monde s’est par ailleurs adressé des mots doux par e-mail en nous mettant en copie, le député reste droit dans ses bottes. Il lance à Marianne Dind: «En tant qu’avocate, tu devrais être consciente que de telles publications peuvent poser des problèmes de droit à l’image. De plus, ces images, qui illustrent des comportements que tu dénonces, sont à mon sens scandaleuses et je n’y adhère pas en ma qualité de citoyen, de conseiller communal et de député.»
Le parlementaire insiste: «Pour les proches touchés par la toxicomanie, ces représentations sont d’une totale immaturité et témoignent d’un manque d’empathie. Je me demande si cette initiative vise davantage à te mettre en avant pour un prochain mandat plutôt qu’à exprimer une réelle compassion pour les personnes vulnérables.»
L’enquêteur de police de formation répond ensuite à sa secrétaire générale: «Je comprends tes préoccupations et ta solidarité féminine, mais il est important de clarifier certains points. […] Je n’ai pas à justifier davantage mes motivations, mais je veux souligner que ma démarche n’avait rien à voir avec une quête de visibilité médiatique personnelle, comme tu ne peux pour le moment pas le comprendre.»
Il enchaîne, sans se défausser: «Mon intention était de contribuer à un débat ouvert sur un sujet crucial, le droit à l’image, car il est inacceptable pour une personnalité publique de s’afficher ainsi, que ce soit dans un cadre privé ou public. Cela s’applique également à d’autres figures publiques qui se sont exposées sur les réseaux sociaux et ont été critiquées, notamment par le groupe UDC au Grand Conseil. Je suis donc parfaitement cohérent dans ma démarche et je ne me justifierai plus sur ce sujet.»