Pénurie aiguë de médecins
Un village valaisan fait venir sa nouvelle doctoresse du Salvador

Les médecins de famille manquent. Le village montagnard de Grächen (VS) a cherché un successeur à son médecin à la retraite pendant cinq ans. Sans succès. La commune a donc opté pour une solution exceptionnelle: elle fait venir une médecin originaire du Salvador.
Publié: 07.06.2022 à 15:17 heures
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Chaque jour, le Dr Elena Deras Avelar se lève à quatre heures du matin pour apprendre l'allemand.
Photo: Luisa Ita
Luisa Ita

Elle nous montre une photo d’une cabane délabrée au toit de paille en Amérique centrale: c’est là que la doctoresse Elena Deras Avelar a grandi avec ses parents et ses neuf frères et sœurs. «Il n’y avait pas d’eau courante ni d’électricité», raconte-t-elle dans un mélange d’anglais et d’allemand. La vie qu’elle mène aujourd’hui, elle n’aurait même pas osé l’imaginer: «Je dis toujours que je vis maintenant comme Heidi. J’adore les montagnes, c’est tellement beau ici!»

Elle reprendra en septembre le cabinet de médecine générale de Grächen, petit village du Valais. Elle sera accompagnée les six premiers mois par son prédécesseur et s’installera dans le village avec son fils de sept ans et son mari.

Le soulagement est grand dans la commune de montagne. Elle tente depuis cinq ans de trouver un successeur au médecin qui y a exercé pendant très longtemps. Le président de la commune Martin Schürch explique pourquoi cela a été si difficile: «Aujourd’hui, un jeune médecin n’est plus disposé à offrir un service complet. Dans les villes et les grandes communes, plusieurs médecins peuvent se partager le service de piquet, mais ce n’est guère possible dans les communes de montagne.»

Des coïncidences heureuses

Elena Deras Avelar, étrangère à la problématique, rend visite à des amis en Suisse en juin 2020. La médecin s’est vue offrir son billet par une compagnie aérienne espagnole, comme beaucoup d’autres professionnels de la santé: un cadeau de remerciement pour son engagement durant la première vague du Covid. Elle espère que ce séjour dans les montagnes idylliques convaincra son mari de s’installer en Suisse, elle-même étant déjà tombée amoureuse de notre pays lors de son premier voyage en Suisse en 2007. Son mari n’était pas enthousiaste au départ, mais comme il n’avait pas de travail à cause de la pandémie, ils déménagent en Suisse en juillet 2021.

La commune désespérait alors de trouver un médecin. En dernier recours, elle a réuni le médecin local sur le départ, le pharmacien, le service de secours et le physiothérapeute autour d’une table ronde. À la même période, la médecin d’Amérique centrale s’est retrouvée à dîner avec une amie latino-américaine de Grächen. Le mari de l’amie en question? Le physiothérapeute. Il évoque auprès d’Elena Deras Avelar la recherche d’un médecin. Elle prend immédiatement contact avec la commune.

La future doctoresse de montagne se lève tôt pour apprendre l’allemand

Le grand défi: à l’époque, elle ne parle encore pas un mot d’allemand. C’est pourquoi les responsables ont mis au point un plan. «Grâce aux relations personnelles du pharmacien à l’hôpital de Brigue et à la grande serviabilité de l’hôpital, on a pu lui trouver une place de stage pour six mois», explique Martin Schürch. La future doctoresse de montagne y travaille actuellement à 80%, tout en suivant trois fois par semaine un cours d’allemand intensif financé par la commune.

«Je me lève tous les matins à quatre heures pour apprendre l’allemand, raconte-t-elle. À l’école, je comprends déjà beaucoup de choses, mais les Valaisans parlent très différemment.» Elle est toutefois convaincue qu’elle peut y arriver d’ici l’automne.

Des études dans des conditions très difficiles

La médecin a grandi dans des conditions précaires au Salvador. Elle a commencé une formation d’infirmière et, grâce à ses bonnes notes, elle a obtenu une bourse d’études à Cuba. «Mon père a dû vendre notre vache pour que je puisse m’y rendre», se rappelle-t-elle. Pendant ses études, elle a vécu dans une résidence: «il y avait 80 étudiants par étage». Les toilettes étaient horribles, la nourriture monotone et mauvaise. «Il y avait tous les jours des haricots, du poulet et du riz.»

Elena Deras Avelar est reconnaissante de cette chance et va jusqu’au bout de ses études. Après avoir obtenu son diplôme, elle part en Espagne grâce à l’aide financière de connaissances, se perfectionne et y rencontre son mari. Elle reste à Madrid et travaille comme médecin de famille. «Mais j’ai toujours trouvé qu’il y faisait trop chaud», souffle-t-elle en riant.

Pour Grächen, l’arrivée d’Elena Deras Avelar est un coup de chance. Selon le président de la commune, les autorités ont contribué à la recherche d’un logement et le canton du Valais paie le salaire pendant les six premiers mois, au cours desquels le médecin de longue date va initier sa successeure.

(Adaptation par Jocelyn Daloz)

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