Le moment ne pouvait pas être plus mal choisi: le 25 février 2020, l'initiative populaire pour un «Micro-impôt sur le trafic des paiements sans espèces» est lancée. Le jour-même, la Suisse enregistre son premier cas de Coronavirus.
En effet, lors de la conférence de presse organisée par Oswald Sigg pour le lancement de l'initiative début mars, seuls quatre journalistes étaient présents. L'attention des médias - et des citoyens - était accaparée ailleurs. Et il en est resté ainsi.
Pour l'ancien vice-chancelier et porte-parole du Conseil fédéral, c'est un problème. «Le gouvernement part du principe qu'une collecte normale de signatures est possible», explique Oswald Sigg. «Cela ne correspond pas à la réalité.» Et pour cause, avec le masque et la distanciation sociale, difficile d'attirer l'attention des passants. Même les bureaux de vote sont hors d'atteinte, les autorités ayant appelé la population à voter par correspondance.
Les initiatives échouent déjà au stade de la collecte
Mais l'ignorance des citoyens est également un problème pour Oswald Sigg. «À cause de l'absence de couverture médiatique, les gens ne savaient même pas ce qu'était l'initiative de micro-fiscalité», déplore-t-il.
Concrètement, le texte préconise que la taxe sur la valeur ajoutée, l'impôt fédéral sur le revenu ainsi que le droit de timbre soient remplacés par une mini-taxe sur chaque transaction financière (qu'il s'agisse de payer un café ou d'acheter des actions). Les banques et les commerçants passeraient ainsi également à la caisse.
Compte tenu de l'échec de son projet de loi, passé inaperçu, l'ancien vice-chancelier estime que c'est tout le système politique suisse qui est en danger. «La démocratie directe a été victime du Corona», déclare l'homme qui avait déjà soumis l'initiative sur le revenu de base inconditionnel aux urnes. Avant de citer huit autres initiatives qui ont échoué au stade de la collecte ou ont été retirées au cours de l'année écoulée.
Mobilisation citoyenne plus difficile
Malgré le frein à la mobilisation populaire que représentent les mesures sanitaires, trois comités ont néanmoins réussir le pari de l'initiative en temps de Covid. En effet, l'initiative de l'Union syndicale suisse pour une 13e rente AVS a été certifiée. Celle des Jeunes libéraux-radicaux visant à augmenter l'âge de retraite a quant à elle recueilli 137'000 signatures. Plusieurs référendums ont également été adoptés malgré la pandémie, certains avec un nombre de signatures nettement supérieur aux 50'000 nécessaires.
Oswald Sigg ne caricaturerait-il pas le problème, sous le prisme de son propre projet? Son comité n'aurait-il pas simplement manqué d'aplomb? Ou alors la question n'est-elle pas assez populaire? Le socialiste concède volontiers que l'objet de l'initiative n'est pas des plus simples: "lorsque nous avons collecté des signatures pour un revenu de base inconditionnel, par exemple, les gens ont immédiatement su de quoi il s'agissait.»
Les syndicats et les partis avantagés
Tous ne sont pas égaux face à la portée que peut avoir une initiative. Le succès de l'Union syndicale peut par exemple s'expliquer par leur important carnet d'adresses. En effet, l'envoi direct des feuilles de signatures aux individus a permis de compenser une partie des signatures qui n'ont pu être recueillies dans la rue, comme l'explique le porte-parole Urban Hodel. Les Jeunes libéraux-radicaux ont également pu compter sur les contacts de leur parti-mère pour l'envoi des feuilles de signature directement à domicile.
En l'absence de soutien d'un groupe politique, Oswald Sigg et ses troupes, en revanche, étaient davantage livrés à eux-mêmes. «Bien que nous ayons reçu des signaux positifs au début, malheureusement aucun parti ne nous a suivi», regrette le membre du PS.