Par souci de neutralité
Armasuisse a refusé d'envoyer du matériel militaire en Ukraine

Depuis le début de la guerre, l'Office fédéral de l'armement a reçu des dizaines de demandes pour envoyer des casques et des gilets de protection en Ukraine. Des demandes qui ont fini par être rejetées pour respecter la neutralité suisse.
Publié: 11.04.2022 à 06:06 heures
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Des militaires ukrainiens dans un camp avec des casques de protection fraîchement livrés. Ces derniers ne proviennent pas de la Suisse.
Photo: DUKAS
Reza Rafi

Certains considèrent déjà que la Suisse a violé sa neutralité historique en reprenant les sanctions européennes contre la Russie. Pour l'UDC, la Confédération est même partie en guerre. Si l'on se penche sur le traitement des requêtes reçues par l'Office fédéral de l'armement, armasuisse, la situation est tout autre.

Depuis le début de l'agression de l'Ukraine par la Russie, l'Office fédéral de l'armement a reçu des dizaines de demandes de matériel de protection. Le désespoir provoqué par l'opération militaire brutale du président russe Vladimir Poutine se reflète dans les prises de contact avec les employés de la Confédération. Des dizaines de demandes ont été formulées pour des casques à destination de l'unité de pompiers d'une ville ukrainienne, des gilets de protection pour les collaborateurs d'un groupe suisse, ou encore des produits de premiers secours pour des proches.

Armasuisse ne peut pas aider

Toutes ces requêtes ont été refusées. La cause: la loi sur le matériel de guerre. Contacté par le SonntagsBlick, le porte-parole d'armasuisse, Kaj-Gunnar Sievert, confirme ces informations: «Jusqu'à présent, nous avons reçu une cinquantaine de demandes par téléphone et par e-mail», fait-il savoir.

Ce sont surtout «des gilets de protection, des casques balistiques, des chaussures et du matériel sanitaire» qui ont été demandés. Les intéressés sont «des entreprises qui ont demandé du matériel de protection pour leur société ou leurs collaborateurs en Ukraine, des particuliers qui ont agi pour des particuliers (famille/parents) ou encore des organisations (comme les sapeurs-pompiers).» Toutes les personnes en demande d'aide se seraient manifestées depuis la Suisse.

Reste la question de la réaction de l'administration. On aurait à chaque fois renvoyé les requérants vers le Secrétariat d'État aux migrations, la pharmacie de l'armée, ainsi que des entreprises de fabrication privées. Les personnes intéressées ont par exemple été mises en contact avec un producteur allemand de casques de protection. Kaj-Gunnar Sievert souligne qu'armasuisse n'est pas un arsenal ou un dépôt d'armes, mais l'acquéreur de matériel de l'armée. Il n'a d'ailleurs pas été question d'armes ou de munitions.

Une neutralité dépassée?

Ce cas jette une lumière crue sur le débat national concernant la neutralité. Le changement d'époque en matière de politique de sécurité, déclenché par la guerre de Poutine, touche également la Berne fédérale. Les présidents du PLR et du centre se sont soudainement découvrent une passion pour l'Europe. La Suisse doit «coopérer beaucoup plus étroitement qu'aujourd'hui avec l'OTAN», affirme Thierry Burkart dans le «Tages-Anzeiger». Gerhard Pfister a d'ailleurs plaidé dans les pages de CH-Media pour que les avions de combat F-35 soient utilisés dans le cadre de la surveillance aérienne sur le continent.

Quant à la gauche, les exactions commanditées par Vladimir Poutine la mettent face à son dilemme en matière de pacifisme.

Les Ukrainiens ont tout de même reçu du matériel sanitaire suisse le 1er mars. La Confédération a annoncé la livraison de matériel humanitaire: matelas, sacs de couchage, couvertures en laine. Mais pas un seul casque ou gilet de protection.

(Adaptation par Lliana Doudot)

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