Avant que le ministre de la Santé Alain Berset n'annonce récemment le dernier choc des primes, l'un de ses collaborateurs lui aurait soumis un diagramme censé résoudre l'énigme des primes maladies.
Sur le graphique, deux colonnes. L'une montre les recettes des caisses maladie. L'autre montre leurs coûts. La conclusion est claire: les coûts sont plus élevés. Et c'est bien là que se trouve le problème. Comme les assureurs dépensent plus qu'ils ne gagnent, les primes doivent augmenter.
Les changements de caisses sont coûteux
L'une des raisons de ces coûts élevés est l'exode des assurés vers des caisses moins chères. Étant donné qu'en 2022 le nombre de personnes ayant changé d'assureur était bien plus élevé que ce qui avait été calculé, la prochaine hausse était inévitable. Cette année, le ministre de la Santé Alain Berset a néanmoins recommandé à ceux qui sont particulièrement touchés de passer à une caisse moins chère. C'est la raison pour laquelle son successeur se retrouvera probablement au même point l'année prochaine. Un véritable cercle vicieux!
La socialiste Sarah Wyss ne veut plus jouer à ce jeu. La conseillère nationale bâloise affirme que les nombreux changements de caisse chargent le système de santé d'au moins 130 millions de francs par an. Pour les caisses, c'en est trop: les charges de personnel augmentent et des réserves plus importantes sont nécessaires.
60 postes supplémentaires
C'est bien ce qui s'est passé pour la caisse-maladie bernoise KPT. Parce qu'elle proposait de loin l'offre la plus avantageuse en matière d'assurance de base, elle a littéralement été submergée par les nouveaux clients. D'un seul coup, la caisse bernoise s'est retrouvée avec 195'000 assurés, soit 55% de plus en début d'année.
Pour faire face à cet afflux, 60 postes supplémentaires ont été créés. Des lettres ont été envoyées aux clients pour leur demander de faire preuve de compréhension si un remboursement devait prendre un peu plus de temps.
Un «effet KPT»?
La socialiste Sarah Wyss doute de la durabilité de ce système: elle parle même d'un «effet KPT» – autrement dit, de mauvaises incitations. Et elle a son avis sur la question. La Bernoise soupçonne les assureurs de fixer artificiellement leurs primes à un niveau trop élevé pour éviter un afflux de nouveaux clients: «Le système d'assurance maladie est ébranlé dans son essence. La concurrence ne marche plus s'il n'y a plus du tout d'incitation à proposer les primes les plus avantageuses possibles.»
Sarah Wyss veut que le Conseil fédéral se prononce d'ici la session d'hiver sur la question: les caisses fixent-elles des primes plus élevées afin d'évincer les personnes intéressées par un changement à court terme?
Pas d'autorisation avec des bénéfices trop élevés
A l'Office fédéral de la santé publique, on ne veut pas entendre parler d'un «effet CPT». Il existe des mécanismes pour empêcher les assureurs de fixer des primes trop élevées, a déclaré le porte-parole de l'OFSP Andrea Arcidiacono à Blick. «Comme il est interdit de faire des bénéfices, si les primes étaient systématiquement trop élevées, les réserves ne cesseraient d'augmenter.»Si ces réserves devaient augmenter de manière excessive, on leur refuserait alors l'autorisation.
L'association d'assurance maladie Santésuisse réfute la thèse de Sarah Wyss, qu'elle qualifie d'irréaliste. Le porte-parole Matthias Müller déclare: «L'objectif est toujours d'attirer des clients supplémentaires.» Les assureurs sont en forte concurrence. C'est surtout pour cette raison que les frais administratifs de 5% sont bas, comparativement aux primes: «Les primes sont calculées au plus juste. S'il en était autrement, les réserves n'auraient pas diminué autant et les primes auraient augmenté nettement plus l'année dernière.»
Selon Matthias Müller, les assureurs-maladie de taille moyenne et grande n'ont pas de problèmes à attirer des clients, car ils pourraient totalement y faire face avec leur infrastructure existante.
Mais Sarah Wyss en est convaincue: l'«effet KPT» pulvérise l'argument des caisses maladie selon lequel la concurrence fait baisser les coûts et augmenter la qualité. «Les caisses maladie n'ont plus d'intérêt à être le prestataire le moins cher.» La politicienne socialiste a déjà une solution en réserve pour ce dilemme: la caisse maladie publique.