Le nombre de réfugiés ukrainiens qui atteignent la Suisse est en augmentation. Jeudi par exemple, pas moins de 750 personnes fuyant l’invasion russe sont arrivées dans la commune de Buchs, située à la frontière du Liechtenstein, selon les autorités cantonales saint-galloises. Au total, 2100 ont déjà été enregistrés sur le territoire national.
Dès ce samedi, ils pourront bénéficier du statut de protection S, comme décidé vendredi par le Conseil fédéral. Certains ressortissants non ukrainiens aussi. Ce statut, activé pour la première fois depuis sa création dans les années 1990, donne un droit de séjour — renouvelable — d’un an, permet le regroupement familial et donne aux bénéficiaires le droit de travailler dès le premier jour de validité dudit permis.
Les cantons et les œuvres d’entraide s’étaient prononcés à une très large majorité en faveur de cette mesure lors de la mise en consultation du projet. Seuls Glaris et le Tessin s’étaient opposés au fait que les réfugiés puissent trouver un boulot sans délai.
L’UDC met en garde
Mais dans les faits, beaucoup sont traumatisés et ne connaissent aucune langue nationale. Difficile dans ces conditions de trouver de l’embauche. C’est pourquoi les cantons et les organisations de défense des droits des réfugiés ont fait pression sur le Conseil fédéral pour qu’il pense également à l’intégration de ces individus en détresse. Résultat, la Confédération est désormais prête à discuter de la prise en charge des coûts des cours de langue.
Mais cela ne plaît pas à tout le monde et les prises de position de l’Union démocratique du centre (UDC) montrent que la solidarité, immense aujourd’hui, est fragile. Le plus grand parti du pays — derrière lequel se range près d’un tiers de la population — a demandé à la Confédération de veiller à ce que la volonté d’aider ne conduise pas à des décisions «dont la population suisse devra ensuite à nouveau faire les frais».
En clair, pour les conservateurs, il ne faudrait pas se montrer trop souple avec les réfugiés ukrainiens et ne pas trop les intégrer à la société. L’UDC appelle en outre le Conseil fédéral à s’assurer que les familles ukrainiennes ne soient pas mélangées à des «requérants d’asile masculins et musulmans».
«Elles veulent retourner auprès de leur mari»
A ce stade, plusieurs questions se posent. Par exemple, combien de temps ces réfugiés, dont 70% sont des femmes et 40% des mineurs, devront-ils rester en Suisse? En l’état, impossible de répondre, mais Karin Keller-Sutter, en charge du Département fédéral de justice et police, en est convaincue: «Ce qu’elles veulent, c’est retourner auprès de leur mari, de leur frère, de leur père, de leur famille».
Impossible également de savoir combien de personnes la Suisse devra accueillir dans les mois, voire les années, à venir. A long terme, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) prévoit jusqu’à 15 millions de personnes déplacées à travers l’Europe. Un défi, confirme la conseillère fédérale PLR: «Nous devons nous y préparer».
Si cela devait se confirmer et qu’un mécanisme de répartition venait à être mis en place en Europe, alors la Suisse pourrait devoir abriter 250’000 personnes poussées hors de chez elles par Vladimir Poutine. Des experts affirment même qu’à long terme, ce chiffre pourrait atteindre le million. Aujourd’hui, Karin Keller-Sutter parle plutôt de dizaines de milliers. Mais en deux semaines de guerre, deux millions de personnes ont fui, a-t-elle rappelé. «C’est du jamais-vu.»
(Adaptation par Amit Juillard)