Tout à coup, tout le monde a tendu l'oreille: la cheffe de Fedpol, Nicoletta della Valle, avait oublié d'éteindre son téléphone portable avant une réunion de la «Task Force Proche-Orient». Le comité, qui se réunit depuis l'attaque du Hamas du 7 octobre, a eu droit à une sonnerie particulière: l'hymne national d'Israël.
Nicoletta Della Valle a un lien étroit avec l'Etat hébreu. Après son baccalauréat, elle a passé quelque temps dans un kibboutz, une sorte de communauté rurale d'État. Par solidarité avec Israël, elle portait un collier avec l'étoile de David. D'après son entourage, l'attaque du Hamas en octobre l'a touchée personnellement et elle a commenté les événements du Proche-Orient sur le réseau LinkedIn. Elle partageait par exemple les posts du conseiller national UDC Alfred Heer, lequel a un positionnement pro-Israël.
Un jour, des collaborateurs du département des Affaires étrangères ont craqué. Sur une plateforme interne, ils ont critiqué la prise de position de Nicoletta della Valle, qui a alors dû supprimer les messages d'Alfred Heer.
«Les tomates sont la nouvelle cocaïne»
Le conflit au Proche-Orient est l'un des rares sujets sur lesquels Nicoletta della Valle s'exprime ouvertement. Sur d'autres sujets, on ne connait pas son avis. Ainsi, concernant l'expansion de la mafia en Suisse, la cheffe de Fedpol a déclaré: «Les tomates sont la nouvelle cocaïne», faisant par là référence aux conditions de travail esclavagistes des ouvriers agricoles du sud de l'Italie. Mais lorsqu'il s'agit d'évoquer les actions concrètes de son administration, elle se montre plus réservée.
L'année dernière a été particulièrement embarrassante pour la cheffe de Fedpol, quand elle a dû annoncer des fuites de données dans l'entreprise de logiciels Xplain après une attaque de pirates informatiques. Un rapport du cabinet Oberson Abels est d'ailleurs actuellement posé sur le bureau de la ministre des Finances Karin Keller-Sutter: «Le rapport sera publié lorsque le Conseil fédéral en aura pris connaissance», fait savoir le Département des finances. On ne veut pas révéler si le rapport incrimine Nicoletta della Valle, mais une chose est sûre: la cheffe de Fedpol n'a pas soumis Xplain à un contrôle de sécurité.
Près de 330'000 francs d'indemnités de départ
Mercredi, on a appris que Nicoletta della Valle démissionnerait en janvier 2025. Le Département de la justice, dirigé par le conseiller fédéral Beat Jans, n'a pas souhaité révéler le montant de son parachute doré. On entend toutefois de la part de l'administration fédérale qu'il est d'usage de verser un salaire annuel comme indemnité de départ, soit environ 330'000 francs. Il est possible qu'il y ait également des subventions pour l'AVS et la caisse de pension.
Dans ce contexte, la cheffe sortante laisse derrière elle une montagne de problème. En voici quelques exemples:
Mauvaise ambiance à Fedpol
Il y a de l'eau dans le gaz à Fedpol, comme le montre un sondage 2023 auprès des collaborateurs, que Blick a pu consulter grâce à la loi sur la transparence (LTrans). À la question de savoir si la direction s'attaque aux problèmes urgents, seuls la moitié a répondu par l'affirmative.
Déclarations spectaculaires
Nicoletta Della Valle sait comment faire les gros titres. Elle a ainsi déclaré aux journaux de CH Media: «Nous voyons des politiciens qui déjeunent avec des représentants du crime organisé», sans être plus précise. Ce qui a provoqué l'ire des politiques en charge de la sécurité. On ne sait toutefois pas si la cheffe de Fedpol enquête sur les liens présumés de la sphère politique avec la mafia.
Querelle avec les cantons
Les cantons critiquent leur collaboration avec Fedpol, responsable des travaux de coordination avec eux. Ainsi, les choses ne sont pas simples: «Della Valle se plaint d'avoir trop peu de personnel. Avec des priorités claires et une meilleure coopération avec les cantons, on gagnerait beaucoup», déclare un représentant de la police cantonale.
Querelle avec le Ministère public de la Confédération
Avec le départ de Michael Lauber, les relations entre Nicoletta della Valle et le Ministère public de la Confédération se sont détériorées. En plaisantant, la cheffe de Fedpol a un jour décrit la répartition des rôles de la manière suivante: Michael Lauber est le chirurgien et elle, l'infirmière en chef.
Depuis que Stefan Blättler est à la tête du Ministère public de la Confédération, Nicoletta della Valle ne parle plus que de «mon procureur général». Stefan Blättler a critiqué publiquement Fedpol et a reproché à l'institution son inaction.
Des réorganisations à outrance
Certains politiciens de la sécurité considèrent Nicoletta della Valle comme une «ministre de l'annonce» qui demande toujours plus de personnel et de possibilités, au lieu d'utiliser les marges de manœuvre existantes. Durant son mandat, plusieurs lois ont été renforcées, sans que ça ne gêne grandement les criminels. Au lieu de cela, beaucoup critiquent des réorganisations à outrance.
Une femme dans une culture machiste
Pour le moment, Nicoletta della Valle ne veut pas commenter les reproches qui lui sont faits: «Notre directrice sera là pour discuter en automne. Elle ne s'exprime pas encore sur sa démission, plus de neuf mois à l'avance», fait savoir Fedpol.
Les critiques mettent en avant le fait que Nicoletta della Valle, en tant que femme, a su s'imposer dans une culture machiste. Et de Christoph Blocher – qui l'a nommée vice-directrice de Fedpol – à Beat Jans, elle a pu côtoyer des conseillers fédéraux très différents. Le Département de la justice souligne qu'elle jouit toujours de la confiance du conseiller fédéral Jans.