Samedi, les membres du groupe parlementaire de l’UDC doivent trancher: les tergiversations quant à la livraison d’armes vers l’Ukraine – même indirectes – doivent cesser. Les propos divergents des élus agrariens ont créé la confusion. D’un côté, l’on retrouve les initiateurs d’un texte en faveur d’une neutralité absolue, jusqu’à l’abolition des sanctions. De l’autre, le conseiller aux Etats Werner Salzmann, qui souhaite que le matériel de guerre suisse puisse être transmis à d’autres pays. Même Christoph Blocher s’est exprimé sur le sujet, rappelant à l’ordre ses collègues.
Les débats s’annoncent houleux ce week-end. Tout porte à croire que l’avis de la majorité du groupe parlementaire de l’UDC prévaudra: il ne faut pas livrer de l’armement de fabrication suisse à des belligérants. Cela est interdit, et doit le rester.
Neutralité ou indépendance
L’UDC est confrontée à un dilemme, ce que même Christoph Blocher reconnaît. La neutralité est LA valeur que le parti a toujours défendue. Mais se tenir à l’écart du conflit en Ukraine met en danger l’industrie nationale de l’armement. L’Allemagne, par exemple, ne veut plus acheter à la Suisse de munitions pour ses sytèmes anti-aériens Gepard si elle ne peut pas les utiliser comme elle le souhaite en temps de guerre. Or, cette industrie est tributaire des exportations. Et la Suisse – en tant qu’État neutre et indépendant – dépend entièrement de sa production indigène en matière d’armement.
Et c’est bien ce point-là qui a fait réagir Werner Salzmann. Concrètement, le président de la commission de sécurité du Conseil des États demande que certains pays tiers puissent transmettre du matériel suisse après un délai de cinq ans. L’élu UDC souhaite ainsi garantir l’approvisionnement indépendant de l’armée helvétique.
Les partisans de cette thèse devraient être minoritaires samedi. Seule une poignée de collègues devrait soutenir le conseiller aux États bernois. C’est ce qui ressort de discussions menées avec divers membres du groupe parlementaire avant la réunion décisive. La majorité soutiendra que la Suisse doit conserver sa neutralité à tout prix, selon les mêmes sources. Un vote de principe servira à clarifier la position du parti, une fois pour toutes. «Pour éviter que chacun dise ce qu’il veut», commente une conseillère nationale.
«Cela ne changera pas le cours de la guerre»
Les membres du groupe parlementaire sont conscients de l’incompréhension suscitée par la position suisse à l’étranger et que la réputation de notre pays en pâtit. Mais beaucoup partagent l’avis de Christoph Blocher, interrogé par Blick: «La loi sur le matériel de guerre a été récemment durcie. Même si l’UDC s’y est opposé, elle s’applique désormais.» Il refuse toute exception en cas de guerre.
Si cela devait se produire, la loi sur le matériel de guerre devrait à nouveau être assouplie et l’interdiction de réexportation supprimée, selon lui. Si ces armes étaient transmises à l’Ukraine, la Suisse n’aurait effectivement plus aucun droit de regard sur elles. «Il n’y aurait alors pas de violation de notre neutralité», soutient le doyen de l’UDC.
Mais on n’en est pas encore là. Pour l’instant, il faut agir en toute proportion, estiment plusieurs membres de l’UDC. «Nous discutons ici de quelques chars Piranha du Danemark, de munitions de l’Allemagne et de deux pièces d’artillerie de l’Espagne. Ce n’est certainement pas décisif», souligne un conseiller national. «Cela ne changera pas le cours de la guerre d’un iota», abonde un collègue du Conseil.