Les habitants du Gibloux (FR) peuvent en témoigner. La semaine dernière, leur commune les a invités à limiter leur consommation d'eau au strict nécessaire. Concrètement, il est interdit d'arroser sa pelouse, de remplir sa piscine ou de laver la voiture. La mesure était toujours en vigueur vendredi malgré les récentes pluies et le rafraîchissement de l'air.
«Nous ne sommes pas en état d'urgence», tient à préciser la secrétaire générale de la commune, Brigitte Cottet. Il s'agit bien plus d'une sensibilisation de la population à sa consommation d’eau. Elle reconnaît toutefois le caractère exceptionnel de l'avis, la commune de Gibloux disposant en principe de larges ressources d’or bleu.
Aujourd'hui, les sources couvrent à nouveau la consommation des habitants, rassure-t-elle. Reste que toutes les communes sont avisées des conflits à venir sur la gestion de l'eau avec le réchauffement climatique et l’augmentation démographique.
Le tarissement des sols et l'assèchement des sources en période critique se font ressentir et nécessitent de trouver rapidement des solutions pour garantir l'approvisionnement, relève le syndic Fabien Schafer.
Et là, le sujet devient très vite sensible, car il peut, pour certaines communes, impliquer une régionalisation de la gestion de cette ressource vitale, poser la question de son prix, remettre en question l'autonomie des communes, questionner sur la propriété de l'eau, énumère-t-il.
Un problème à l'échelle nationale
La problématique est bien réelle à l'échelle suisse. Le Plateau et le Tessin sont principalement exposés aux périodes de sécheresse. Sur le dernier relevé des eaux souterraines de Météosuisse daté de mercredi, Savigny (VD), Lucens (VD), Cormoret (BE) ou Giubiasco (TI) figuraient encore sur la liste des endroits où les eaux souterraines sont à un niveau bas.
Mais à l'échelle suisse, les nappes phréatiques sont actuellement encore bien remplies et l'approvisionnement en eau potable est assuré, indique l’Office fédéral de l'environnement et du paysage (OFEV). «Les dernières précipitations ont fait remonter temporairement et localement le niveau des eaux souterraines. Les niveaux sont normaux, parfois bas, mais la tendance est à la baisse», ajoute l'office.
Au vu des défis à venir, la Confédération a adapté il y a deux ans l'ordonnance ad hoc pour parer à une situation de pénurie grave. Les cantons, chargés de surveiller l'approvisionnement en eau potable, sont invités à coopérer entre eux et de manière suprarégionale.
Outre un inventaire électronique des ressources disponibles en eau et des cartes numérisées à mettre à jour périodiquement, ils doivent être en mesure d'intensifier à court terme les analyses de qualité de l'eau potable. Les exploitants d'installation d'adduction sont priés d'élaborer un plan en cas de crise.
Toujours avoir de l'eau en stock à domicile
Quant aux quantités minimales d'eau à assurer en cas de pénurie grave, les autorités partent du principe que la population assure elle-même son approvisionnement durant les trois premiers jours. Concrètement, il faudrait toujours avoir un six pack d'eau (9 litres) en réserve à la maison.
À partir du quatrième jour, les communes doivent assurer au moins 4 litres par personne et par jour. Les autorités doivent également veiller à ce que les quantités d’eau supplémentaires pour l’hygiène et la cuisine soient disponibles. Une personne a besoin de 5 à 10 litres d'eau à des fin d’hygiène en plus des 4 litres de base. En temps normal, un Suisse consomme près de 200 litres par jour.
Les quantités à fournir pour les hôpitaux, EMS, écoles, prisons, exploitations agricoles et entreprises produisant des biens vitaux sont à définir par chaque canton. On compte par exemple que pour les services d'obstétrique, il faut au moins 100 litres d’eau par naissance.
Au Tessin, on s'alarme déjà
Face au niveau très faible des eaux souterraines au Tessin, les autorités prennent des mesures. L'Office cantonal pour la protection des eaux a demandé aux communes autour de Locarno de surveiller leurs réservoirs afin de prévenir un manque d'eau potable.
Les pluies de juin n'ont de loin pas suffi à compenser la sécheresse de l'hiver et du printemps. Durant les mois d'hiver, les précipitations n'ont pas dépassé 20% des quantités habituelles au Tessin. Et au printemps, elles ont atteint à peine 40% de la moyenne des années 1991 à 2020 pour cette période, a indiqué à Keystone-ATS Luca Panziera, de MétéoSuisse.
Depuis le début de l'année, les pluies enregistrées par la station de mesure de Lugano sont inférieures à la moitié de celles survenues douze mois plus tôt. Pour juin uniquement, le Tessin se situe cependant à peu près dans sa moyenne habituelle.
Conséquence de tous ces mois secs, le niveau des nappes phréatiques tessinoises est extraordinairement faible, précise Alessandro Toscani, de l'Office cantonal de la protection des eaux. En comparaison avec les neuf années précédentes, il se situe «proche du minimum», relève le spécialiste en hydrologie Sebastian Pera.
Les experts s'attendent à ce que l'approvisionnement puisse être difficile lors des trois prochains mois. Dans la région de Locarno, les communes sont appelées à contrôler de près la situation et à soumettre au canton des propositions en cas de scénario catastrophe.
Appel à l'aide venu d'Italie
Le nord de l'Italie fait face à un problème plus délicat encore. Le président de la région de Lombardie, Attilio Fontana, a demandé plusieurs fois de l'aide à la Suisse au cours des derniers jours pour lutter contre la sécheresse.
Il souhaite que le Pô soit davantage approvisionné en eau depuis le Lac Majeur, via la rivière Tessin. Le nord de l'Italie est en proie à sa plus longue sécheresse des 70 dernières années.
Les lacs de barrage tessinois de leur côté sont très peu remplis: à moins de 30% de leurs capacités, indique Giovanni Bernasconi, responsable au Département tessinois de l'environnement.
Dans l'ensemble, les spécialistes s'attendent à ce que les périodes de sécheresse augmentent encore à l'avenir en fréquence et en durée.
(ATS)