Dans la paisible commune de Saint-Aubin (FR), les noms d'oiseaux fusent! Un débat houleux divise les 2000 habitants à propos de ce qui pourrait devenir le plus grand abattoir de volaille de Suisse. Ce projet, porté par la filiale de la Migros, Micarna, prévoit la construction d'un «ATV»un immense «Atelier de transformation de volailles» sur le site agricole Agrico à l'entrée du village.
La taille du projet est impressionnante. Le site s'étend sur 90'000 mètres carrés et pourrait traiter plus de 30 millions de poulets par an, soit 580'000 par semaine., en viande, nuggets et aliments pour chats. Cependant, avant que ce mastodonte industriel ne devienne réalité, il doit obtenir un permis de construire et celui-ci est torpillé par des oppositions. Plus de 1800 oppositions ont déjà été déposées à la commune, elles remplissent 17 classeurs. Pour les traiter, Michael Willimann, président de la commune de Saint-Aubin, a dû engager du personnel temporaire supplémentaire, explique-t-il à Blick.
Les opposants craignent le chaos routier
Vincent Beuret est sans doute l'opposant le plus bruyant au projet. Ce laborantin à l'entreprise fédérale Agroscope et membre des Vert-e-s trouve que le site d'Agrico est «une chose formidable», mais ne comprend pas «ce qu'un abattoir vient faire dans son environnement de travail».
Il estime que l'implantation de plusieurs petits abattoirs répartis dans le pays serait plus judicieux. Il redoute par ailleurs une augmentation du trafic: environ 600 camions par jour seraient nécessaires pour transporter les poulets, sans compter les 2500 trajets supplémentaires des employés.
Un parking de sept étages avec 1200 places est prévu à côté de l'ATV. A cela s'ajoute le fait que Saint-Aubin n'a pas de raccordement ferroviaire. «C'est toute la région qui en souffrira», conclut Vincent Beuret. La ville voisine de Domdidier (FR) serait encore plus touchée que Saint-Aubin.
Migros souligne le respect des directives
Sur le site internet consacré à ce projet colossal, Migros et Micarna soulignent que la nouvelle usine est nettement plus respectueuse de l'environnement. «Il s'agit de mettre en place une entreprise neutre en CO2, avec laquelle l'économie circulaire sera encouragée.» Et de poursuivre: «En ce qui concerne le bien-être des animaux, l'usine tiendra compte des dernières connaissances scientifiques et offrira diverses améliorations.» Des trajets courts vers les agriculteurs pourraient être respectés.
Vincent Beuret rétorque que l'approvisionnement en eau sera fortement sollicité. «Nous devrons aller chercher de l'eau spécialement à Corcelles-sur-Payerne». Comme le site n'est qu'à quelques centaines de mètres du centre du village, Vincent Beuret s'attend en outre à des émissions d'odeurs dues au brûlage des plumes et des restes d'abattage. Et de manière générale, la viande de poulet est, selon lui, «trop bon marché», consommer de la viande «une à deux fois par semaine» est suffisant.
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Le président de la commune, Michael Willimann, a transmis les oppositions à Migros. Le maître d'ouvrage a, selon ses propres dires, pris en compte tous les points décisifs du projet.
L'abattoir comme catalyseur de développement
Le géant orange peut prendre position sur les oppositions jusqu'à fin septembre. De son côté, Michael Willimann affirme que seules 83 des 1800 oppositions proviennent de Saint-Aubin et des communes environnantes. La population régionale soutiendrait majoritairement le projet de construction, a appris Blick lors de la visite des lieux.
Le président de la commune soutient pleinement le projet Migros et souligne: «Cela doit être le moteur d'Agrico et permettre de développer ce projet avec succès et dans un délai raisonnable.» L'investissement sur le site d'Agrico – on parle d'environ 800 millions de francs – est un «catalyseur pour notre développement local et régional». Comme 70% des producteurs de volaille se trouvent dans un rayon de 50 kilomètres de Saint-Aubin, son emplacement se prête tout à fait à l'implantation de l'abattoir Micarna.
Une «aubaine» pour la commune
Michael Willimann qualifie Micarna de «coup de bol»: environ 400 millions de francs de valeur ajoutée et 1700 emplois à plein temps devraient être créés sur le site d'Agrico. Cela apportera des améliorations au niveau des transports et offrira d'importantes places de travail et de formation pour une population en pleine croissance.
Il ne voit par ailleurs aucun problème dans l'utilisation de l'eau. La consommation d'eau sera nettement réduite – d'environ un tiers – par rapport au site actuel de Micarna à Courtepin (FR), distant de seulement 15 kilomètres. Cette eau est disponible. Enfin, Michael Willimann ne craint pas les émissions d'odeurs.
Dès que Migros et les autres requérants auront pris position sur les oppositions, l'examen des demandes de permis de construire sera effectué par le canton de Fribourg. Celui-ci enverra le résultat de l'examen au préfet de district qui décidera de l'octroi du permis de construire.
Si un recours est déposé au niveau cantonal, les autorisations seraient retardées d'environ un an. Ensuite, un recours – coûteux – au Tribunal fédéral serait encore possible.
Quoi qu’il en soit, l’abattoir ne verra probablement pas le jour avant 2028.