«McDonald’s parmi les domaines skiables»
Un géant américain conquiert la station de ski d'Andermatt

La majorité des habitants d'Andermatt saluent l'arrivée de Vail Resorts dans la station de ski. Mais certains commerçants et restaurateurs s'inquiètent de la concurrence qu'apporte ce géant américain. Blick fait le point sur place.
Publié: 27.11.2023 à 12:05 heures
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Que pensent les habitants d'Andermatt du développement rapide de la station et du nouvel exploitant du domaine skiable Vail Resorts?
Photo: Getty Images
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Martin Schmidt

Un vent froid souffle à travers les mâts des nombreuses grues de construction au nord-est d’Andermatt (UR). En l’espace de dix ans, l’investisseur égyptien Samih Sawiris et sa société Andermatt Swiss Alps AG ont fait sortir de terre des hôtels, des appartements de vacances et des commerces dans le quartier de Reuss. Et cette vague de construction continue de se déferler. Les locaux s’y sont depuis habitués. Mais le dernier arrivé – le géant américain Vail Resorts – ne fait pas encore partie du paysage. C’est le sentiment qui se dégage lors de la visite de Blick dans le village de montagne.

Le plus grand propriétaire et exploitant de stations de ski au monde est précédé d’une certaine réputation: un petit entrepreneur qualifie Vail Resorts de «McDonald’s parmi les domaines skiables». Comme il est connu dans ce village de 1600 habitants, il souhaite rester anonyme. «Mais d’une manière générale, nous devons sans doute nous réjouir que le groupe américain soit ici», ajoute-t-il, comme la plupart des personnes interrogées.

Un géant de 2,89 milliards de dollars

Rien que pour le dernier exercice, le géant américain a fait un chiffre d’affaires mondial de 2,89 milliards de dollars. En Amérique du Nord, le modèle économique du groupe suscite régulièrement des critiques: personnel trop peu nombreux et surchargé, forfaits journaliers trop chers, domaines skiables bondés, logements inabordables… Mais pour l’instant, l’arrivée du groupe à Andermatt se fait sans vague.

Le directeur américain des remontées mécaniques du domaine skiable d’Andermatt-Sedrun, Mike Goar, a déjà réussi à gagner des habitants à sa cause. L’un d’entre eux est Peter Gnos, son voisin: «Je ne vois rien de négatif dans l’arrivée de Vail Resorts. Cela apporte du pouvoir d’achat et des investissements.»

Jusqu’à présent, les magasins de sport ont profité de l’arrivée du géant américain. «L’hiver dernier n’a pas été facile avec le manque de neige. Mais Vail Resorts nous a apporté de nombreux nouveaux clients américains», rapporte Urs Portmann, propriétaire de Meyers Sporthaus. Pour la saison d’hiver qui vient de commencer, il a déjà reçu de nombreuses réservations en provenance d’Amérique du Nord pour de l’équipement de ski. Mais il a encore quelques réserves: «Nous devons attendre de voir dans quelle mesure Vail Resorts, avec son propre magasin de sport, deviendra un concurrent pour nous», explique le commerçant.

Vail Resorts fait concurrence

Dans les stations de ski où il s’installe, le groupe n’exploite pas seulement les remontées mécaniques, mais aussi des lieux de restauration, des magasins de sport, des hôtels, des appartements de vacances ainsi que des écoles de ski. Avec des offres combinées qui incluent forfaits de ski, location d’équipement ou/et moniteurs de ski, Vail Resorts pourrait se développer rapidement à Andermatt. Outre le magasin de sport, Vail Resorts gère la plus grande école de ski de la station, en concurrence avec quatre autres écoles. A cela s’ajoute une large offre en matière de restauration.

Cette volonté d’expansion, un entrepreneur dans le domaine de la restauration l’a déjà ressentie, à ses dépens. «Vail Resorts voulait acheter mon bar», explique-t-il, sous couvert d’anonymat. Au fond, il voit d’un bon œil l’arrivée des Américains. Selon lui, la région en profite, tout comme elle a déjà profité des investissements de Samih Sawiris.

Selon cet entrepreneur, la plupart des habitants de sa génération quittaient Andermatt après leur scolarité. Grâce à l’essor économique, la plupart des jeunes d’aujourd’hui trouvent aujourd’hui une place d’apprentissage sur place. Sa plus grande crainte: «Vail Resorts pourrait faire fuir les prestataires locaux en pratiquant du dumping dans le secteur de la restauration.»

Interrogé à ce sujet, Mike Goar tempère: «Dans nos stations en Amérique du Nord, il y a aussi d’autres restaurants, loueurs et magasins. Et c’est essentiel, car Vail Resorts est fermement convaincu que les entrepreneurs privés qui réussissent contribuent de manière décisive à une expérience authentique pour les clients.»

Des dortoirs aux hôtels 5 étoiles

Depuis que l’armée a fermé son centre dans le village, l’image d’Andermatt s’est redorée, littéralement. Fini les dortoirs, bonjour les hôtels 5 étoiles, comme The Chedi Andermatt, conçu par le célèbre architecte Jean-Michel Gathy. Depuis de nombreuses années, la légende du ski suisse Bernhard Russi confère, de sa célébrité, un certain prestige au conseil d’administration des remontées mécaniques de son lieu de résidence et d’origine. Et il n’est pas le seul a apprécié le charme de la localité: le père de la star du football Erling Haaland, Alf-Inge Haaland, y réside.

Les personnes interrogées ne pensent pas pour autant que skier à Andermatt deviendra bientôt un luxe réservé qu’aux plus riches: «Si les prix augmentent trop, les gens se tourneront vers d’autres régions», souligne par exemple Kilian Vogler.

Des loyers qui s’envolent

Ciro Mattera se réjouit également de cet essor économique: «Sans cela, Andermatt se serait éteint», souligne le gérant du restaurant Il Fermento dans le vieux centre. Il estime toutefois que le manque de logements pour les employés est un véritable problème. D’ailleurs, les prix élevés de l’immobilier préoccupent de nombreuses personnes à Andermatt. Pour certaines familles, ce n’est plus envisageable d’acquérir de la propriété.

Les loyers aussi ont pris l’ascenseur: «Pour les jeunes en particulier, il est très difficile de trouver un logement abordable», se désole Katia Österlund, 22 ans. Elle travaille en hiver comme monitrice de ski et le reste de l’année dans le magasin de sport Alpina Sport. Pour joindre les deux bouts, elle vit dans une colocation de trois personnes. «Sinon, ce ne serait pas abordable pour moi.» Mais pour elle aussi, les aspects positifs l’emportent: «Sans les nombreux nouveaux emplois créés dans le tourisme, je ne serais pas ici.»

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