Malgré un milliard de dettes
Berne prévoit l'aire de jeux la plus chère de Suisse, et sème la discorde

Malgré des déficits courants et des dettes de plusieurs milliards de francs, la ville de Berne veut acquérir un terrain de près de quatre millions de francs... pour une aire de jeux. Il n'y a pas d'alternative, disent les uns. Une plaisanterie, estiment les autres.
Publié: 14.01.2023 à 11:28 heures
1/11
La ville de Berne veut acheter ce parking pour 3,7 millions de francs et y construire une zone de jeux et de rencontre.
Photo: Zamir Loshi
Blickgruppe_Mitarbeiterportraits_59.JPG
ZamirLoshiquadrat.jpg
Tobias Ochsenbein et Zamir Loshi

Les chiffres sont sombres pour le plan financier de Berne. Pour l'année en cours, la ville prévoit un déficit de 35,1 millions de francs. A la fin de l'année, elle sera redevable d'un milliard et 395 millions de francs à ses créanciers.

Berne devrait faire des économies. Et pourtant, son conseil municipal vient de décider fin novembre 2022 d'acheter pour 3,7 millions de francs un terrain situé dans une zone résidentielle du quartier d'Untermatt à Berne-Bethlehem. Il est prévu d'y construire plus tard une aire de jeux avec une zone de rencontre, car le quartier en manquerait.

La parcelle fait environ 2300 mètres carrés. Cela signifie que le mètre carré coûte environ 1580 francs à la ville. Selon une enquête externe, cela correspond à une «valeur moyenne pour un terrain d'habitation avec des logements locatifs bien situés.»

Le crédit est toutefois très controversé, parce que seule une aire de jeux doit être construite sur le terrain. Le député UDC Thomas Fuchs parle de la «place de jeux la plus chère du monde». La députée et conseillère municipale Sibyl Eigenmann, du centre, renchérit: «la ville a mal négocié, le prix est trop élevé.»

«Il faudrait punir cela»

C'est pourquoi tous deux, avec un comité interpartis, ont lancé un référendum contre ce projet. Le comité est composé de l'association Bernaktiv, de représentants de l'UDC, du centre, des Verts libéraux et de la Fédération des contribuables.

Le comité référendaire critique le fait que ce projet ne permet pas de construire de manière optimale sur un terrain à bâtir situé au centre de la ville. Il est en contradiction avec la stratégie de la ville en matière de logement. Celle-ci prévoit non seulement suffisamment de logements bon marché, mais aussi une densification des constructions.

«Les roses et les verts veulent gaspiller un précieux terrain à bâtir pour une aire de jeux. C'est de la folie. Et ce gaspillage de l'argent des contribuables devrait être sanctionné», déclare Thomas Fuchs. Ce sont précisément les enfants qui joueront un jour sur cette aire de jeux qui devront un jour payer les dettes, avertit de son côté Sibyl Eigenmann.

Parking jusqu'à la construction

Le terrain appartient aujourd'hui au groupe de pharmacies et de logistique Galenica. Il est utilisé comme parking par les collaborateurs. Après l'achat et jusqu'à la construction de l'aire de jeux, Galenica doit en effet pouvoir continuer à utiliser gratuitement la surface.

Et ce n'est pas tout. Pendant cette période, le grand groupe doit même pouvoir conserver les recettes générées par la location des quelque 80 places de parking. Et ce, bien que Galenica ne soit plus propriétaire du parking à ce moment-là!

Il s'agit là d'un prix d'achat caché qui n'est pas soumis à l'impôt sur les gains immobiliers, critique le comité. La ville perd ainsi beaucoup d'argent. «Au moment du budget, nous discuterons à nouveau de la suppression de quelques milliers de francs pour une bibliothèque parce que nous n'avons pas d'argent. Pour moi, cela ne tient pas la route», déclare le député UDC.

«Les revenus locatifs s'élèvent à un faible montant de cinq chiffres par an et sont utilisés pratiquement et exclusivement pour la promotion des abonnements de transports publics des collaborateurs et l'entretien du terrain. Il ne peut donc pas être question d'un prix d'achat caché», répond-on chez Galenica à la question.

«Pas d'alternatives»

Les projets d'achat sont soutenus par les groupes parlementaires du PS et de l'Alliance verte/jeune alternative. «Le terrain se trouve dans un quartier socialement défavorisé et multiethnique. Il y a très peu d'espaces de jeux à cet endroit. Un espace vert dans ce quartier est donc très important», explique Michael Sutter, vice-président de la fraction du PS.

Les surfaces resteraient dans la zone d'habitation et ne perdraient pas de leur valeur. Cela a un prix. «Nous considérons donc cet achat comme un investissement dans l'avenir. Il n'est pas gravé dans le marbre qu'il y aura une place de jeux pendant les 100 prochaines années», déclare le vice-président. Il admet que dans la situation financière tendue de la ville de Berne, toutes les dépenses doivent être examinées d'un œil critique. «Mais ici, aucune alternative ne s'offre à nous.»

Ursina Anderegg, conseillère municipale et coprésidente de l'Alliance des Vert-e-s, affirme que «nous trouvons la rhétorique de l'aire de jeu de luxe cynique. Les enfants ont un droit fondamental à des espaces de jeu, la ville a l'obligation de les mettre à disposition.» En outre, il est également important que la ville retrouve plus de terrain propre.

1500 signatures d'ici fin janvier

«Bien sûr, le coût du terrain semble élevé. Mais quand on voit le nombre de personnes qui vont en profiter et le manque que cette aire peut être comblé, on peut dire que cet argent est bien investi», poursuit Ursina Anderegg.

Le comité référendaire a jusqu'à fin janvier pour récolter 1500 signatures valables et forcer ainsi une votation municipale sur cet objet. Selon Thomas Fuchs, plus de 1600 signatures ont déjà été déposées jusqu'à vendredi et le comité souhaite déjà les faire authentifier.


Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la