Que ce soit les parents, les psychologues ou les procureurs, tout le monde est d'accord pour dire que la pornographie n'est pas destinée aux mineurs. La loi ordonne également que les enfants et les adolescents soient protégés contre les contenus pornographiques.
Quel politicien aurait donc pu s'opposer à la demande de Nik Gugger (ZH) d'introduire un contrôle de l'âge pour la pornographie sur Internet? À première vue, pas grand monde: le Conseil national l'a soutenu à une majorité des deux tiers et la commission des télécommunications du Conseil des Etats a également donné son accord.
Problèmes techniques
Cette semaine, le Conseil des Etats aurait dû lui aussi se prononcer sur le blocage de la pornographie pour les moins de 16 ans. Mais il y a eu un «couac»: concrètement, comment le blocage devrait-il se faire?
La conseillère fédérale responsable du PS, Simonetta Sommaruga, qualifie l'idée de Nik Gugger de «peu réaliste»: ce dernier a indiqué qu'il n'y avait qu'à introduire un «blocage du réseau».
Facilement contournable?
Seulement voilà: la Suisse a déjà introduit un blocage du réseau. Ce dernier permet certes de restreindre certaines parties d'Internet pour les jeux de hasard en ligne, mais il peut être aisément contourné par les technophiles.
Les radicaux n'y voient à ce titre rien de moins qu'un danger pour le libéralisme: «Bloquer le réseau comme en Chine, ce serait une sorte d'Etat de surveillance, et cela n'est pas envisageable, ne serait-ce qu'en raison de notre constitution», a déclaré cette semaine le conseiller aux Etats Andrea Caroni à la télévision suisse.
En ce qui concerne les sites pornographiques, on parle «d'une offre énorme et tout à fait légale dans le monde entier, que des millions de personnes consomment également en Suisse».
Protéger la jeunesse
Nik Gugger s'estime toutefois mal compris: «Je ne parle pas de bloquer le réseau», précise-t-il à Blick. Il demande simplement de «mettre en place des obstacles pour protéger la jeunesse, comme c'est le cas pour les alcopops ou la nicotine».
La carte d'identité électronique prévue pourrait être une solution. Mais son introduction n'est pas attendue avant un certain temps.
«Pas de solution technique pertinente»
La demande de Nik Gugger est-elle réalisable sans blocage du réseau? Swisscom répond par la négative: l'entreprise ne considère pas le blocage du réseau comme une solution viable.
Elle ajoute même: «Du côté du réseau, nous ne voyons actuellement aucune solution technique pertinente.»
Décision ajournée
Le Conseil des Etats a ajourné sa décision cette semaine et a envoyé le dossier à la commission juridique. Nik Gugger s'attend à ce que sa requête y soit «améliorée» et qu'en plus d'un blocage du réseau, d'autres solutions techniques soient formulées. Ainsi désamorcé, le sujet pourrait être tranché dans son sens dès le mois de décembre.
Les tireurs de ficelles de la Silicon Valley sont apparemment aussi de cet avis: des représentants de Google se sont présentés cette semaine chez le conseiller national et au Palais fédéral. Nik Gugger ironise: «Ils ne viennent pas sans plan.»
Google face à un dilemme
Le géant mondial est toutefois pris dans un dilemme. D'une part, Google veut soutenir Pro Juventute et Cie dans la protection de la jeunesse. D'autre part, en bonne entreprise américaine, la filiale veut appliquer le moins de barrières en ligne possible - ces dernières étant mauvaises pour les affaires.
Pendant ce temps, en Allemagne, la commission pour la protection de la jeunesse dans les médias a ordonné aux cinq plus grands fournisseurs d'accès nationaux de bloquer un site porno particulier. Cette semaine, Nik Gugger a justement reçu un courrier d'une entreprise du Liechtenstein qui, selon ses dires, «connaît en détail le sujet et la situation en Allemagne». L'entreprise présenterait volontiers des «ébauches de solutions» pour la Suisse.