C'est le document le mieux protégé de Suisse: le nouvel accord avec l'UE. Les textes définitifs seront probablement paraphés en mai, mais ils ne seront rendus publics qu'avec le lancement de la consultation, qui devrait avoir lieu avant les vacances d'été. Pendant ce temps, le texte restera secret et cela a provoqué des hochements de tête au Palais fédéral.
Toutefois, des personnes triées sur le volet ont tout de même eu accès aux projets. C'est le cas du conseiller aux Etats du Centre Benedikt Würth qui a ainsi pu accompagner un membre du Sounding Board. Ce dernier regroupe différentes organisations qui servent d'organe de feedback au Conseil fédéral sur le processus européen. Selon Benedikt Würth, il a certes vu les textes, «mais je suis tenu à la confidentialité, je ne peux donc pas donner d'informations sur le contenu».
Un traitement de faveur qui passe mal
Ce traitement de faveur a provoqué des remous au Palais fédéral. Le Département des affaires étrangères du conseiller fédéral PLR Ignazio Cassis a, lui aussi, eu vent de la gronde en cours et a décidé de réagir. A la mi-avril, le secrétaire d'Etat du DFAE Alexandre Fasel, responsable du dossier, a envoyé une invitation exclusive aux dirigeants des partis. Deux personnes par parti peuvent consulter les projets de texte de l'accord avec l'UE, du moins la version anglaise.
Mais à certaines conditions: la consultation ne peut se faire que sur place, dans un bureau spécialement réservé au sein du département des Affaires étrangères, chez le négociateur en chef suisse Patric Franzen. Aucune photo du texte de l'accord ne peut être prise, seules les notes manuscrites sont autorisées. Et quiconque consulte le dossier secret doit signer une déclaration de confidentialité et garder le silence sur son contenu.
Les partis prennent connaissance du dossier
Les partis ne veulent en tout cas pas laisser passer cette opportunité. L'UDC, qui est le seul parti à combattre avec véhémence le «traité de soumission à l'UE», comme il l'appelle, a été le premier à se pousser au portillon. Il a envoyé en mission sa vice-présidente Magdalena Martullo-Blocher et le chef du groupe parlementaire Thomas Aeschi. «Nous avons rendez-vous au DFAE le 7 mai pendant la session spéciale, nous n'avons pas de limite de temps», explique Thomas Aeschi. L'UDC aurait volontiers envoyé une délégation plus importante, mais le DFAE l'a refusée.
Thomas Aeschi sait aussi déjà sur quels contenus il veut porter son attention. «Nous allons examiner de près les points clés décisifs.» Il cite par exemple les formulations concernant l'adoption dynamique de la loi ou en matière de clause de sauvegarde et de libre circulation des personnes.
Il veut également examiner de près le rôle de la Cour de justice européenne et le caractère contraignant de ses arrêts. Les paiements de cohésion de 350 millions de francs par an suscitent également l'intérêt de Thomas d'Aeschi. «J'aimerais par exemple savoir si une éventuelle suspension des paiements est également réglée dans le traité.»
Thomas Aeschi espère que le droit de regard mettra au moins toutes les parties sur un pied d'égalité et leur donnera une certaine avance en matière d'information. «Cela nous permettra de mieux nous concentrer sur les points délicats et de mettre en place les travaux préparatoires correspondants, nous aurons vraisemblablement les autres partis contre nous.»
Les Vert-e-s: «Les grands points sont décisifs»
Les autres groupes parlementaires ne se privent pas non plus de ce traitement de faveur. Au PLR, le chef de parti Thierry Burkart est de la partie, tandis qu'au PS, la délégation n'est pas encore claire.
Quant aux Vert-e-s, ils enverront deux membres de la commission de politique extérieure au DFAE. «La transparence est importante. Nous allons examiner les textes en détail», explique la présidente du parti Lisa Mazzone. Mais les détails juridiques, jusqu'à la dernière virgule, sont moins importants. «L'essentiel concerne les grands enjeux, y compris les mesures nationales, en particulier la protection des salaires.»