Bien malheureux celui qui cherche un logement dans le Haut-Valais, en particulier à Brig-Glis, Naters et Viège. Dans les trois plus grandes communes de la partie germanophone du canton, la crise du logement est aigüe. Les chercheurs d'appartement multiplient les annonces dans les groupes Facebook. Leur désespoir est si grand que certains n'hésitent pas à envoyer un dossier et parfois à louer des appartements sans même avoir visité le bien immobilier!
Mais cette situation pourrait bien ne pas durer. Car elle contraste fort avec ce que l'on découvre outre-Sierre: les grues de construction sont partout. Les nouveaux immeubles encore frais de béton poussent comme des champignons. «Nous n'avons jamais connu un tel boom de la construction dans notre région», confirme Olivier Imboden, directeur de l'entreprise éponyme.
Le chef d'entreprise s'est, pour la petite histoire, forgé une notoriété nationale — du moins chez les germanophones — en apparaissant dans la série «Tschugger» de la SRF. Il a endossé à merveille son rôle de truand du bâtiment et de baron de la drogue baptisé Rinaldo Fricker.
Pénurie de main d'œuvre
Revenons au marché immobilier. Si le Haut-Valais est devenu le «hotspot» de la construction en Suisse, c'est grâce à, ou à cause de, Lonza. Le groupe chimique et pharmaceutique investit des milliards sur son site de Viège et y créé de nombreux emplois. Environ 4500 personnes y travaillent de manière fixe, en plus de 1500 temporaires. L'an dernier, le groupe a embauché 1500 nouveaux collaborateurs rien qu'à Viège — et ces personnes ont besoin de se loger.
Le marché réagit en conséquence et ce sont 400 logements qui sont en construction dans le chef-lieu du district du même nom, 100 sur le point d'être bâtis et 250 en attente d'autorisation. À Naters et à Brig-Glis, ce sont 600 logements qui sont en construction ou en voie de l'être. Et le phénomène ne faiblit pas: des pré-demandes existent pour plusieurs centaines d'autres logements.
Un incroyable boom qui suscite des craintes dans le Haut-Valais. Beaucoup se demandent si cela ne va pas trop vite et si le phénomène peut être durable. «C'est dur à dire et à prédire, mais il est possible que l'on construise trop en ce moment», reconnaît Olivier Imboden.
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Les salaires de Lonza font peur
Les entreprises de construction ont beau travailler à plein régime, elles ne parviennent même pas à répondre à la gigantesque demande des investisseurs. «Nous sommes débordés, nous n'arrivons même pas à soumettre des offres pour de nouveaux projets», s'étonne le chef d'Imboden SA.
Car les entreprises de construction souffrent d'une importante pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. «Si je cherche un nouveau maçon, j'ai beau passer une annonce, je ne recevrai pas de candidature», explique Olivier Imboden. Le patron emploie plus de 400 personnes et doit faire preuve de créativité s'il veut trouver de nouveaux collaborateurs. Il faut être actif à l'étranger ou séduire grâce à l'image d'un employeur attrayant.
Mais cela ne suffit pas. «Les bons menuisiers et machinistes expérimentés préfèrent aller travailler chez Lonza. Nous formons les gens, puis ils s'en vont ailleurs», explique Hans Ritz. L'Alémanique de 65 ans est propriétaire du bureau d'architecture Ritz et de la société Ritz Immobilien AG — il travaille avec ses 200 employés dans la construction, la vente et la location.
Comme l'a appris Blick, certaines entreprises de construction ont décidé de ne plus participer lors des appels d'offres sur le site de Lonza! Elles craignent trop que leurs collaborateurs n'aillent travailler sur place pour le groupe chimique et pharmaceutique, dont les salaires sont bien trop élevés en comparaison de la plupart des PME du Haut-Valais.
Hausse massive des prix des loyers et de la propriété
L'importante immigration des travailleurs de la construction et la forte demande de logements font chauffer le marché immobilier: pour un appartement de 4½ pièces de 140 mètres carrés, il faut désormais débourser 800'000 francs et plus. Les grands appartements en attique se vendent parfois pour 1,3 million. Des tarifs astronomiques et impensables pour les habitants de la région, qui ne pensaient jamais vivre ça en Haut-Valais. Pas de quoi décourager les investisseurs. «Nous vendons très facilement ce que nous construisons», assure Hans Ritz.
La rareté de l'offre couplée à la forte demande font aussi augmenter les loyers. «Les appartements de 3½ et 4½ pièces bien situés et dotés d'un équipement de qualité coûtent plus de 2000 francs par mois et les appartements de 2½ pièces jusqu'à 1500 francs», détaille Silvan Eyer, 35 ans, jeune propriétaire et directeur de Eyer Immobilien AG. Les gros perdants sont les personnes à faible revenu ou les bénéficiaires de l'aide sociale, qui ne trouvent plus guère de logements abordables.
Avec le millier de nouveaux logements qui sont en passe d'être construits, la surchauffe du marché devrait toutefois s'apaiser. «Les prix des loyers devraient repartir vers le bas», estime Silvan Eyer. La croissance de Lonza n'est pas non plus éternelle et devrait ralentir.
Les locataires ne doivent néanmoins pas se réjouir trop vite. «D'un autre côté, le prix des matières premières dans la construction et la hausse des taux hypothécaires plaident pour une augmentation des loyers», avertit le directeur d'Eyer AG.
«Nous ne sommes plus dans la cambrouse»
La Lonza et le boom de la construction modifient profondément la région. Avec l'arrivée de nombreux travailleurs étrangers, souvent des spécialistes bien formés, la proportion d'étrangers à Viège est passée de 23% à 27% en à peine deux ans. On entend de plus en plus souvent parler anglais sur les aires de jeux et dans les restaurants.
Et l'image de la commune se transforme également. Des quartiers entiers sont redessinés, des bâtiments sont démolis et remplacés par de nouvelles constructions. Près de la gare, Lonza veut ériger une tour.
En 2007 déjà, la région avait connu une énorme poussée de développement après l'ouverture du tunnel de base de la NLFA à Viège. Mais à l'époque, cela s'était fait de manière assez peu coordonnée: dans l'agglomération haut-valaisanne, les immeubles d'habitation ont été construits les uns après les autres en rase campagne — sans plans de quartier ni concept. Le quartier de Viège-Ouest est, d'ailleurs, volontiers cité par les architectes comme un exemple d'aménagement du territoire raté... La commune veut à tout prix éviter de rééditer cette performance avec les logements à venir.
Un boom de l'immobilier qui suit une explosion démographique. Depuis l'ouverture de la NLFA, la population de Viège a augmenté de 25% pour atteindre aujourd'hui 8200 habitants. «Grâce au tunnel, nous ne vivons plus dans la cambrouse. En une heure, on est à Berne, en deux heures à Zurich», se réjouit l'entrepreneur Olivier Imboden.