Les Suisses votent souvent avec leur porte-monnaie, et le plus grand parti du pays ne le sait que trop bien. L'UDC a donc misé sur des arguments financiers pour torpiller la deuxième mouture de la loi sur la protection du climat, près de deux ans après le refus de la première, en juin 2021.
Concrètement, un oui le 18 juin prochain coûterait 6600 francs par personne et par an, assure l'UDC. Ce chiffre est repris partout: lors de l'assemblée des délégués, sur le site internet du parti, dans un article du journal de l'Union suisse des arts et métiers (Usam). Sa source? «Une étude de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne» (EPFL), avance le parti.
Le hic, c'est que ce qu'affirme l'UDC ne figure pas dans l'étude en question. Cette dernière a été rédigée conjointement par des chercheurs de l'EPFL à Lausanne et du Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche (Empa), qui est basée à Zurich, sur le site de l'EPFZ.
Rien à voir avec la loi climat
Les scientifiques de l'Empa ont analysé ce que cela coûterait à la Suisse si l'énergie nécessaire devait être entièrement produite et stockée dans notre pays. Et si la totalité de l'approvisionnement énergétique devait se faire au moyen de carburants synthétiques (soit non dérivés du pétrole). C'est dans ce contexte qu'ont été évoqués les 6600 francs de surcoût par habitant — rien à voir avec la loi climat, donc.
Le texte en votation le 18 juin prochain veut, lui, ancrer l'objectif du Conseil fédéral de rendre la Suisse climatiquement neutre d'ici à 2050. Il prévoit un montant total de 3,2 milliards de francs pour remplacer les chauffages au mazout et au gaz et pour promouvoir les technologies innovantes respectueuses du climat.
«Un raccourci inadmissible»
L'Empa reproche à l'UDC de sortir les résultats de l'étude de leur contexte. Avancer que ce «scénario extrême» s'appliquerait en cas d'acceptation de la loi le 18 juin est «un raccourci inadmissible», s'indigne face à Blick le porte-parole de l'Empa, Michael Hagmann.
L'étude qui est devenue le mantra de l'UDC montre, au contraire, qu'une autarcie énergétique totale, telle que voulue par le parti, n'aurait aucun sens pour la Suisse, ni sur le plan technique, ni sur le plan économique. La solution continue de passer par l'importation d'énergie. «Et la condition de base, c'est une intégration dans le système énergétique européen», souligne l'institut basé à l'EPFZ. Michael Hagmann évoque l'accord sur l'électricité avec l'UE, que la Suisse souhaite conclure depuis longtemps. Mais la condition préalable posée par Bruxelles est que la Suisse signe l'accord-cadre, auquel l'UDC est opposé bec et ongles.
Qu'en dit le président de l'UDC? Le parti diffuse-t-il des informations tronquées à dessein? Marco Chiesa balaie ce reproche. Le Tessinois estime que la loi ne définit pas quel devrait être le chemin vers ce «zéro carbone» à atteindre d'ici à 2050. Or, selon lui, l'étude «n'exclut pas» que les coûts supplémentaires atteignent jusqu'à 6600 francs par personne et par an.