Le 1er décembre, la grande chasse aux loups a commencé en Valais. Mais quelques jours plus tard, elle a été brutalement stoppée. Le canton a suivi les traces des Grisons et a ordonné l'arrêt des tirs de régulation pour les meutes.
La raison de cet arrêt? Plusieurs associations de protection de l'environnement ont déposé des recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF) contre la décision de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), pour obtenir l'arrêt de la chasse.
Suite à cet appel, un délai de grâce a été accordé pour la moitié des douze meutes de loups dans le viseur, à savoir trois en Valais et deux dans les Grisons. L'effet suspensif a été accordé le temps de la procédure. Comment se fait-il que la décision de l'OFEV ait été invalidée si facilement?
Un arrêt forcé
C'est un fait: le Valais et les Grisons ont été pris au dépourvu. La victoire des organisations de protection de l'environnement est une bien mauvaise publicité pour l'Office fédéral de l'environnement (OFEV). Tout laisse à croire que le département d'Albert Rösti s'est fait avoir.
Il fallait pourtant s'attendre à ce que les défenseurs de la nature s'opposent à la chasse au loup. Les Grisons et le Valais avaient pris les devants. Lorsque les autorités cantonales ont été autorisées à réguler elles-mêmes la population de loups d’ici au 31 janvier prochain, les deux cantons ont annulé en amont l'effet suspensif accordé aux éventuels recours contre les décisions d'abattage. Pour l'OFEV, il en va tout autrement. Le département n'a pas pensé à prendre de telles dispositions pour se protéger.
Pas de délai de recours?
Comment l'OFEV explique-t-il une tel scénario? Il faut partir du principe que les approbations par les organisations environnementales «ne sont pas contestables de manière indépendante», explique une porte-parole. C'est la raison invoquée par l'OFEV pour justifier l'absence d'un délai de recours. «L'exécution se fait par une décision au niveau cantonal, les procédures de recours doivent donc être déposées à cet endroit-là», conclut la représentante de l'OFEV.
Mais les associations de défense de l'environnement considèrent les autorisations de l'OFEV comme des décisions à part entière. Et les décisions peuvent faire l'objet d'un recours.
Annuler l'effet suspensif
Un recours au tribunal représente un préjudice important pour les autorités. «Une telle procédure peut bien durer un an», explique Markus Schefer, professeur de droit public et administratif à l'Université de Bâle. Ce temps-là, l'OFEV ne l'a pas. Les tirs préventifs de loups sont autorisés par la loi jusqu'à fin janvier 2024 seulement.
Mais l'office fédéral ne compte pas se laisser faire. Le département d'Albert Rösti veut rattraper le temps perdu et supprimer l'effet suspensif des recours – après coup. Une demande en ce sens a été déposée auprès du TAF, confirme l'OFEV à Blick. L'objectif? Que les gardes-chasse et les chasseurs puissent à nouveau abattre des loups des cinq meutes sélectionnées.
Des loups abattus illégalement?
Mais la procédure pourrait aussi prendre une tout autre tournure. Si le TAF entre en matière sur la question des recours, les autorisations de tir délivrées par l'OFEV aux cantons n'auraient probablement pas encore force de loi. Une question se pose alors de savoir si certains loups ont déjà été abattus illégalement.
Pour Markus Schefer, ce dernier point est également une zone d'ombre. «Je ne suis pas certain qu'un abattage avant l'expiration d'un éventuel délai de recours soit autorisé.» Ce qui dérange le juriste, c'est que l'OFEV n'a pas encore communiqué publiquement sur les autorisations de tirs délivrées. «C'est justement lorsqu'un sujet est aussi chargé politiquement qu'il y a un grand intérêt public à avoir de la transparence sur le fonctionnement des procédures de l'Etat de droit», estime l'expert.
Les organisations environnementales soulignent qu'elles ne veulent pas stopper la chasse au loup sur l'ensemble du territoire, mais doutent que tous les tirs de meutes autorisés soient conformes à la loi. Elles devront désormais clarifier les conditions juridiques pour faire valoir leurs revendications.