Lobbys victorieux au Parlement
Le camp bourgeois veut faire taire les associations environnementales

Le Conseil fédéral souhaite donner davantage de voix aux organisations environnementales dans les procédures d'autorisation de pesticides. Mais les lobbys de l'économie et de la chimie ne l'entendent pas de cette oreille et sont bien placés pour s'y opposer.
Publié: 03.02.2023 à 06:00 heures
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L'autorisation des pesticides agite depuis longtemps le Parlement.
Photo: Keystone
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Lea Hartmann

La Commission de l'économie du Conseil national a pris mardi une décision très controversée. A l'avenir, les associations environnementales et autres organisations n'auront plus leur mot à dire dans les procédures d'autorisation de pesticides. Une position qui hérisse le poil des différentes entités de défense de l'environnement. Les organisations de protection des consommateurs montent aussi aux barricades.

Pour les fabricants de pesticides en revanche, c'est une victoire importante. Ils la doivent au camp bourgeois qui s'oppose au ministre de l'Economie Guy Parmelin. Le Vaudois et ses collègues du Conseil fédéral souhaitaient au contraire davantage impliquer les organisations de protection de la nature dans le processus d'autorisation des pesticides.

Les lobbys économiques, agricoles et chimiques au front

En 2018, le WWF avait obtenu gain de cause contre la Confédération devant le Tribunal fédéral, permettant ainsi aux organisations de défense de l'environnement d'avoir leur mot à dire avant la délivrance des autorisations pour certains produits. Elles peuvent notamment consulter les dossiers en cours. Ombre au tableau: cela n'était pas rendu possible pour les nouvelles autorisations de pesticide. Une situation vouée à changer, en raison de l'inquiétude suscitée pour le climat et la santé des consommateurs, mais qui alimente de vifs débats depuis de nombreuses années.

Dans cet ordre d'idée, le Conseil des Etats avait approuvé une modification des dispositions en vigueur en 2022. Mais la Commission de l'économie n'est pas du même avis. Economiesuisse, l'organisation faîtière de l'économie, avait préalablement demandé «avec insistance» aux politiciens de «supprimer la proposition du Conseil fédéral sans la remplacer». Les lobbys agricoles ont également mis en garde les politiciens: en cas de non suppression de la proposition du Conseil fédéral, l'autorisation de nouveaux pesticides serait «extrêmement retardée ou même en partie rendue impossible».

Une argumentation «complètement fausse»

Une argumentation qui a donc fait mouche auprès de l'ensemble du camp bourgeois. Elle est pourtant «complètement fausse», selon la conseillère nationale verte'libérale bernoise Kathrin Bertschy. Elle reconnaît que les procédures d'autorisation sont très longues. «Mais cela n'est pas dû au droit des associations de déposer un recours. Cela est plutôt dû au fait que la Confédération dispose de trop peu de postes pour traiter les nombreuses demandes», nuance-t-elle.

Ce point a été constaté par l'Administration fédérale elle-même. «Ce sont plutôt des problèmes de ressources au sein de l'administration qui ont entraîné des retards dans les autorisations», a confirmé le conseiller aux Etats du Centre zougois Peter Hegglin en décembre, lors d'un débat parlementaire. Du personnel aurait été engagé depuis.

Selon le WWF, les organisations environnementales n'ont déposé de recours que dans deux cas depuis 2018, sur environ 700 dossiers en suspens. «De très nombreuses demandes sont en attente depuis cinq ans ou plus, donc bien avant que les organisations environnementales n'obtiennent un droit de regard», argumente Eva Wyss du WWF.

«On veut autoriser des produits qui ne devraient pas l'être»

Pour Kathrin Bertschy, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une «manœuvre de diversion» des lobbys économiques et de la chimie. «On veut autoriser des produits qui ne devraient pas l'être», regrette-t-elle.

Le président de l'Union suisse des paysans, Markus Ritter, se défend contre cette accusation. Le conseiller national du Centre affirme que «l'intention n'est pas de mettre les organisations environnementales hors-jeu». Selon lui, les procédures d'autorisation de pesticides en Suisse sont aujourd'hui tout simplement «de la folie». Les grands acteurs n'ont guère intérêt à prendre sur eux les dépenses, au détriment des agriculteurs, qui eux manquent de moyens efficaces pour lutter par exemple contre les ravageurs ou les champignons.

Le Conseil national tranchera

Outre leur protestation contre un droit de regard accru pour les organisations environnementales, les bourgeois se battent sur un autre front pour le lobby de la chimie. Il est question que la Suisse reprenne à l'avenir l'homologation des pesticides de l'UE et de ses Etats membres. Sur cette question, même l'UDC est favorable à la reprise automatique du droit européen. Difficile pour le moment de savoir ce que cela signifierait pour les organisations environnementales.

Kathrin Bertschy ainsi que ses alliés de la gauche espèrent que le Conseil national se prononcera en mars. Il est possible que le vent tourne encore. Et même si les bourgeois – et avec eux les fabricants de pesticides – l'emportent à nouveau, tout n'est pas perdu pour les organisations environnementales. Le Conseil des Etats et le Conseil national devront avancer sur le terrain du compromis.

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