Le président de la Banque nationale suisse, Thomas Jordan, est sur une pente glissante. Les critiques sur l'intervention plutôt hésitante de la Banque nationale à la veille de la chute de Credit Suisse ne cessent de pleuvoir. La direction de la BNS est toujours en sous-effectif après le départ d'Andrea Mächler. Le prochain examen de la situation monétaire aura lieu jeudi prochain.
Le vernis du président de la BNS Thomas Jordan, souverain et ferme sur ses principes, est terni. Quelle que soit la décision de la BNS, qu'elle procède à une nouvelle hausse des taux – ce serait la sixième consécutive depuis juin 2022 – ou qu'elle y renonce, il y aura des gagnants et des perdants. La BNS ne se fera pas que des amis.
Les arguments en faveur d'une hausse des taux
La très grande majorité des économistes sont d'avis que la Banque nationale relèvera cette semaine son taux directeur de 1,75 à 2%. «Thomas Jordan jouera la carte de la sécurité et préférera faire un pas de trop plutôt qu'un pas de moins», explique Fredy Hasenmaile, économiste en chef chez Raiffeisen Suisse. Selon lui, il est «un peu trop tôt pour mettre de côté l'instrument des taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation».
C'est également l'avis de Felix Brill, responsable des placements à la banque liechtensteinoise VP Bank: «Thomas Jordan ne relèvera pas les taux d'intérêt avec beaucoup d'entrain, mais il le fera pour des raisons d'anticipation.»
Certes, le renchérissement annuel en Suisse se situe à 1,6% – donc dans les limites de la stabilité des prix de 0 à 2% visée par la Banque nationale. Mais la prochaine poussée de renchérissement est imminente: dès le premier octobre, les augmentations de loyer annoncées seront effectives, les logements seront plus chers. De plus, les prix de nombreux produits alimentaires ont également connu une hausse nettement supérieure à 2% en août.
La dernière hausse des taux
Toujours est-il que d'autres augmentations de prix à venir ne feront pas grimper davantage le renchérissement. Par exemple, les prix de l'électricité qui augmenteront à nouveau fortement à partir du 1er janvier 2024. Mais comme l'électricité est devenue encore plus chère cette année, cette hausse – un peu moins forte – a même un effet modérateur sur l'inflation.
«Cela devrait être la dernière étape de ce cycle de taux», rassure Fredy Hasenmaile. C'est également l'avis de tous les autres observateurs. Même l'augmentation de la TVA décidée pour financer l'AVS ou la hausse des prix des transports publics n'alimenteront pas beaucoup le renchérissement. «A partir de février 2024, le renchérissement repassera sous la barre des 2%.»
Comme la Banque centrale européenne n'a relevé son taux directeur que la semaine dernière, le franc ne devrait pas s'apprécier davantage par rapport à l'euro. En effet, en cas d'augmentation en Suisse, l'écart de taux entre le franc et l'euro restera aussi important que jusqu'à présent.
Les arguments contre une hausse des taux
La Banque nationale est toutefois toujours prête à surprendre. «Une décision très serrée», laisse entrevoir Nadia Gharbi de Pictet Wealth Management. L'économiste fait surtout remarquer que l'économie suisse s'affaiblit et n'a même pas progressé au deuxième trimestre. Malgré tout, il est encore trop tôt pour «crier victoire dans la lutte contre l'inflation».
Seul Karsten Junius, économiste en chef de Safra Sarasin, sort du lot: «La Suisse n'a pas besoin d'une nouvelle hausse des taux d'intérêt pour le moment». Selon lui, les attentes inflationnistes en Suisse sont déjà faibles, contrairement à la zone euro. «La réputation de la Banque nationale en matière de lutte contre l'inflation est irréprochable», poursuit Karsten Junius, qui pose la question: «Pourquoi la BNS devrait-elle risquer de ralentir davantage l'économie suisse, surtout maintenant?»
Des gagnants et des perdants
Ce sont surtout les épargnants qui peuvent se réjouir de la hausse des taux d'intérêt. Les banques n'ont ainsi définitivement plus d'excuse pour ne pas augmenter sensiblement les taux d'épargne. Les consommateurs peuvent également se réjouir: si le plan de Thomas Jordan fonctionne, le renchérissement des denrées alimentaires devrait reculer à moyen terme.
Pour les ménages locataires, la hausse des taux aura des conséquences négatives. En effet, le taux d'intérêt de référence continuera à augmenter, surtout parce que les hypothèques à taux fixe plus avantageuses arrivent à échéance – et qu'elles sont remplacées par des hypothèques plus chères. Les propriétaires d'hypothèques Saron devraient être particulièrement contrariés. Pour eux, le logement deviendrait déjà plus cher à partir de vendredi prochain.