Les mots, adressés au président de la Confédération et ministre de la Santé Alain Berset, sont clairs: «Il est totalement incompréhensible que le Conseil fédéral reste toujours inactif près de deux ans après l'acceptation de l'initiative sur les soins, qu'il ignore le mandat populaire formulé sans équivoque à l'article 197, chiffre 13, alinéa 2 de la Constitution fédérale et qu'il traite avec mépris le résultat sans équivoque de la votation.»
Ils sont de la plume de la conseillère nationale zougoise des Vert-e-s Manuela Weichelt et de l'ancien conseiller national de l'Union démocratique du centre (UDC) et président de l'Association suisse des aînés (ASA) Rudolf Joder. Et ces mots figurent dans une lettre ouverte adressée à l'ensemble du Conseil fédéral.
Aucune mesure en place
Selon la Constitution, le Conseil fédéral aurait été tenu de mettre en vigueur des mesures efficaces pour remédier à la pénurie de personnel infirmier diplômé dans les 18 mois suivant l'acceptation de l'initiative sur les soins.
«Les 18 mois sont passés et le Conseil fédéral n'a pas encore pris de mesures efficaces», résume Manuela Weichelt. Avec la démarche anticonstitutionnelle du gouvernement national, la sécurité et la qualité des soins seraient mises en péril. «C'est irresponsable», assure-t-elle. Et Rudolf Joder de renchérir: «Le Conseil fédéral ne fait tout simplement rien et ne justifie même pas son inaction. C'est absolument inacceptable dans une démocratie comme la Suisse.»
Tous deux se réfèrent à la réponse du Conseil fédéral à une motion et une question de Manuela Weichelt fin septembre lors de la session d'automne. Le Conseil fédéral y défendait le point de vue selon lequel la marge de manœuvre pour des mesures immédiates était faible. Et que l'élaboration d'un droit transitoire, qui n'aurait de toute façon été en vigueur que pour une courte période, aurait mobilisé trop de ressources et considérablement retardé l'élaboration du message de mise en œuvre.
Berset doit agir
Mais pour les politiques, il n'est pas acceptable que le ministre de la Santé démissionnaire tente de se tirer d'affaire avec cette excuse. Même si Alain Berset ne veut manifestement plus tirer de ficelles avant son départ, il est tenu d'agir.
Selon la loi sur le travail, le Conseil fédéral aurait la possibilité d'améliorer à tout moment, par voie d'ordonnance et par des mesures immédiates, les conditions de travail du personnel soignant en ce qui concerne les heures supplémentaires, le travail de nuit, le travail en équipe, le travail du dimanche et la durée maximale du travail hebdomadaire. Il tenterait ainsi, au moins dans un premier temps, d'obéir à la volonté populaire et d'atténuer les effets les plus graves de la pénurie de personnel soignant.
«Avec les dispositions transitoires, le Conseil fédéral pourrait formuler des normes limitées dans le temps jusqu'à ce que les dispositions légales entrent en vigueur, assure Rudolf Joder. Ce serait un signal très important pour les soignants et les institutions que le Conseil fédéral veut aider à résoudre le problème du personnel.»
Un recours sera-t-il déposé?
La seule chose qui reste à faire si la réponse à la lettre est à nouveau insatisfaisante et si le Conseil fédéral continue à ne pas respecter la Constitution et la loi, c'est de déposer un recours en matière de droit de surveillance auprès de la Commission de gestion (CdG). Manuela Weichelt glisse qu'elle envisagera cette option si le gouvernement fédéral reste inactif.
Pour mémoire, 61% des votants (et tous les cantons, à l'exception d'Appenzell Rhodes-Intérieures) avaient dit oui à l'initiative sur les soins en novembre 2021. La première étape de la mise en œuvre de l'initiative sur les soins — une offensive de formation de la Confédération et des cantons d'une valeur pouvant atteindre un milliard de francs — a déjà été décidée.
Le Conseil fédéral a de fait repoussé la deuxième étape aux calendes grecques. Il l'a coulée dans une nouvelle loi fédérale sur les conditions de travail conformes aux exigences dans le domaine des soins. Cette loi fédérale ne devrait être prête qu'au printemps 2024. Elle pourrait entrer en vigueur au plus tôt en été. D'ici là, rien ne devrait changer pour les soignants. Alain Berset, quant à lui, ne sera plus en fonction.