Les promoteurs avaient vu juste
La pénurie de logements fait revivre des «villages fantôme»

Il y a quelques années, des «quartiers fantôme» poussaient comme des champignons en Suisse alémanique, faisant craindre une surchauffe du marché. Or, la pénurie qui guette donne raison aux investisseurs: ils avaient vu juste. Reportage entre Berne et l'Argovie.
Publié: 11.03.2023 à 06:12 heures
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Des enfants jouent devant le support à vélos plein. La vie est revenue dans l'ancienne cité fantôme de Dreilinden à Langenthal (BE).
Photo: Philippe Rossier
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Dorothea Vollenweider, Stefan Bohrer, Karin Frautschi et Philippe Rossier

Le parking est plein à craquer, les vélos s'empilent devant l'entrée. Un coup d'œil sur le quartier du Neugrüen, à Meiligen (AG), montre à quel point l'endroit est plein de vie. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, cet océan de béton manquait cruellement d'âme.

Fin 2016, près de trois ans après l'achèvement des travaux, un tiers des 147 appartements étaient vides. Et ce n'est pas un cas isolé: dans le canton voisin, à Langenthal (BE), le quartier de Dreilinden était qualifié de «lotissement fantôme» par Blick en 2017. Seuls 9 des 38 logements disponibles étaient occupés, un an après leur inauguration.

Le parking de Neugrüen déborde.
Photo: Stefan Bohrer

Meilingen et Langenthal sont à la Suisse alémanique ce que sont certaines communes jurassiennes de ce côté de la Sarine: l'endroit où le taux de vacance des logements est supérieur à la moyenne. En 2019 encore, 7,13% de toutes les habitations étaient vides à Meilingen, contre 1,66% pour la moyenne suisse (1,1% dans le canton de Vaud et... 0,38% à Genève!).

Le quartier s'est trouvé une âme

En 2022, le taux de vacance à Meilingen a chuté à 2,74%. Et l'ancien lotissement fantôme de Neugrüen s'est trouvé une âme: les appartements sont pleins. Ernst Brunner, 83 ans, est la mémoire du quartier – il a été l'un des premiers à emménager, juste après la fin des travaux. «À l'époque, nous pouvions choisir n'importe quel appartement», se souvient l'octogénaire, qui a habité trois décennies en ville de Zurich. «Je me plais mieux ici, c'est plus facile à vivre avec le chien. Il y a des fois beaucoup de bruit, quand la crèche fait une promenade, mais c'est adorable!»

Ernst Brunner, 83 ans, est ravi de son quartier.
Photo: Stefan Bohrer

Leon Baldinger, 26 ans, tient un magasin de VTT dans le lotissement. Il est heureux que Neugrüen soit devenu un lieu de vie – il y a installé son commerce en 2020. «C'était le bon moment, les appartements commençaient à bien se louer. Désormais, je crois que tout est plein», explique-t-il à Blick. L'emplacement est parfait pour les affaires, puisqu'il a des clients de Zoug, Zurich, Bâle et Lucerne ainsi que toute l'Argovie.

Les nouvelles constructions ont attiré des gens

L'Argovie, justement, profite beaucoup de cette pénurie de logements. Les «quartiers fantôme», le canton en comptait beaucoup il y a peu encore. Le taux de logements vacants avait quintuplé entre 2012 et 2017 pour atteindre 3,7%, bien au-dessus de la moyenne nationale. Et les craintes étaient immenses, puisque 313 permis de construire y avaient été délivrés en 2017, notamment à Staufen.

Le «Pfalzpark» en Argovie: pas très «sexy», mais désormais complet.
Photo: Karin Frautschi

Dans cette commune argovienne, un nouveau quartier entier est sorti de terre, fin 2017. Esterli-Flöösch proposait 51 appartements, et pendant des mois, seuls 13 étaient pourvus. Un article de Blick à l'époque montrait à quel point tout le lotissement n'avait pas encore d'âme. Tout le contraire d'un reportage de Blick TV, un peu plus de cinq ans plus tard: une habitante d'un 5 pièces et demi y raconte son bonheur de voir de nombreux enfants s'y épanouir. «Je ne voudrais plus quitter ce petit coin de paradis», explique-t-elle.

Plus aucun bien à louer!

La régie immobilière Wincasa confirme à Blick que tous les appartements du Neugrüen, à Mellingen (AG) sont actuellement occupés. «Il n'y a plus aucun logement à louer», explique le porte-parole de l'entreprise, Janos Kick.

À l'époque, les critiques étaient vives vis-à-vis de ces investisseurs qui bâtissaient des quartiers entiers loin des villes. Ceux-ci peuvent aujourd'hui jubiler: ils ont vu juste. La pénurie de logements pousse les gens à la campagne, et même les anciens «lotissements fantômes» débordent désormais. Le compte est bon.

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