Les jeunesses campagnardes vaudoises réunies à Givrins
«Ce n'est pas que 70'000 litres de bière et trois semaines de sauteries»

Dès mercredi 31 juillet, Givrins (VD) accueillera la Cantonale des jeunesses pour trois semaines. Si 120'000 visiteurs sont attendus, les «fêtes à copeaux» restent boudées par une partie de la population. Blick a rencontré ces jeunes qui veulent faire bouger les choses.
Publié: 31.07.2024 à 15:57 heures
|
Dernière mise à jour: 31.07.2024 à 16:17 heures
Les constructions de la place de fête de Givrins auront pris près de 150 jours. Sur la photo, Maël a notamment travaillé dans la conception de la tonnelle.
Photo: Blick
Nathan Clément

Mettre les pieds dans un giron de jeunesse, c’est d’abord sentir l’odeur des copeaux. Avec ses 4000 mètres cubes de bois déchiqueté, la Cantonale de Givrins n’échappe pas à la règle.

«On nous l’a reproché», explique ce jeudi 25 juillet à Blick Daniel Turin, responsable média et communication de l'événement et de la Fédération vaudoise des jeunesses campagnardes (FVJC), qui réunit toutes les sociétés du canton. Il ne comprend pas ces critiques: «C’est du bois mort. Il vient des forêts de la région.»

Le monde des jeunesses campagnardes provoque de l’incompréhension pour ceux qui lui sont étrangers. Beaufs, paysans, alcooliques: les préjugés fusent à en friser parfois le mépris. Peu importe l’avis des moralistes, les jeunesses fêteront et célébreront pendant trois semaines «la plus belle vie qui soit: celle de campagnards».

«Le cliché du gros gars de droite? C’est terminé»

À quelques jours de la fête, Grégory Domenig, président de la Canto', trouve quelques minutes pour répondre à nos questions. À 30 ans, l’ancien de la jeunesse de Saint-George a eu le temps de voir ce monde évoluer. «Le cliché du gros gars de droite? C’est terminé, répond le Vaudois du tac au tac. On est apolitiques. L’image de gros poivrots qui boivent sur la place de fête nous colle. On essaie de s’en détacher, mais cette génération a disparu.»

Et maintenant? Une jeunesse qui s’est ouverte, détaille Grégory Domenig. Le profil des jeunes s’est diversifié: étudiants, horlogers et tant d'autres. «C’est une belle richesse d’avoir ces gens-là», se réjouit le président.

«
«Des gens qui boivent tout le temps des verres ne pourraient pas organiser cela»
Grégory Domenig, président de la Cantonale des jeunesses vaudoises
»

Comme les jeunesses, leurs fêtes ont aussi évolué. Le bal de campagne a laissé sa place à des manifestations bien plus grandes — qui demandent beaucoup plus d’organisation. À Givrins, sur 3 semaines, 120’000 visiteurs sont attendus. Plusieurs milliers de sportifs également (ndlr. football, volley, tir à la corde, trail, etc.). Le tout pour un budget de trois millions et demi de francs. «Des gens qui boivent tout le temps des verres ne pourraient pas organiser cela. Tous les membres sont bénévoles. C’est la convivialité qui nous pousse à venir travailler ici tous les week-ends», conclut le président.

Le travail et l’entraide

«On n’est pas juste une petite bande de copains du village 'du haut' (ndlr: il y a aussi Givrins du bas). On appartient tous à quelque chose, à la 'fédé'. Les échanges entre les profils différents, c’est ça qui me plaît», sourit Séverine, l’horlogère du groupe en train d’aménager un container qui servira au jury pour les jeux. Membre de la commission des sports, la dimension athlétique l’a bien plus convaincue que l’abondance du houblon.

A 18 ans, Léo fait partie de la commission des sports.
Photo: Blick

À ses côtés, Léo — lui aussi dans la commission des sports — s’acharne sur de vieilles chaises promises à la benne. Le gymnasien qui vient de fêter ses 18 ans applaudit cette variété de profils. «C’est une source d’apprentissage pour tous. Les plus manuels m’ont beaucoup transmis et peut-être que je leur ai donné aussi quelques trucs», espère-t-il. «C’est sûr que si tu descends directement sur Nyon, on va te dire qu’on est forcément des gens qui boivent des verres, souffle le jeune adulte. Qu’on est tous des paysans…»

Convaincre «la ville»

Alors que la Cantonale commencera le 31 juillet, des «boom boom» résonnent déjà autour de la tonnelle (ndlr: construction circulaire au centre de la place de fête assurant le débit de boissons). À quelques champs de là, la plaine de l’Asse accueille le Paléo. «J’espère que des festivaliers viendront aussi la semaine prochaine ici», glisse un travailleur pendant la pause de midi.

«Je sais que les gens de la ville ont peur de venir, confie Vanina, en train d'agrafer avec un tap-tap les dernières décorations. J'espère qu'ils viendront voir ce qu'on a fait, ce qu'on a construit, ce qu'on est réellement. On n'est pas que ça.»
Photo: Blick

Si le plus grand open air de Suisse est populaire, les fêtes de jeunesse gardent une image essentiellement campagnarde. Frustrant pour des membres de la Cantonale qui ont passé presque 150 jours en pantalons de travail pour aménager les lieux. «Je sais que les gens de la ville ont peur de venir, confie Vanina, en train d’agrafer avec un tap-tap (une agrafeuse-marteau) les dernières décorations. J’espère qu’ils viendront voir ce qu’on a fait, ce qu’on a construit, ce qu’on est réellement. On n’est pas que ça (ndlr: des saoulards).»

Au centre de la place de fête, Maël range les dernières boissons qui arrivent par camions entiers. Le solide charpentier était responsable dans la construction de la tonnelle.

«
«Le travail magnifique de l’équipe de déco, des bâtiments: tout est réfléchi. Il faut qu’on nous écoute»
Maël, constructeur de tonnelle et ancien d'une jeunesse
»

Ancien d’une jeunesse, le Vaudois est conscient de l’image des jeunesses chez certains: «On est proche de Lausanne, de Nyon. Le but, c’est aussi de montrer que ce n’est pas que 70’000 litres de bière et trois semaines et des sauteries à gauche et à droite. On veut montrer que les jeunes de la région sont capables de faire plus. Le travail magnifique de l’équipe de déco, des bâtiments: tout est réfléchi. Il faut qu’on nous écoute. On n’est pas des pions.»

«Venir d’un petit bled, c’est une chance»

Et troquer sa vie de campagnard pour habiter en ville? «Non, je ne crois pas, réfléchis pensivement Maël. C’est mon village, j’y ai grandi là, tu vois. C’est un endroit dans lequel je me sens bien. Ce serait vraiment dur de le quitter.»

Opinion partagée par Maude, originaire de Givrins «du haut». L’éducatrice qui a notamment joué pour Nyon Basket continue de vivre dans un village, à Saint-Georges. «La sérénité, les liens que tu crées avec les gens de ton village: c’est spécial, explique la responsable des sports pour la Cantonale. Venir d’un petit bled, c’est une chance pour moi.»

Habiter dans un petit bled? Une chance pour Maude.
Photo: Blick
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la