Le système hospitalier suisse est aux soins intensifs, financièrement parlant. Tout au long de l'année, les hôpitaux ont fait la une des journaux, les annonces de fermetures et de suppressions de postes se succédant sans interruption.
Dernier exemple en date: l'hôpital cantonal de Glaris qui annonce juste avant Noël la suppression de 36 postes, la réduction du nombre de lits et le renoncement à la compensation du renchérissement. Comme de nombreux autres établissements, celui de Glaris est dans le rouge.
La Suisse romande est inefficace
Depuis des années, les marges baissent. Les hôpitaux ne gagnent pas assez d'argent. Si les bénéfices diminuent ou se transforment en pertes, l'argent manque donc pour les investissements, comme ceux qui devraient être faits dans des processus plus efficaces ou dans la numérisation.
En Suisse romande, les marges sont encore plus faibles qu'en Suisse alémanique, avec environ 3,7%, selon le cabinet de conseil PwC. Ce qui explique pourquoi, en Suisse romande, les autorités publics couvrent plus généreusement les déficits hospitaliers que dans les autres cantons.
«Les tarifs actuels ne couvrent pas les coûts. Surtout dans le domaine ambulatoire, où ils sont 30% trop bas», explique Anne-Geneviève Bütikofer, directrice de l'association des hôpitaux H+. Le problème, c'est que le renchérissement et le manque de personnel qualifié, qui doit souvent être compensé par des employés temporaires coûteux, aggravent la situation financière.
Le progrès technique, facteur de coûts
Si les hôpitaux veulent imposer des tarifs plus élevés aux caisses d'assurance maladie, ils obtiennent au mieux un hochement de tête. Les établissements hospitaliers représentent environ 35% des 40 milliards de francs de coûts de la santé à charge de l'assurance de base. Si les caisses devaient trop resserrer les tarifs, cela aurait des conséquences directes pour les payeurs de primes.
Autre problème: ces dernières années, de nombreuses cliniques se sont équipées et ont investi beaucoup d'argent dans de nouveaux appareils. «Aucun hôpital ne veut se démarquer de la concurrence, explique Tobias Müller, économiste en santé à la Haute école spécialisée bernoise (HESB). Cela se traduit notamment par une densité d'appareils de radiologie plus élevée en Suisse que nulle part ailleurs dans le monde.»
Cela conduit certes à une augmentation des prestations médicales, mais aussi des coûts. «Le progrès médico-technique est souvent un facteur de coûts», explique Rolf Gilgen, qui travaille comme consultant et dirige actuellement par intérim la clinique Hirslanden à Aarau. «Avec les nouveaux appareils, on détecte plus de problèmes de santé.» Le nombre de traitements augmente en conséquence, et les frais aussi.
«Mais l'amélioration des diagnostics, des thérapies et des médicaments entraîne également une diminution du nombre de malades chroniques, ce qui permet de réduire les coûts. Et de meilleures procédures peuvent contribuer à réduire les inefficacités», temporise Rolf Gilgen.
«La Suisse possède l'un des meilleurs et des plus performants systèmes de santé», ajoute Anne-Geneviève Bütikofer. Mais plus le temps passe, plus il devient inabordable. «Nous devons apprendre à nous rétrécir», déclare Stephanie Hackethal, directrice de l'hôpital de Glaris, dans une tribune publiée sur le portail de la branche «Medinside».
Ce qui pourrait aider le secteur hospitalier
Quels seraient donc les procédés pour rétrécir sainement le secteur hospitalier? Il n'y a pas de remède miracle, mais quelques solutions existent.
- Spécialisation et concentration: «Nous sommes très bien pourvus en lits et en hôpitaux», déclare Tobias Müller. «Chaque hôpital ne doit pas proposer toutes les interventions et tous les traitements, lance Anne-Geneviève Bütikofer. Mais l'objectif doit rester le même: assurer des soins de santé de même qualité dans toutes les régions.»
Tobias Müller ajoute: «Lorsque le nombre de cas est plus élevé, les prestations médicales sont meilleures et la routine des médecins est plus flexible.» Et cela plaiderait en faveur des grands centres médicaux: «La concentration mettrait un terme à la course aux armements médicaux»
- Coordination cantonale et fermetures: «La seule chose qui finit par verser, c'est la fermeture de sites», pense Rolf Gilgen. Le problème, c'est que de nombreux cantons devraient sauter par-dessus leur ombre et regrouper leurs capacités hospitalières. «L'interaction par-delà les frontières cantonales n'a pas assez lieu», selon lui. Anne-Geneviève Bütikofer est plus optimiste: «De plus en plus de régions hospitalières voient le jour, la coopération s'améliore.»
Restent encore deux problèmes: Dans certains cantons, les hôpitaux sont les plus gros employeurs. «Personne ne veut être le grand tueur d'emplois», précise Tobias Müller. Sans compter que de nombreux médecins de famille envoient leurs patients dans l'hôpital le plus proche et pas forcément dans le meilleur ou le plus efficace. «Un assainissement des structures pourrait renforcer la responsabilité personnelle des patients», affirme l'économiste.
- Remédier au manque de personnel qualifié: Le manque de personnel qualifié va accélérer la restructuration du paysage hospitalier. Tous les experts sont d'accord sur ce point. «La pénurie de personnel qualifié met une énorme pression sur les hôpitaux, notamment dans l'augmentation des salaires ou la fermeture de lits», commente Rolf Gilgen.
Tous ne survivront pas
Mais tous ces coûts ne sont pas vraiment nouveaux: «Lorsque j'ai commencé en 1998 en tant que directeur du Waidspital de Zurich, des questions similaires se posaient déjà, modère Rolf Gilgen. Les grands chocs ne sont pas encore au rendez-vous.»
La Suisse compte actuellement 278 hôpitaux, répartis sur 595 sites. Parmi eux, 101 sont des hôpitaux généraux et 177 des cliniques spécialisées, comme des centres de rééducation ou des hôpitaux psychiatriques. Une chose semble claire: tous ne survivront pas dans les années à venir.