Les habitants d'Erlenmatt à Bâle sont effrayés
«Je prends un spray au poivre pour aller faire ma lessive»

Les immeubles d'habitation de deux quartiers de Bâle sont modernes. Des familles avec enfants y habitent. Mais les conditions sont indignes d'un quartier familial. «Je ne recommande à personne avec des enfants d'emménager ici», déclare une habitante.
Publié: 30.01.2023 à 21:41 heures
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La trouvaille d'un locataire, dans le couloir de la cave.
Photo: DR
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Nicolas Lurati

Une seringue qui traîne dans la cave, un junkie dans la cage d'escalier, un sans-abri qui dort dans le hall, des paquets éventrés, des portes fracturées... Ajoutons à ces ingrédients des chemins et un parc insuffisamment éclairés. Et on obtient un quartier miteux. Mais les exemples cités ici sont tirés du quotidien des habitants d'un quartier familial moderne de Bâle, nommé Erlenmatt West.

De l'extérieur, les blocs d'habitation sont plutôt agréables à regarder, modernes et bien entretenus. Ce quartier n'a été achevé qu'en 2015. Le portail Internet erlenmatt-west.ch le présente comme une zone urbaine idéale pour les célibataires, les couples et les familles. Il vante «des espaces libres, verts, généreux et attrayants», «une école primaire et un jardin d'enfants» ainsi que «des commerces et des offres gastronomiques à proximité immédiate». Bref, «Erlenmatt est un morceau de Bâle où il fait bon vivre», conclut le site.

«Une seringue et une aiguille par terre»

Mihai T., un habitant du quartier d'Erlenmatt West à Bâle, a trouvé une seringue et une aiguille dans sa cave.
Photo: zvg

Mais la réalité se situe malheureusement bien loin de ce tableau idyllique. Les premiers concernés, les locataires, témoignent de conditions de vie absolument indignes d'un quartier familial. Mihai T.* est l'un d'eux. «Un matin, je suis descendu dans la cave et j'ai trouvé une seringue et une aiguille par terre, raconte le jeune homme de 36 ans. Un junkie devait avoir passé la nuit là. Je pense que c'était une femme. Car il y avait aussi des chaussures usagées de femme sur le sol.» Une photo témoigne de la scène.

Que se passe-t-il dans cette zone où «il fait bon vivre»? Thomas Suter, un toxicomane, peut expliquer ces découvertes déstabilisantes. Le Bâlois se procure du «sugar», c'est-à-dire de l'héroïne coupée, au centre de désintoxication de Bâle, qui se trouve à quelques minutes à pied d'Erlenmatt West.

Le toxicomane Thomas Suter a une explication pour la découverte de seringues.
Photo: Nathalie Taiana

«Ces derniers temps, on trouve effectivement beaucoup de seringues et d'aiguilles aux alentours des immeubles», confirme l'homme de 52 ans. Il poursuit: «C'est l'œuvre de frontaliers qui n'ont pas le droit d'entrer dans les locaux d'injection.» Quelques «crétins» prendraient le matériel qui est mis à disposition à l'entrée des «Gassenzimmer», les «salles de shoot» situées en marge du quartier, et l'abandonneraient ensuite dans la rue, charge-t-il: «Ils consomment la drogue dans les environs. Et s'ils voient la possibilité de se faufiler dans une entrée de maison, ils le font.»

Des dépendants se procurent l'accès aux caves

Les journalistes de Blick se sont rendus sur place pour vérifier. Ils confirment les dires des habitants du quartier. En traversant un terrain vague qui mène à Erlenmatt West, ils manquent de trébucher sur une pièce de seringue posée sur le sol. Elle n'a pas d'aiguille. Mais on en trouve parfois, assure Thomas Suter à propos des découvertes faites dans les environs des salles de shoot.

Une habitante a également accepté de témoigner auprès de Blick. Elle est très en colère. Sur l'application du quartier, l'«Erlenapp», elle laisse éclater sa colère: «Quand je suis rentrée chez moi, j'ai vu un junkie dans la cage d'escalier qui descendait à la cave!»

Peur au sous-sol

C'est à cause de ce genre d'incidents qu'Alen Bozicevic a peur à chaque fois qu'il se rend à la buanderie. «Je ne sais jamais ce qui m'attend», se désole cet homme de 36 ans qui, comme Mihai T., habite le quartier. Il a lu les expériences vécues par les autres habitants sur l'application. Et cela lui fait froid dans le dos.

Les habitants sont effrayés par la situation actuelle. Alen Bozicevic en fait partie.
Photo: Nathalie Taiana

Mais plus que pour lui, il craint pour les enfants. «Ce sont les seringues qui traînent qui m'inquiètent. J'ai un fils de deux ans et demi», s'alarme-t-il. Il souligne une grande contradiction: «Cet endroit est conçu comme un quartier pour les jeunes familles avec enfants. Avec des aires de jeux et des espaces verts.»

Laurence S.**, 33 ans, ne se sent plus non plus en sécurité: «Je prends un spray au poivre pour aller faire ma lessive.» Elle aussi a un grand sentiment de malaise: «Car on ne sait jamais quelle surprise se trouve derrière la porte.»

Laurence S., habitante du quartier, est elle aussi inquiète.
Photo: Nicolas Lurati

Et il n'y a pas que sous terre qu'il faut attendre des hôtes indésirables: «Des gens qui n'habitent pas ici rôdent dans les blocs. Ils fouillent les boîtes aux lettres, volent des paquets et des lettres, forcent les portes... et urinent même dessus.» Laurence S. rapporte même que des voitures ont été fracturées. «Des voyous se faufilent dans les couloirs, soupire-t-elle. Ils pénètrent probablement dans les bâtiments via le parking souterrain.»

«Un homme a dormi dans la cage d'escalier»

Son verdict sur Erlenmatt West est sans appel. «Je le vois actuellement comme un quartier à problèmes.» Pourtant, elle a emménagé ici il y a deux ans avec un bon sentiment: «Ils font de la publicité pour les crèches. Les maisons sont des constructions neuves. Je ne m'attendais pas à être confrontée à de tels problèmes.» Qu'en conclut-elle? «Je ne recommande à personne d'emménager ici avec des enfants!»

Une autre habitante étaye cette affirmation par son expérience. Une nuit, elle a buté sur un homme endormi dans la cage d'escalier. «Quand je suis sortie de l'ascenseur, il se trouvait près des entrées de la cave», narre-t-elle, encore effrayée. Il se serait réveillé en sursaut et complètement désorienté. «Je lui ai demandé ce qu'il faisait là. Ce à quoi il a répondu dans un mauvais anglais: 'No home'.» Plus tard, la police aurait coffré le SDF.

«La police n'est absolument pas assez présente»

Ce récit et les autres témoignages de résidents mettent à rude épreuve les nerfs la politicienne locale Laetitia Block. La vice-présidente de l'UDC de Bâle-Ville n'habite qu'à quelques minutes à pied du Erlkönigweg. «Le quartier d'Erlenmatt est sale, et il y a beaucoup de coins sombres, tonne la juriste. C'est un quartier dans lequel on ne peut pas se sentir en sécurité!» Elle aussi souligne que des familles y habitent ici. «Et, de surcroît, et les logements ne sont pas bon marché», glisse-t-elle.

Pour Laetitia Block, les causes de ces problèmes de sécurité et de propreté sont évidentes. «Il s'agit de drogués et de mendiants, assure-t-elle. Le fait que ces derniers déchirent des paquets est connu depuis belle lurette.»

La politicienne UDC estime que «la présence policière y est trop faible».
Photo: Nicolas Lurati

Mais au lieu d'agir, le gouvernement de la ville laisserait tomber les habitants d'Erlenmatt, assène Laetitia Block. «La police n'est absolument pas assez présente.» Il faudrait imposer davantage d'interdictions de périmètre lors des contrôles. Pus d'éclairage, plus de propreté et, surtout, «en finir avec les centres de drogue.» Elle précise sa pensée: «Les 'Gassenzimmer' ont été installées à la périphérie de la ville. Mais le quartier d'Erlenmatt s'est entre-temps beaucoup trop rapproché de ce centre.»

Les autorités n'ont pas la même analyse

Daniel Hofer, spécialiste au Département des constructions et des transports du canton de Bâle-Ville (BVD), avance de son côté qu'un nouvel emplacement pour ces chambres d'injection n'est actuellement pas à l'ordre du jour. Mais le nombre de seringues trouvées dans le quartier d'Erlenmatt est «très faible», promet Anne Tschudin, qui travaille au Département de la santé. «Au cours des quatre dernières semaines, deux découvertes de matériel ont été enregistrées à l'Erlenmattplatz», révèle-t-elle. Entre autres, une équipe éliminerait de manière très professionnelle le matériel de seringues qui traîne dans l'espace public. Elle se rendrait chaque jour à des «endroits définis», poursuit la fonctionnaire.

Les autorités ne sont pas non plus du même avis que Laetitia Block en ce qui concerne la propreté. «Selon le service de nettoyage de la ville, le quartier d'Erlenmatt n'est pas moins propre que le reste du Petit-Bâle et est loin d'être pas un 'quartier à problèmes' à cet égard», s'insurge Daniel Hofer.

Les autorités sont donc unanimes. Elles ne voient pas de problème dans le quartier d'Erlenmatt. Un point de vue que de nombreux habitants, de toute évidence, ne partagent pas.

*Nom modifié

**Nom connu de la rédaction

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