La ministre de la Défense Viola Amherd l'avait déjà annoncé à plusieurs reprises: la Suisse doit coopérer plus étroitement avec l'UE sur le plan militaire et participer à l'avenir à deux projets de l'initiative de défense Pesco de l'Union européenne (UE). Selon le «Tages-Anzeiger», Viola Amherd a désormais joint l'acte à la parole. La présidente de la Confédération suisse a envoyé les plans correspondants en consultation interne. Au final, c'est le Conseil fédéral dans son ensemble qui devra prendre une décision.
Pesco est un acronyme pour Permanent Structured Cooperation – soit coopération structurée permanente – et se compose de dizaines de projets visant à renforcer la capacité de défense de l'UE. Mais des pays tiers comme la Suisse peuvent également s'associer à de tels projets.
Des cyber-exercices communs
Viola Amherd a un plan précis. D'une part, elle veut faciliter le passage des frontières suisses pour les troupes étrangères. Le programme correspondant est également appelé «Schengen des forces armées». Il s'agit de simplifier les transports transfrontaliers de troupes, sans pour autant que des troupes étrangères armées ne puissent simplement traverser la Suisse sans encombre en cas de guerre.
Le deuxième programme prévoit des exercices communs de cyberdéfense. L'Ukraine veut également renforcer la coopération avec l'UE dans ce domaine. Des cybersoldats suisses pourraient donc s'entraîner avec des collègues ukrainiens à l'avenir en cas d'urgence.
Le Département de la défense souligne dans un document interne que la participation à ces programmes est compatible avec le droit suisse de la neutralité, poursuit le «Tages-Anzeiger». Le projet Pesco n'entraîne «aucune obligation juridiquement contraignante ou dépendance de facto qui empêcherait la Suisse de respecter ses obligations en matière de droit de la neutralité».
Les conseillères et conseillers nationaux sur la touche
Même si le projet Pesco n'a aucun lien direct avec l'OTAN, les plans de Viola Amherd signifient forcément un rapprochement supplémentaire avec l'Alliance, alors que le Conseil national vient justement de donner un signal clair contre un rattachement trop étroit. La Suisse ne doit pas participer aux exercices de l'OTAN qui entraînent le cas d'alliance, a décidé le Conseil national en juin dernier. Il s'agit donc d'exercices pour le cas où un pays membre de l'OTAN serait attaqué. Le Conseil des Etats ne s'est pas encore prononcé à ce sujet.
Le conseiller national UDC Mauro Tuena estime qu'il est extrêmement problématique que la présidente de la Confédération agisse en ce sens malgré le signal clair du Conseil national. Il critique le fait que la ministre de la Défense veuille décider de la participation au projet Pesco sans que le Parlement ait son mot à dire. Les commissions de politique de sécurité sont les seules à avoir été informées – le Conseil national et le Conseil des Etats n'ont pas eu leur mot à dire.
«C'est impertinent»
«C'est impertinent, surtout dans le contexte de la décision du Conseil national sur les exercices de l'OTAN», déclare Mauro Tuena à Blick. Le Conseil fédéral avait également décidé seul de participer à l'initiative «European Sky Shield», un bouclier de protection surveillé par satellite au-dessus de l'espace aérien européen.
La démarche de Viola Amherd suscite également l'incompréhension de la gauche. La conseillère nationale des Vert-e-s Marionna Schlatter déclare qu'elle trouve fondamentalement judicieux que la Suisse participe aux deux programmes Pesco. De son point de vue, une coopération dans ces domaines a du sens. «Mais le fait que le Parlement n'ait pas son mot à dire est choquant», déclare la politicienne en charge de la sécurité.
La Commission de la politique de sécurité du Conseil national n'a pas encore réagi. Après l'adhésion controversée au «European Sky Shield», la commission s'est opposée au fait de faire cavalier seul et a demandé au Conseil fédéral de soumettre la décision au Parlement. Mais l'exécutif avait défendu le point de vue selon lequel une telle décision relevait clairement de sa compétence. Peu de temps après, le département de la Défense avait signé la demande d'adhésion.