Les clients perdent, les cantons encaissent
Les banques cantonales se font-elles un bénéfice disproportionné?

La moitié de la population suisse possède un compte auprès d'une banque cantonale. Mais il semblerait que ces établissements cantonaux se fassent des bénéfices disproportionnés sur le dos de leurs clients.
Publié: 24.07.2023 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 24.07.2023 à 08:32 heures
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Le directeur des finances zurichois Ernst Stocker se réjouit d'une caisse cantonale pleine.
Photo: Keystone
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Danny Schlumpf

Les caisses des cantons sonnent: en 2022, elles ont bouclé leurs comptes avec 4,6 milliards de francs de plus que prévu au budget. Cette année sera encore meilleure, car au printemps, les banques cantonales ont également annoncé des résultats records.

Ainsi, la Banque cantonale de Zurich a réalisé pour la première fois un bénéfice de plus d'un milliard de francs. Sur ce montant, 320 millions reviennent à son propriétaire – le canton de Zurich. La Banque cantonale d'Argovie a aussi présenté un bénéfice record: 179 millions de francs. Le canton reçoit 92 millions. La Banque cantonale des Grisons a avancé 207 millions. Le canton empoche 93 millions.

Les opérations d'intérêts sont à l'origine de ces records. Les instituts financiers leur doivent plus de la moitié de leurs revenus. «Les opérations d'intérêts sont en plein essor», explique l'économiste Adriel Jost, chercheur invité à l'Institut de politique économique suisse de l'université de Lucerne.

Le Valais et Zoug donnent encore moins

Le mécanisme est simple: les banques déposent beaucoup d'argent à la Banque nationale suisse (BNS) – actuellement environ 500 milliards de francs. En échange, les établissements financiers reçoivent un intérêt de la BNS. Celui-ci est présentement de 1,75%.

En revanche, l'intérêt que les banques versent à leurs clients est nettement plus bas. En règle générale, il n'y en a pas du tout sur les comptes privés. Et l'intérêt sur les avoirs d'épargne est bien inférieur à 1%. Ainsi, la Banque cantonale de Zurich accorde 0,75% jusqu'à un montant de 50'000 francs et 0,25% jusqu'à 250'000 francs. Il n'y a pas d'intérêt sur les avoirs supérieurs. A la Banque Cantonale de Bâle (BCB), ce taux est de 0,6% jusqu'à 100'000 francs et de 0,4% au-delà.

Le compte d'épargne de la Banque cantonale du Valais (BCV) est encore moins généreux: 0,55% d'intérêt jusqu'à 50'000 francs et 0,3% jusqu'à 250'000 francs. La Banque cantonale de Zoug accorde tout juste 0,4% jusqu'à 100'000 francs. Au-delà, il n'y a rien. Et la Banque cantonale de Genève propose 0,5% jusqu'à 30'000 francs et 0,1% pour tout ce qui dépasse ce montant.

«Nous sommes convaincus qu'une rémunération des comptes d'épargne inférieure à 1% est trop basse dans le contexte actuel des taux d'intérêt, et nous avons donc demandé aux banques d'améliorer leurs taux et leurs conditions», explique André Bähler, responsable politique et économie à la protection des consommateurs.

Les taux d'intérêt augmentent de manière isolée

Effectivement, certaines banques cantonales augmentent les taux d'intérêt à partir du mois d'août. Ainsi, la Banque cantonale d'Argovie propose désormais 0,75% au lieu de 0,6%. La Banque cantonale de Zoug se montre également plus généreuse: au lieu de 0,4% jusqu'à 100'000 francs, elle accorde 0,4 pour cent jusqu'à 200'000 francs.

Cela n'a rien de révolutionnaire. Seule la Banque cantonale de Lucerne fait un véritable pas en avant: elle propose désormais un taux d'intérêt d'1% jusqu'à 100'000 francs et de 0,9 pour cent au-delà. La banque explique à Blick qu'elle s'en sort toujours bien sur le plan économique.

De toute façon, compte tenu de la prochaine hausse du taux directeur attendue en septembre, il est d'ores et déjà certain que les établissements financiers ne devront pas se priver à l'avenir. D'autant plus qu'ils profitent toujours des frais qu'ils ont augmentés à l'époque des taux d'intérêt négatifs – et d'un autre front de taux qui leur rapporte chaque jour davantage: le taux directeur fait grimper les taux hypothécaires. Et là, les banques sont fixes: les hypothèques fixes à dix ans sont déjà à 3%.

Résultat: les marges bénéficiaires des banques cantonales continuent d'augmenter. Elles atteignent aujourd'hui des valeurs de 50% et plus. A titre de comparaison, la marge bénéficiaire des CFF est dix fois inférieure. Mais même les assurances ou les groupes pharmaceutiques ne peuvent que rêver de telles valeurs.

La Banque cantonale de Zoug prend position

47% de la population suisse a un compte auprès d'une banque cantonale. Quel est le but de ces établissements? «Ils apportent une contribution essentielle à l'approvisionnement de la population et de l'économie locales en services bancaires», souligne leur association. La politique des taux d'intérêt des Banques cantonales laisse toutefois penser qu'elles se concentrent avant tout sur la maximisation des bénéfices.

A titre de comparaison, le taux directeur était de 1% en 2008. Le taux d'épargne moyen était de 0,94%. Aujourd'hui, le taux directeur est plus élevé et le taux d'épargne pour la population touchée par l'inflation est plus bas qu'il y a 15 ans.

Qu'en pensent les banques? Interrogées par Blick, elles éludent pour la plupart la question. Seule la Banque cantonale de Zoug prend clairement position: «Notre politique en matière de taux d'intérêt s'aligne sur le marché. Nous ne pouvons pas comprendre l'affirmation selon laquelle un bénéfice disproportionné est réalisé sur le dos des clientes et clients. Nous répercutons en temps réel les avantages en matière de taux d'intérêt sur la clientèle et proposons sur nos comptes des conditions attrayantes par rapport au marché.»

Et les cantons? En tant qu'actionnaires principaux, ils pourraient intervenir et imposer par exemple aux banques cantonales de réduire leur marge bénéficiaire au profit des clients. Ou ils pourraient plafonner les salaires des banquiers. Cette mesure aurait également pour effet de laisser plus de place aux clients.

Le directeur financier zurichois se tait

«D'un point de vue libéral, une concurrence accrue serait toutefois la meilleure solution», explique l'économiste Adriel Jost. «Mais il faudrait que les clients jouent le jeu et soient plus rapidement prêts à changer de banque». Le problème ne peut de toute façon pas être résolu du jour au lendemain, affirme Adriel Jost. «Lorsque l'Etat soutient trop fortement un secteur, cela devient toujours problématique. Les banques cantonales ne font pas exception. Au final, il n'y a que des solutions peu agréables.»

C'est ce que semble aussi pressentir Ernst Stocker. Il est directeur des finances du canton de Zurich et président des directeurs cantonaux des finances. Mais il n'a pas envie de parler des opérations d'intérêts des banques cantonales. Les directeurs financiers n'ont pas pris de décision à ce sujet, fait savoir son porte-parole. C'est pourquoi Ernst Stocker ne s'exprime pas non plus à ce sujet.

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