Le cours est annoncé pour 14h, il débute finalement cinq minutes plus tard. «Nous avons un peu de retard, explique Willi Gasser, responsable du cours. Mais c’est typique des CFF!» Dix-sept seniors sont installés dans la salle de Pro Senectute à Brunnen, dans le canton de Schwytz. Douze d’entre eux déclarent avoir déjà consulté les horaires en ligne. L’ambiance est studieuse: carnets de notes et smartphones sont soigneusement posés sur les tables.
A Brunnen, le guichet avec personnel est encore en service, mais pour combien de temps? Partout en Suisse, les CFF exploitent actuellement 115 centres de voyage, contre 262 il y a vingt ans – soit plus du double à l’époque. Rien que depuis le début de l’année, environ six guichets ont été fermés dans le canton de Zurich. Même les distributeurs automatiques classiques semblent voués à disparaître à long terme: aujourd'hui, selon le service de presse des CFF, quatre billets sur cinq sont achetés en ligne. Toutefois, «chaque gare CFF continuera de disposer d’au moins un distributeur automatique de billets» dans les années à venir.
Même si l’achat physique doit être maintenu, la «Stratégie 2035» de l’organisation des transports publics, Alliance Swisspass, mise clairement sur l’achat en ligne. La transition du guichet au smartphone peut être particulièrement difficile pour les seniors. C’est pourquoi les CFF, en collaboration avec Pro Senectute, organisent cette année une centaine de «formations pour seniors» gratuites pour apprendre à utiliser leur application.
Conseils d'une experte
«Je suis un peu gênée d’être ici», avoue une participante qui souhaite rester anonyme. Elle se déplace toujours en voiture et ne comprend pas les horaires de train. «Pas moi», lui répond Doris Heini, 67 ans. Certes, elle n’est pas experte en smartphones, mais «d’autres personnes ne savent probablement pas faire d’autres choses». C’est un peu par hasard que Doris Heini a découvert ce cours proposé par les CFF – elle cherchait à l’origine un cours d’espagnol. «Mais cela me sera sûrement utile le jour où il n’y aura plus de distributeurs de billets», ajoute-t-elle.
«Comment puis-je aller de Brunnen à Erstfeld ?»: c’est la première question posée aux participants. Willi Gasser leur donne tout de suite deux conseils: «Pas la peine de respecter les majuscules, et tapez simplement 'Brunnen', pas 'Brunnen, Bahnhof'. Si vous ajoutez 'Bahnhof', cela indique l’arrêt de bus, pas le quai de la gare.» Pendant que les participants cherchent la bonne correspondance, Martin Müller et Hans-Peter Häderli, tous deux anciens employés des CFF comme Willi Gasser, passent parmi les tables pour aider si besoin. «Pour l’instant, ça va», glisse une participante. «Oui, approuve sa voisine. Pour l’instant...»
Les choses se compliquent par la suite: il faut apprendre à utiliser l’horaire tactile, qui permet d’enregistrer les destinations les plus fréquentes, ainsi que les services Easyride et Sparbillette. Lorsque Willi Gasser montre comment l’application permet même d’afficher une carte GPS pour le trajet à pied, un murmure d’étonnement parcourt la salle. «C’est incroyable!», s’exclame une participante.
Mode d'emploi inclus
Adolf Hediger, 81 ans, et Hanny Arnold, 78 ans, estiment que le cours était «très bien. Il y avait juste un peu trop d’informations d’un coup», ajoute Adolf Hediger. Le monde numérique reste une terra incognita pour cet ancien horloger, fidèle lecteur de Blick. Sa fille vient de lui offrir son premier smartphone cette semaine, et il a emporté avec lui l’emballage et le mode d’emploi pour suivre le cours.
Hanny Arnold trouve important que de telles formations soient proposées, mais elle regrette que la fermeture des guichets oblige presque les gens à utiliser l’application. «Les CFF ne tiennent pas compte des personnes âgées», déclare-t-elle, tandis que Adolf Hediger et Doris Heini hochent la tête. «On nous dit sans cesse ce que nous devons apprendre et faire.»
Les seniors sont habitués à acheter leurs billets au guichet, où ils obtiennent aussi des conseils et les horaires. Pour certains, l’utilisation des distributeurs automatiques est déjà un défi, d’autres n’ont plus l’agilité nécessaire pour manipuler l’écran tactile.
L'association des transports publics donne le feu vert
«Les transports publics répondent à un besoin fondamental. Notre mission est de garantir que tout le monde puisse continuer à les utiliser, même sans smartphone», explique Michaela Ruoss, porte-parole de l’Alliance Swisspass. Il n’en reste pas moins que les guichets et distributeurs automatiques sont de moins en moins utilisés pour l’achat de billets et que leur entretien coûte cher.
Selon Michaela Ruoss, le secteur travaille actuellement à des solutions alternatives en collaboration avec des associations telles que Pro Senectute. «A l’avenir également, chacun devra pouvoir voyager de manière anonyme et sans téléphone portable s’il le souhaite.», ajoute Michaela Ruoss.