L'épidémiologiste Didier Trono sur la résurgence du Covid
«Le rêve d'une immunité collective s'est envolé»

Le nombre de cas Covid a passablement augmenté ces derniers jours. Bien que les services de soins intensifs ne sont pas saturés, la prudence reste de mise: selon le virologue Didier Trono, l'immunité acquise avec Omicron ne protège guère contre les nouveaux variants.
Publié: 19.03.2022 à 14:18 heures
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Dernière mise à jour: 19.03.2022 à 14:22 heures
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Comme l'affirme Didier Trono: «une infection par Omicron semble n'apporter qu'une faible protection contre une infection à l'un de ses nouveaux variants - et encore moins contre de nouvelles mutations possibles.»
Photo: Keystone
Fabian Vogt

Il y a un mois, Alain Berset affirmait que «la pandémie a perdu son caractère effrayant». Le nombre de cas avait alors diminué, et de moins en moins de personnes étaient hospitalisées. Le 17 février 2022, le Conseil fédéral a levé la plupart des mesures. Deux ans après les premiers cas Covid détectés, un air de liberté semblait enfin souffler sur la Suisse.

Or, le variant Omicron a continué son chemin. Les infections sont désormais en forte augmentation. Du 1er au 17 mars, 436’740 cas ont été enregistrés en Suisse. Dix-sept jours plus tôt, on en comptait que 330’843. Cela représente donc une augmentation de plus de 30%.

Les hospitalisations augmentent également

«Les chiffres augmentent très rapidement», explique Tim Julian de l’Eawag. Avec son équipe, il analyse les eaux usées des stations d’épuration suisses. Il est possible d’y détecter les différents variants du Covid. «Jusqu’à présent, nos données correspondent assez bien aux cas Covid confirmés, même s’il peut y avoir quelques jours de latence».

Même son de cloche dans les hôpitaux: le nombre de patients atteints du Covid a baissé jusqu’au 26 février, mais la courbe est repartie à la hausse depuis. À compter du 1er mars, plus de 100 nouvelles hospitalisations ont été signalées.

Pas d’immunité collective possible?

Selon les recherches de Blick, outre l’assouplissement des mesures, deux autres raisons expliquent l’augmentation des cas. Premièrement, le nouveau variant d’Omicron, BA.2, est désormais dominant et a remplacé Omicron BA.1. C’est ce qui ressort du séquençage des données sur les eaux usées collectées par l’Eawag et l’ETH Zurich.

Deuxièmement, comme l’affirme Didier Trono: «Une infection par Omicron semble n’apporter qu’une faible protection contre une les autres variants, et encore moins contre de possibles nouvelles formes du virus.»

Le virologue de l’EPF de poursuivre: «Comme Omicron provoque moins de symptômes, le corps produit moins d’anticorps. De plus, ce variant n'a pas beaucoup de points communs avec ses prédécesseurs. De ce fait, les anticorps produits reconnaîtraient mal les autres variants. Le rêve d’une immunité collective s’est ainsi envolé». Le scientifique prévoit de publier une étude à ce sujet.

Quatrième dose au plus tôt à l’automne

Faut-il recommencer à s’inquiéter? D’autant plus que le chef de la Commission fédérale pour les vaccinations Christoph Berger a déclaré cette semaine dans les colonnes de Blick qu’une quatrième vaccination serait recommandée au plus tôt à l’automne. Didier Trono répond par la négative, car le variant BA.2 n’est pas plus dangereux que le variant BA.1, et Omicron est moins dangereux que ses prédécesseurs.

Cette affirmation est également étayée par les chiffres des unités de soins intensifs. Environ un patient sur six y est actuellement hospitalisé à cause du Covid. Avant la levée des mesures, la proportion était d’un sur trois. Néanmoins, avec l’augmentation actuelle des cas, même une faible hausse des taux d’occupation des soins intensifs suffirait à peser sur le système de santé.

La stratégie du Conseil fédéral porte ses fruits

La comparaison avec le Danemark permet cependant d’entrevoir une lueur d’espoir: la vague BA.2 y a commencé environ un mois plus tôt que chez nous. Le nombre de cas a fortement augmenté soudainement, mais cela ne s’est pas réellement répercuté les unités de soins intensifs.

«Il est possible qu’un scénario similaire se joue en Suisse», avance Didier Trono. Dans ce cas, le Conseil fédéral aura eu raison. Car pour lui, le nombre de patients aux soins intensifs est depuis longtemps le paramètre le plus important à prendre en compte dans la systémique de lutte contre la pandémie.

Mais est-ce bien raisonnable? C’est en tout cas la position choisie par les politiques, estime le virologue. «Nous manquons de données pour prédire l’impact du grand nombre d’infections que nous connaissons actuellement». Nous ne connaissons par exemple pas l’effet des nouveaux variants sur les personnes qui souffrent déjà du Covid long.

(Adaptation par Daniella Gorbunova)

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