La Poste doit faire des économies. Vraiment? Cela semble surprenant lorsque l’on apprend que le géant jaune a déboursé 70 millions de francs pour acheter des arbres en Allemagne et environ 3 millions de francs dans un festival de deux jours avec des stars pour ses employés. De quoi s’interroger sur le programme d’austérité de l’entreprise.
Les employés ressentent aujourd’hui aussi ce malaise. En plus de la suppression déjà annoncée d’une centaine de postes dans la logistique et le regroupement des surfaces de bureaux, il faudrait encore économiser près de 42 millions de francs, comme le montrent des documents que Blick a pu consulter. Contactée, La Poste confirme la cure d'austérité et son ampleur.
Les experts estiment que pas moins de 300 collaborateurs pourraient perdre leur emploi en conséquence. Le géant jaune qualifie ce chiffre de «spéculatif». «Mais oui, avec un projet de cette ampleur, nous devons nous attendre à des répercussions sur les collaborateurs», admet le porte-parole Tobias Lang. Si ce scénario venait à se concrétiser, la Poste atténuerait les conséquences d’un licenciement collectif par un plan social.
300 postes pourraient disparaître
En interne, la grande question est de savoir combien d’emplois seront supprimés. Car à défaut d’autres options, les économies ne seront faites que par des suppressions d’emplois ou presque.
Si l’on part du principe que la Poste doit économiser 42 millions et si l’on estime les salaires annuels à 150’000 francs (prestations sociales comprises) – un montant qui n’est pas absurde au sein de l’administration postale –, on arrive à 280 emplois à temps plein qui pourraient être supprimés. Mais en raison des emplois à temps partiel, le nombre de personnes concernées pourrait être un peu plus élevé. Même si quelques économies sont réalisées ailleurs, près de 300 collaborateurs et collaboratrices pourraient donc être licenciés au total.
Qui doit craindre pour son poste?
Avec les mauvais chiffres semestriels – le bénéfice a baissé de 141 millions à 118 millions de francs – tous s’attendent à ce que quelque chose de pas très agréable se produise. S’il n’y pas (encore) de tollé, c’est certainement parce que pour une fois, ce ne sont ni les facteurs et ni les trieurs de colis qui devraient être limogés.
Dans le cadre du programme d’économie «Efficacité et développement des fonctions», ce sont les départements administratifs – la finance, les ressources humaines, la communication et le support technique – ainsi que la garde rapprochée du directeur général Roberto Cirillo qui doivent chacun économiser 10% des dépenses.
Ils doivent présenter leur plan d’ici la fin de l’année. Les mesures d’économie seront mises en œuvre à partir de mars 2024 et devront être effectives au plus tard en 2025.
Un festival coûteux, qui ne rencontre pas son public
Face à l’ampleur des licenciements qui s’annoncent, l’achat de la forêt en Allemagne pour, rappelons-le, 70 millions – afin de permettre au géant jaune d’atteindre son objectif de zéro émission nette d’ici 2040 – fait grincer les dents de certains. Tout comme l'organisation du PostFestival qui a vu défiler des stars suisses comme DJ Bobo, Stephan Eicher ou encore la chanteuse Francine Jordi pendant deux jours. La Poste souligne que la manifestation a été organisée pour remercier ses collaborateurs. Une bien maigre consolation pour ceux qui perdront leur gagne-pain.
D’ailleurs, le succès de l’événement n’a été que modéré: il y a eu deux fois moins de billets demandés par des collaborateurs que prévu. La Poste a même tourné des vidéos promotionnelles – où figurent notamment le CEO Roberto Cirillo et DJ Bobo – pour inciter les employés à y participer. Interrogée par Blick sur le coût de la manifestation, la Poste répond que le décompte final n’avait pas encore été établi, mais se situerait à la limite supérieure du budget de trois millions de francs.
Il ne faut pas comparer des pommes et des poires
Alors comment la Poste arrive-t-elle à justifier le fait de dépenser autant dans des arbres et une fête alors que des emplois sont en jeu? Dans une vidéo interne destinée aux collaborateurs, Katrin Nussbaumer, une des cadres dirigeantes, répond qu’il ne faut pas comparer «des pommes avec des poires».
Une remarque qui n’a pas manqué de faire rire (jaune) les employés: «Et pourquoi ne devrait-on pas les comparer, glisse-t-on dans les couloirs de la Poste. Après tout, les deux fruits poussent dans des arbres, et la Poste s’y connaît désormais.»