Branle-bas de combat, vendredi dernier à Fruthwilen en Thurgovie. D'énormes pins, aulnes, hêtres, frênes, peupliers et bouleaux s'effondrent dans un boucan infernal. Les tronçonneuses hurlent pendant des heures. Au milieu de tout cela, Ursula Pfister a les larmes aux yeux. Elle est la propriétaire d'un terrain de plus de 6000 mètres carrés sur lequel, par ordre des autorités, les forestiers coupent à tout va. «C'est un massacre d'arbres, une tragédie, dit-elle. Comment est-ce possible de mutiler ainsi une oasis grouillant de vie?»
Et dire que l'étendue du massacre aurait pu être pire. Tous les grands arbres à la limite de la propriété (jusqu'à 10 mètres de la clôture) devaient disparaître, par décision de justice. À la dernière minute, une révision des délimitations de la parcelle a permis constater que quelqu'un avait déplacé les poteaux de la clôture de cinq mètres vers l'intérieur de la propriété. Si les forestiers ne s'étaient pas rendu compte de la supercherie, davantage d'arbres auraient été condamnés.
Un climat toxique
Mais voilà, personne ne sait qui a bougé les poteaux. Ce geste est d'ailleurs révélateur du climat tendu qui règne parmi les habitants de ce village de 500 âmes. Malgré leurs grandes parcelles, les habitants de Fruthwilen semblent souffrir du stress de la densité. Les arbres de 18 à 20 mètres de haut appartenant à Ursula Pfister projettent de longues ombres, surtout en direction du nord. Cela agace les voisins, qui s'en sont plaints dès 2017 auprès de la commune compétente de Salenstein, dans le district de Kreuzlingen.
«J'ai ensuite pris la défense des arbres auprès de la commune pour qu'ils soient préservés», explique la propriétaire à Blick. Et d'ajouter: «J'ai grandi avec ces arbres, ils sont si précieux sur le plan écologique. J'ai décidé de m'engager pour eux.» Ursula Pfister a fait d'abord enlever une haie de sapins rouges, comme un geste de paix envers ses voisins. Comme cela n'a pas suffi, elle a pris un avocat.
Clou dans le cercueil par le Tribunal fédéral
Mais en septembre 2019, la commission foncière de la commune de Salenstein a finalement rendu une décision selon laquelle toutes les plantes le long de la frontière commune devaient être coupées à la hauteur prescrite par la loi, au plus tard en mars 2020. Ursula Pfister s'est opposée à cette décision et les parties ont porté l'affaire devant le Tribunal administratif. En mars 2021, cette Cour a confirmé la décision de la commune. Enfin, en novembre 2022, le Tribunal fédéral a scellé le sort des 42 arbres.
Cette forêt a été plantée par le père d'Ursula Pfister, le fabricant de meubles Otto Pfister. «Mes deux parents étaient proches de la nature. Il y a 50 ans déjà, ils parlaient de promouvoir la biodiversité. Avant nous, il y avait ici un pâturage pour les vaches», explique la propriétaire. Depuis, elle a déménagé dans le canton de Zurich, entre autres parce qu'elle ne pouvait plus faire face à l'hostilité du voisinage.
Tensions dans le voisinage
Les tensions sont clairement perceptibles lorsque Blick visite le quartier. Les voisins et la commune ne veulent pas s'exprimer sur le litige. Vendredi, les propriétaires, accompagnés d'un responsable de la commune, ont inspecté le terrain. Interrogé sur le déplacement illégal des poteaux de clôture pendant la nuit, le responsable communal s'est contenté de rire.
Ursula Pfister, elle, prévoit déjà une restauration de la zone défrichée: «Dès la semaine prochaine, nous planterons des arbustes sauvages indigènes pour que la faune puisse se réinstaller. Les oiseaux ont besoin de lieux de nidification. La biodiversité pourra alors, espérons-le, se remettre rapidement de cette coupe.»