De gigantesques parcs solaires pour assurer l'approvisionnement énergétique suisse. Voilà ce qui motive les deux projets d'envergure imaginés il y a une année au cœur de nos montagnes, dans le Haut-Valais (dans les communes Gondo et de Grengiols). Mais aujourd'hui, leur réalisation est menacée. En particulier à Grengiols, où l'installation de panneaux photovoltaïques est prévue sur des pentes orientées au sud.
Pour éviter le spectre d'une pénurie d'énergie et favoriser la réalisation de ce projet renommé Solar Express, le conseiller aux États du Centre Beat Rieder et le conseiller aux États libéral-radical Ruedi Noser ont orchestré à la fin de l'année 2022 une loi express autorisant les installations solaires dans les paysages alpins intacts, subventions généreuses et autorisations simplifiées comprises.
Trois mois plus tard, les perspectives sont sombres, et le temps presse. En effet, l'argent de la Confédération ne sera versé que si les premiers panneaux produisent du courant d'ici à 2025. Où en sommes-nous, alors? Eh bien, une étude de faisabilité a été commandée... et retardée. Il était question de novembre, puis de janvier. Elle devrait enfin arriver à la mi-mars. Un rapport qui doit répondre à de nombreuses questions. Blick vous résume les éléments qui pourraient faire obstacle à ces fameux panneaux solaires.
Les lignes électriques
Le premier problème? Les lignes électriques constituent un problème à Grengiols. Une étude montre que le projet solaire ne pourra probablement pas être construit aussi rapidement dans cet ordre de grandeur – car la ligne à haute tension nécessaire pour acheminer l'électricité jusqu'aux clients ne sera pas achevée avant 2028.
Le Solar Express sera construit par étapes, explique Raoul Albrecht des Forces Motrices Valaisannes, qui accompagne le projet, au «Walliser Bote».
Et les lignes électriques ne sont pas le problème principal. «Il faut tenir compte du fait que différentes lignes et utilisations peuvent être combinées entre elles, ce qui permet d'utiliser moins de capacité», explique également Jürg Rohrer, professeur d'énergies renouvelables à la ZHAW School of Engineering (École d'ingénierie de l'Université des sciences appliquées de Zurich).
Dans d'autres endroits, on est toutefois plus avancé. Des projets solaires sont aussi prévus dans les Grisons. La connexion au réseau électrique y est meilleure et offre déjà plus de flexibilité avec les lignes actuelles. De plus, il est possible de combiner des lignes existantes, par exemple celles des remontées mécaniques.
La concurrence
Cela conduit au problème suivant, en ce qui concerne Grengiols: le volume de production est limité. Les subventions n'existent que jusqu'à ce que les nouvelles installations produisent au total deux térawattheures d'électricité solaire, soit environ 3% de l'ensemble de l'électricité suisse. Celui qui arrive trop tard pourrait ne pas bénéficier de l'aide étatique.
Jusqu'à présent, il existe entre 40 et 60 projets qui pourraient potentiellement profiter du Solar Express. Le groupe électrique Axpo prévoit à lui seul onze installations. Tous veulent obtenir des subventions, mais ne savent toujours pas sur combien d'argent ils pourront compter exactement. «On ne peut pas estimer les contributions fédérales. Il est donc difficile de mettre les projets sur les rails», confirme le professeur Jürg Rohrer.
Blick en a eu vent: l'ordonnance qui règle les détails du Solar Express est prête au Département de l'énergie du conseiller fédéral UDC Albert Rösti. Elle devrait entrer en vigueur à partir d'avril. La planification définitive pourra alors commencer.
Les défenseurs du paysage
Et, alors que tout doit aller vite, une demande de permis de construire reste encore nécessaire – les protecteurs de l'environnement pourraient retarder les projets solaires en faisant opposition.
Dans le canton du Valais, le Conseil d'État voulait également accélérer les choses avec une loi express. Les Verts du canton ont lancé un référendum. «Aucun panneau ne doit être installé dans des paysages particulièrement dignes de protection, sans infrastructure existante», explique leur présidente, Brigitte Wolf.
Pour cette dernière, il est concevable que des mégaprojets comme celui de Grengiols puissent durer encore plus longtemps: «Il y a tellement de questions juridiques et d'incertitudes. Il est bien possible qu'à la fin, le Tribunal fédéral doive décider si de telles installations dans des paysages vierges sont légales.»
De tels arguments font bondir l'ancien président du Parti socialiste (PS) Peter Bodenmann. C'est lui qui a porté l'idée du parc solaire de Grengiols sur la scène politique. «Dans le cas où les organisations environnementales utilisent toutes les possibilités d'opposition, il ne se passera rien d'ici à 2025, dit-il. Si les autorisations sont accordées, tout ira très vite.»
Ce que Peter Bodenmann peine à comprendre? Des installations comme Viège-Solar et Gondo-Solar (en Valais) produisent ensemble autant d'énergie hivernale que la centrale nucléaire de Mühleberg (BE), qui a été arrêtée. Pourtant, «les Verts hypocrites veulent et vont tenter d'empêcher ces deux installations par leurs recours», fulmine-t-il. Ceux-ci proposeraient à la place des installations inefficaces sur les toits embrumés du Plateau. «Les Verts sont les porteurs des nouvelles centrales nucléaires», soupire Peter Bodenmann.
Le matériel de construction
Une fois que toutes les autorisations ont été accordées, la construction peut commencer... Ou peut-être pas. Les panneaux solaires sont très demandés, et pas seulement en montagne. Et d'autres composants pourraient aussi manquer.
«La situation des matériaux est difficile à évaluer», déclare Jürg Rohrer. Le spécialiste ne veut toutefois pas noircir le tableau: «Pour que les conditions soient remplies, seuls 10% des panneaux doivent être construits. Ce chiffre est réalisable». Mais cela signifie aussi que d'ici à 2025, seule une petite partie des installations solaires devrait être effectivement prête.
Et maintenant?
Les partisans du conseiller aux États Beat Rieder sont malgré tout optimistes. Bien sûr, l'objectif est ambitieux. Mais la politique a créé les conditions cadres. «Maintenant, l'économie et les autorités chargées de délivrer les autorisations doivent montrer qu'elles sont prêtes à livrer la marchandise», dit-il. Il est convaincu que les deux térawattheures seront au moins autorisés d'ici à 2025 et qu'une petite partie des installations fournira déjà de l'électricité.
Le conseiller national socialiste Roger Nordmann était, lui aussi, tout feu tout flamme pour ce dossier. Il part du principe que ce sont plutôt les petits projets qui ont une chance: «Je ne pense pas que les deux térawattheures complets seront épuisés d'ici à 2025.»
Pour le professeur Jürg Rohrer, le Solar Express reste un défi, six mois après sa création. «Mais s'il n'y a pas d'opposition, il n'est pas impossible de respecter le délai de 2025, dit-il. On ne saura dans quelle mesure les deux térawattheures seront utilisés que lorsque l'on saura à combien s'élèvent les subventions.»