Le récit d'une famille en quête d'asile
Gravement malade, cette fillette a été renvoyée par la Suisse dans un centre sordide en Croatie

Hospitalisée au CHUV en novembre, Bezma* souffre d'un anévrisme coronarien, une complication sérieuse d'une maladie auto-immune. Alors que sa santé peut s'aggraver subitement, la Suisse l'a expulsée avec sa mère et son frère. Blick est allé la retrouver.
Publié: 23.01.2025 à 10:06 heures
|
Dernière mise à jour: 23.01.2025 à 15:32 heures
Bezma fêtera son 7ème anniversaire au mois de février.
Photo: Julie de Tribolet
Camille Krafft

La voici donc, assise sur une banquette d'un café situé dans la zone commerciale d'une petite ville de Croatie centrale, à 80 kilomètres de Zagreb. C'est une petite fille au corps fluet, qui fêtera ses 7 ans en février. Sur son visage, dans ses mouvements, on ne distingue pas de trace de la maladie de Kawasaki, une affection grave que les médecins lui ont diagnostiquée lors de son hospitalisation au CHUV, en novembre dernier. Ni de sa complication: un anévrisme coronarien, qui nécessite une surveillance régulière. 

Bezma* a surtout l'air inquiète pour sa maman, dont le regard se perd continuellement dans un abîme. Et puis, elle a peur de la police croate, et de tout ce qui porte un uniforme: lors de leur première entrée dans le pays, cette famille monoparentale turque voulait chercher asile plus à l'ouest. La fillette a vu sa mère se faire violenter par des agents, comme de nombreux autres migrants. 

Blick a retrouvé Bezma dans la ville de Kutina, à 80 kilomètres de Zagreb.
Photo: Julie de Tribolet

Depuis, Mertal*, le petit frère de 4 ans qui tripote une figurine de Tortue Ninja, répète tous les jours qu'il veut devenir lui-même policier «pour tous les tuer». 

De nombreuses ONG dénoncent les dysfonctionnements du système d'asile croate, qui vont de l'hébergement à la procédure d'asile en passant par les soins médicaux. L'association suisse Solidarité sans frontière évoque même une «spirale de la violence», qui passe par des renvois brutaux depuis la Suisse. 

«L'anévrisme coronarien représente un risque majeur pour un enfant»

Selon le docteur Bernard Borel, pédiatre établi à Aigle et membre de l'association romande Médecins action santé migrants (MASM), «tout patient avec anévrisme coronarien, soit une dilatation d'une artère qui irrigue le coeur, doit être suivi régulièrement durant deux à trois ans.» Complication de la maladie de Kawasaki, l'anévrisme est en effet susceptible de se rompre, ce qui peut provoquer un infarctus. «Par chance, ces anévrismes ont tendance à régresser chez l'enfant. Mais cela reste un risque majeur pour sa santé.» 

Le pédiatre se dit également inquiet en raison des vomissements et des accès de fièvre que Bezma a présentés régulièrement, déjà avant son arrivée en Suisse. «Fin décembre, sa mère a envoyé un message depuis la Croatie, où elle expliquait que sa fille avait de la peine à se lever de son lit et à marcher et se plaignait de fortes douleurs dans les bras et les jambes. Un enfant ne peut pas inventer cela et cela suggère une autre maladie auto-immune rhumatismale. C'est pour cette raison que mes confrères du CHUV pensaient que Bezma avait besoin d'un suivi rhumatologique.» 

Aux dernières nouvelles, si la fillette a pu voir un cardiologue en Croatie grâce à ses soutiens en Suisse, elle n'a pas pu consulter de rhumatologue. 



Selon le docteur Bernard Borel, pédiatre établi à Aigle et membre de l'association romande Médecins action santé migrants (MASM), «tout patient avec anévrisme coronarien, soit une dilatation d'une artère qui irrigue le coeur, doit être suivi régulièrement durant deux à trois ans.» Complication de la maladie de Kawasaki, l'anévrisme est en effet susceptible de se rompre, ce qui peut provoquer un infarctus. «Par chance, ces anévrismes ont tendance à régresser chez l'enfant. Mais cela reste un risque majeur pour sa santé.» 

Le pédiatre se dit également inquiet en raison des vomissements et des accès de fièvre que Bezma a présentés régulièrement, déjà avant son arrivée en Suisse. «Fin décembre, sa mère a envoyé un message depuis la Croatie, où elle expliquait que sa fille avait de la peine à se lever de son lit et à marcher et se plaignait de fortes douleurs dans les bras et les jambes. Un enfant ne peut pas inventer cela et cela suggère une autre maladie auto-immune rhumatismale. C'est pour cette raison que mes confrères du CHUV pensaient que Bezma avait besoin d'un suivi rhumatologique.» 

Aux dernières nouvelles, si la fillette a pu voir un cardiologue en Croatie grâce à ses soutiens en Suisse, elle n'a pas pu consulter de rhumatologue. 



Lorsque les agents vaudois ont débarqué dans leur chambre du centre fédéral de Vallorbe vers 4 heures du matin, dix jours après que Bezma a quitté l'hôpital, sa maman a bien essayé de leur expliquer, par le biais de l'interprète, que la fillette avait un rendez-vous médical important le lendemain. 

Soupçonnant une pathologie auto-immune sous-jacente, au vu de ses épisodes de fièvre récurrents, les médecins qui l'ont soignée souhaitaient qu'elle soit vue par un rhumatologue. Quatre jours plus tard, elle devait également retourner voir un cardiologue, pour surveiller l'évolution de son anévrisme. 

Surprise par la police dans son sommeil

Mais la petite fille, surprise par les forces de l'ordre dans son sommeil, n'a pas pu honorer ses rendez-vous: «Les policiers ne m'ont pas écoutée, raconte sa maman. Ils m’ont dit que si je ne les suivais pas, ils me menotteraient. Il y avait une vingtaine d’agents. Je leur ai dit: 'Vous avez besoin d'être aussi nombreux pour emmener une femme et deux enfants? Bravo!'»

La fillette est très proche de son petit frère de 4 ans.
Photo: Julie de Tribolet

Pour Bezma et son frère, l’intervention des policiers vaudois, dont la maman assure ne pas avoir compris l’imminence, a ravivé les chocs vécus sur la route de l’exil. Dans leur tête, la crainte de l’uniforme s’est superposée à celle du noir, de même qu'à celle des arbres, depuis qu’ils ont passé trois jours dans la forêt sans eau ni nourriture. Lorsqu'ils étaient à Vallorbe, le vent soufflant dans les conifères du Jura faisait resurgir ces souvenirs lugubres.

Renvois Dublin: «La Suisse est championne en matière de brutalité policière»

Bezma et sa famille ont été expulsés vers la Croatie sur la base du règlement Dublin, entré en vigueur en 2008 pour la Suisse. Selon ce système, un demandeur d'asile doit être transféré dans le premier pays européen où les autorités ont pris ses empreintes digitales, qui est responsable de sa demande de protection. Les Balkans étant situés sur la route de l’exil, ce pays est bien souvent la Croatie. Selon de nombreuses ONG, la république balkanique se rend pourtant régulièrement coupable de violations des droits des réfugiés. Depuis 2022, ces organisations dénoncent donc les renvois à travers la campagne «stop Dublin Croatie».

L’an dernier, la Suisse a renvoyé 325 personnes vers cet Etat de l’ex-Yougoslavie, contre 206 seulement en 2023, et dix fois moins les années précédentes en chiffres absolus. Membre de l’Union européenne depuis 2013, la Croatie a rejoint l’espace Schengen en 2023. 

Souvent victimes de violences policières lors de leur passage par la Croatie, de nombreux requérants doivent être renvoyés sous la contrainte dans ce pays, où ils ne veulent pas déposer une demande d'asile. Comme les vols spéciaux affrétés par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) fédéral décollent de Zurich, les policiers vaudois vont régulièrement chercher les personnes concernées au milieu de la nuit, ce qui nécessite une dérogation du Conseil d'Etat, comme le précise Jean-Christophe Sauterel, directeur de la communication de la police cantonale vaudoise. 

Le chargé de communication précise que le renvoi de Bezma et sa famille a été effectué en présence d’un représentant du Service de la population vaudois, mandant de la police, d’un médecin de l’entreprise prestataire de services controversée Oseara SA, d’une traductrice, et d’un représentant de la Commission nationale de prévention de la torture. Jean-Christophe Sauterel souligne que «la police cantonale met tout en œuvre pour exécuter ces missions délicates dans le respect de la dignité humaine et en toute proportionnalité.» Il ajoute que lors des renvois avec enfants, «les policiers ou policières mobilisé.es sont formé.es à la prise en charge de mineurs.»

Mais les polices helvètes n'ont globalement pas bonne presse auprès des organisations qui défendent les migrants en Croatie. Pour Andrea Jelovčić, de l'ONG Centar za mirovne studije (Centre pour les études de la paix) sise à Zagreb, la Suisse serait même «une championne de la brutalité policière lors des renvois.»


Bezma et sa famille ont été expulsés vers la Croatie sur la base du règlement Dublin, entré en vigueur en 2008 pour la Suisse. Selon ce système, un demandeur d'asile doit être transféré dans le premier pays européen où les autorités ont pris ses empreintes digitales, qui est responsable de sa demande de protection. Les Balkans étant situés sur la route de l’exil, ce pays est bien souvent la Croatie. Selon de nombreuses ONG, la république balkanique se rend pourtant régulièrement coupable de violations des droits des réfugiés. Depuis 2022, ces organisations dénoncent donc les renvois à travers la campagne «stop Dublin Croatie».

L’an dernier, la Suisse a renvoyé 325 personnes vers cet Etat de l’ex-Yougoslavie, contre 206 seulement en 2023, et dix fois moins les années précédentes en chiffres absolus. Membre de l’Union européenne depuis 2013, la Croatie a rejoint l’espace Schengen en 2023. 

Souvent victimes de violences policières lors de leur passage par la Croatie, de nombreux requérants doivent être renvoyés sous la contrainte dans ce pays, où ils ne veulent pas déposer une demande d'asile. Comme les vols spéciaux affrétés par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) fédéral décollent de Zurich, les policiers vaudois vont régulièrement chercher les personnes concernées au milieu de la nuit, ce qui nécessite une dérogation du Conseil d'Etat, comme le précise Jean-Christophe Sauterel, directeur de la communication de la police cantonale vaudoise. 

Le chargé de communication précise que le renvoi de Bezma et sa famille a été effectué en présence d’un représentant du Service de la population vaudois, mandant de la police, d’un médecin de l’entreprise prestataire de services controversée Oseara SA, d’une traductrice, et d’un représentant de la Commission nationale de prévention de la torture. Jean-Christophe Sauterel souligne que «la police cantonale met tout en œuvre pour exécuter ces missions délicates dans le respect de la dignité humaine et en toute proportionnalité.» Il ajoute que lors des renvois avec enfants, «les policiers ou policières mobilisé.es sont formé.es à la prise en charge de mineurs.»

Mais les polices helvètes n'ont globalement pas bonne presse auprès des organisations qui défendent les migrants en Croatie. Pour Andrea Jelovčić, de l'ONG Centar za mirovne studije (Centre pour les études de la paix) sise à Zagreb, la Suisse serait même «une championne de la brutalité policière lors des renvois.»


C'était avant d'être arrêtés par les policiers croates: après avoir pris l’avion depuis la Turquie vers la Bosnie-Herzégovine, la famille a tenté de rejoindre la frontière seule à travers la forêt. Le groupe avec lequel elle devait voyager trouvait les enfants trop lents. «Les passeurs m’avaient pris mon téléphone et mon argent», raconte la maman. «Bezma et Mertal n’avaient plus qu’une chaussure chacun et nous n’avions rien à boire. J’ai essayé de leur donner le sein, puis nous avons bu l’eau de la rivière.»

Elle a bu de l'eau contaminée

Cette dernière étant contaminée, les conséquences sont spectaculaires: autour de la bouche, sur les bras et les jambes, tous trois ont développé des éruptions et des énorme furoncles.

Les conséquences de la consommation d'eau de rivière contaminée.

Après que les policiers croates leur ont pris leurs empreintes digitales, la famille a poursuivi son périple à travers la Slovénie, l'Italie, puis la Suisse, où elle est arrivée en juillet 2024. 

Durant les mois qui ont suivi, Bezma présentait des poussées de fièvre qui n’ont pas été prises au sérieux dans les centres fédéraux où elle a séjourné, selon sa maman: «J’essayais d’expliquer qu’il y avait un problème, mais on me donnait du Dafalgan.» Jusqu'à l'hospitalisation de la fillette à Yverdon, dans un état «très affaibli» selon un document médical, puis son transfert au CHUV le 28 novembre. 

Un charter en partance de Zurich

Dans le «vol spécial» en partance de Zurich, affrété pour leur renvoi et celui de trois autres «cas Dublin» , ni Bezma, ni Mertal n’ont pu s’assoir près de leur mère. Afin de «garantir la sécurité de toutes et tous» , les enfants «ne sont pas assis à côté de leurs parents» lors des transferts, confirme la police cantonale vaudoise. 

«
Les policiers répétaient: 'Vite! Vite!' Je leur ai dit: 'Nous venons d’arriver et vous nous traitez déjà comme des animaux.'
»

A l’arrivée à Zagreb, frère et soeur dormaient, épuisés par le stress et le manque de sommeil, raconte la maman: «Les policiers répétaient: 'Vite! Vite!' Je leur ai dit: 'Nous venons d’arriver et vous nous traitez déjà comme des animaux.'» 

En Croatie, la famille vit à 80 kilomètres de Zagreb, dans l’un des portakabins posés derrière le bâtiment du centre pour requérants de Kutina. Situé à la sortie de l’autoroute qui mène à Belgrade, dans une plaine où même le ciel semble fatigué, l’établissement abrite principalement des familles. Les requérants peuvent rester jusqu’à dix-huit mois là-bas, en attendant que l’Etat tranche sur leur demande d’asile. 

Le centre de Kutina accueille majoritairement des familles.
Photo: Julie de Tribolet

Une démarche que la maman de Bezma assure avoir été forcée de réaliser en Croatie. Par trois fois depuis son retour, elle a essayé de s’enfuir vers la Bosnie-Herzégovine ou la Serbie avec ses enfants, à travers la morne plaine, dans un froid glacial. Et par trois fois, elle a échoué.

1/6
Bezma a été hospitalisée à Yverdon, puis au CHUV en novembre.

Des WC de chantier

Avant notre départ pour la Croatie, nous avons envoyé une demande aux autorités pour visiter le complexe de Kutina ainsi que celui de Porin, situé à Zagreb. Mais le ministère de l’intérieur nous a répondu par la négative. Des échanges via face time, des photos, des vidéos et un tour à l’extérieur du centre de Kutina permettent toutefois de dresser la tableau. 

A l’intérieur du portakabin, les matelas sont constellés de taches, l’ampoule ne fonctionne pas et le plafond prend l’eau. Les douches doivent se prendre en commun et les WC destinés à ceux qui vivent dans les containers sont situés dans des cabines de chantier, devant une pelouse jonchée de détritus. Sur les images, on peut voir des cafards, et même ce qui ressemble à un rat crevé.

A l'intérieur du centre
0:53
Images peu ragoûtantes:A l'intérieur du centre

Alors que Bezma a été à nouveau hospitalisée pour de vomissements après leur atterrissage en Croatie, sa maman a constaté que les informations sur son état de santé n’avaient pas suivi depuis la Suisse. Le dossier médical a pu être reconstitué et transmis, notamment à l’ONG Médecins du Monde dont un docteur visite le centre de Kutina une fois par semaine, grâce à un bénévole helvète venu soutenir la famille sur place. 

Soutiens suisses toujours actifs

«C’est aussi en raison de ces soutiens que j’ai pu emmener ma fille voir un cardiologue, note la maman. Sinon, je suis certaine qu'elle ne bénéficierait pas d’un suivi médical adéquat. Lorsqu’elle a été hospitalisée, les médecins croates ont dit qu’elle n’avait pas de problème.» 

Sur un téléphone portable, la maman de Bezma fait désormais défiler des images prises avant leur départ de Turquie. Sur ses ongles, il y a un reste de manucure, comme un témoin de cette vie d'avant. Sur les photographies, on peut voir un chat aux yeux bleus, un chien pataud, des goûters d’anniversaire et même des balades à cheval. 

Les images de la vie en Turquie.
Photo: Julie de Tribolet

Un quotidien que l'on imagine difficile à quitter. La jeune femme explique que là-bas, elle travaillait et gagnait bien sa vie. Elle raconte avoir fui la Turquie pour des raisons de violences conjugales et familiales, craignant d'être victime d'un crime d'honneur de la part de sa famille kurde. «Crois-moi, j'ai beaucoup réfléchi avant de prendre cette décision. Pas pour moi, mais pour mes enfants.» 

Plusieurs fois, dit-elle, elle a pensé laisser Bezma et Mertal en Suisse, en espérant qu'ils aient un avenir dans ce pays. «Pour une mère, c'est si difficile, tu ne peux pas t'imaginer».

Les valeurs «que notre monde néglige»

Des résumés des procédures, mais pas de réponses concernant Bezma

Comment les autorités ont-elles pu décider de renvoyer Bezma et sa famille? S'il ne se prononce pas sur des cas individuels, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) fédéral rappelle la procédure habituelle. En se basant sur les dispositions légales et sur la jurisprudence, c'est lui qui détermine si une demande d'asile peut être examinée par la Suisse, ou s'il faut renvoyer la personne vers un autre Etat européen, conformément à l'accord de Dublin. Le cas échéant, les personnes concernées sont informées et ont le droit d'être entendues, précise Anne Césard, porte-parole du SEM. Elle ajoute que toute décision peut être contestée par voie de droit.

La situation médicale des personnes concernées par un renvoi est examinée à différents stades, détaille encore le SEM: «Lors de l’enregistrement en Suisse, si nécessaire par les autorités cantonales durant le séjour dans le canton, puis systématiquement avant le transfert lui-même». Selon les autorités fédérales, «tous les Etats Dublin, y compris la Croatie, garantissent des soins médicaux appropriés» et sont tenus d'offrir des prestations médicales aux requérants d'asile. Dans le cadre d'un transfert, «les Etats Dublin compétents sont généralement informés par le SEM d’éventuelles restrictions médicales et des recommandations de traitement», assure la porte-parole. 

Quant à l'exécution des renvois, elle relève des cantons. Interrogé au sujet du renvoi de la fillette malade depuis Vallorbe, le Service de la population vaudois (SPOP) répond qu'il ne communique pas non plus sur des dossiers particuliers. Son porte-parole Frédéric Rouyard précise cependant que le SPOP «veille systématiquement à clarifier l’état de santé des personnes avant d’organiser leur départ.» Cependant, seul le médecin évaluateur mandaté par le SEM «peut juger et décider de l’aptitude au voyage des personnes et des conditions dans lesquelles il peut être organisé sur le plan sanitaire. (...) Le SPOP n’a en effet aucune compétence médicale ou légale pour évaluer si les personnes sont aptes à voyager et n’est pas habilité au secret médical.» Le chargé de communication précise encore qu'«il appartient au SEM d’informer le pays de destination des éventuels besoins médicaux des personnes.»





Comment les autorités ont-elles pu décider de renvoyer Bezma et sa famille? S'il ne se prononce pas sur des cas individuels, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) fédéral rappelle la procédure habituelle. En se basant sur les dispositions légales et sur la jurisprudence, c'est lui qui détermine si une demande d'asile peut être examinée par la Suisse, ou s'il faut renvoyer la personne vers un autre Etat européen, conformément à l'accord de Dublin. Le cas échéant, les personnes concernées sont informées et ont le droit d'être entendues, précise Anne Césard, porte-parole du SEM. Elle ajoute que toute décision peut être contestée par voie de droit.

La situation médicale des personnes concernées par un renvoi est examinée à différents stades, détaille encore le SEM: «Lors de l’enregistrement en Suisse, si nécessaire par les autorités cantonales durant le séjour dans le canton, puis systématiquement avant le transfert lui-même». Selon les autorités fédérales, «tous les Etats Dublin, y compris la Croatie, garantissent des soins médicaux appropriés» et sont tenus d'offrir des prestations médicales aux requérants d'asile. Dans le cadre d'un transfert, «les Etats Dublin compétents sont généralement informés par le SEM d’éventuelles restrictions médicales et des recommandations de traitement», assure la porte-parole. 

Quant à l'exécution des renvois, elle relève des cantons. Interrogé au sujet du renvoi de la fillette malade depuis Vallorbe, le Service de la population vaudois (SPOP) répond qu'il ne communique pas non plus sur des dossiers particuliers. Son porte-parole Frédéric Rouyard précise cependant que le SPOP «veille systématiquement à clarifier l’état de santé des personnes avant d’organiser leur départ.» Cependant, seul le médecin évaluateur mandaté par le SEM «peut juger et décider de l’aptitude au voyage des personnes et des conditions dans lesquelles il peut être organisé sur le plan sanitaire. (...) Le SPOP n’a en effet aucune compétence médicale ou légale pour évaluer si les personnes sont aptes à voyager et n’est pas habilité au secret médical.» Le chargé de communication précise encore qu'«il appartient au SEM d’informer le pays de destination des éventuels besoins médicaux des personnes.»





Heureusement, la famille n'est pas seule. Grâce à un réseau actif depuis la Suisse, elle est soutenue notamment par un entrepreneur d'origine bosniaque établi à Zagreb prénommé Ivica, qui joue notamment le rôle de chauffeur dès que son emploi du temps le lui permet. Nous avons demandé à ce catholique, fidèle de la communauté oecuménique de Taizé, en Saône-et-Loire, les raisons de son engagement.

«Lorsque nous partageons librement notre temps, nos biens ou nos valeurs profondes, nous nous enrichissons. Nous apprenons des autres et recevons en retour ces valeurs «non mesurables» que notre monde néglige.» 

Bezma et sa famille peuvent compter sur le soutien d'Ivica, un habitant de Zagreb.

*Prénoms modifiés par la rédaction pour protéger la famille 

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la