Il s'est présenté au tribunal en tant que meurtrier présumé, mais sur le banc des accusés, Ruben D.* est soudain devenu lui aussi une victime, après des révélations explosives. Paul T.* aurait abusé de l'accusé comme esclave sexuel depuis 17 ans, l'image du tueur sans scrupules et de sa victime innocente a vacillé. Et ce, même si le coupable a avoué avoir tué Paul en septembre 2022.
En raison de ces antécédents, la défense a demandé mercredi devant le tribunal d'Olten (SO) une condamnation pour homicide, ce qui aurait un effet fortement réducteur sur la peine. Dans son discours de clôture devant le tribunal, Ruben a déclaré: «Je souhaite un jugement équitable.» Mais qu'est-ce qui est juste dans ces situations? L'ancien chroniqueur judiciaire de Blick Viktor Dammann livre une évaluation surprenante.
Meurtre ou assassinat?
Le meurtre et l'assassinat sont tous deux des homicides volontaires, mais dont certaines subtilités ont une influence sur la longueur de la peine. Voici les définitions selon les articles 111 et 112 du Code pénal. «Meurtre: Quiconque tue une personne intentionnellement est puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au moins, en tant que les conditions prévues aux articles suivants ne sont pas réalisées.» «Assassinat: Si l’auteur tue avec une absence particulière de scrupules, notamment si son mobile, son but ou sa façon d’agir est particulièrement odieux, il est puni d’une peine privative de liberté à vie ou d’une peine privative de liberté de dix ans au moins.»
Dans le cas contre Ruben, l'accusation demande 16 ans de prison. La défense requiert l'homicide involontaire sans indiquer de peine. L'homicide involontaire, ou par négligence, est défini ainsi: «Quiconque, par négligence, cause la mort d’une personne est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.»
Si l'auteur agit sous l'effet d'incontrôlables sentiments sur le moment, son acte se rapproche de la définition du meurtre passionnel dans le Code pénal: «Si l’auteur tue alors qu’il est en proie à une émotion violente que les circonstances rendent excusable, ou qu’il est au moment de l’acte dans un état de profond désarroi, il est puni d’une peine privative de liberté d’un à dix ans.»
La brutalité du geste plaide en faveur du meurtre
À première vue, l'affect ne semble pas être présent dans le cas actuel. Ruben a forcé Paul, arme à la main, à se déshabiller et à enfiler un sac-poubelle. Il l'a ensuite roué de coups, lui a tiré une balle dans l'anus et a laissé sa victime sur le sol jusqu'à ce qu'elle se vide de son sang. L'ensemble de l'horreur a duré plusieurs heures. La brutalité du procédé et l'humiliation plaident clairement en faveur de l'accusation de meurtre.
Mais si l'on considère les antécédents de Ruben et Paul, l'affaire n'est plus aussi claire. La victime aurait abusé de son agresseur dès l'enfance. Même la procureure ne le conteste pas, c'est même le motif de son accusation.
Une situation chargée en émotions, des mauvais traitements prolongés, l'impuissance de se sauver… tous ces éléments peuvent constituer la base d'un jugement pour homicide. Mais au tribunal, la procureure a été claire: «L'abus sexuel n'est pas un permis d'homicide.»
L'homicide involontaire est rare
Viktor Dammann a travaillé 40 ans pour Blick en tant que chroniqueur judiciaire avant de prendre sa retraite l'année dernière. Durant tout ce temps, il n'a couvert que quelques homicides, raconte-t-il dans un entretien avec Blick: «De tels jugements sont plutôt rares. Spontanément, je ne pense qu'à une poignée de cas.»
Il raconte par exemple le cas de la fille de 18 ans qui a poignardé son père gravement malade à la demande de ce dernier. Ou de la jeune femme de 28 ans qui a tué son violeur après avoir réussi à se libérer, et ce, bien qu'il l'ait ligotée. Ou encore le cas d'un tyran dont le fils, la fille et la belle-fille, tous âgés entre 16 et 19 ans, se sont défendus contre les coups et l'ont tué. Les jugements vont d'une peine d'un an de prison avec sursis à quatre ans et demi de prison.
Un expert voit des indices d'homicide
Dans le procès de Ruben, Viktor Dammann voit plusieurs indices en faveur d'un homicide. «L'absence de planification parle en ce sens.» Ainsi, lors d'une rencontre, une dispute a éclaté, à la suite de laquelle la future victime a sorti une arme et a tiré sur l'accusé, mais l'a manqué. Ruben a alors pu lui prendre l'arme. Viktor Dammann précise: «S'il avait planifié son acte, il aurait probablement pris sa propre arme.»
Pour notre ancien chroniqueur, la brutalité du procédé est également un indice d'un acte affectif. «Cette surenchère correspond aux sentiments accumulés pendant des années par une victime d'abus qui perd soudain les pédales.» Le coup de feu tiré dans l'anus plaide notamment en ce sens. «Il n'a pas tiré dans la tête ou la poitrine, où le tir aurait été presque à coup sûr mortel. L'endroit choisi semble avoir un lien émotionnel fort avec les abus vécus.»
La justice soleuroise a libéré l'accusé en mai 2023 après neuf mois de détention provisoire, ce qui est inhabituel pour une accusation de meurtre. Cela pourrait-il être un autre indice? Les juges doivent rendre leur décision le 23 août.
* Nom modifié