Le «Prix Résistance»: la nouvelle provocation de la droite
L'UDC rend hommage à une opposante au centre d'asile en lui remettant un prix

L'UDC en fait toujours plus: il veut désormais décerner chaque année le «Prix Résistance» aux citoyens récalcitrants. Pour cette première édition, le parti récompense une Lucernoise qui s'est opposée à la transformation d'une ancienne école en centre d'asile.
Publié: 14.07.2024 à 08:12 heures
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Dernière mise à jour: 14.07.2024 à 10:30 heures
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Marcel Dettling, Astrid Mühlebach et Sandra Sollberger (de droite à gauche) mardi à Mosen.
Photo: Siggi Bucher
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Reza Rafi

Astrid Mühlebach semble apprécier d'être le centre de l'attention en ce mardi après-midi. Elle parle, son époux se tait. Elle accapare aussi le temps de parole des personnalités de l'UDC qui ont fait le déplacement. 

Dans leur imposante maison familiale, située à flanc de coteau avec vue, les Mühlebach reçoivent le président Marcel Dettling, Sandra Sollberger, membre de la direction du parti et le secrétaire général adjoint Peter Keller.

L'hôtesse est tout excitée. Elle a du mal à croire qu'on lui fasse autant d'honneur, confie cette employée de la poste, mère, épouse et habitante dynamique de Mosen, un village de la région de Lucerne appartenant à Hitzkirch. Là, à l'extrémité sud du lac de Hallwil, elle préside l'office du tourisme et s'engage avec l'UDC locale. Au point d'en gagner un prix. Comment en est-on arrivé là?

Une aubaine pour les stratèges du parti

Dans son village, Astrid Mühlebach avait combattu avec succès le changement d'affectation de l'ancienne école en centre d'asile. Pour les stratèges de l'UDC, c'était du pain bénit: une femme du peuple s'oppose aux autorités avec ses camarades. Une histoire de David contre Goliath, la démocratie de bas en haut pour ainsi dire, avec une touche de rébellion, tout à fait en accord avec le récit privilégié du parti.

À plusieurs reprises, Astrid Mühlebach avait insisté sur le fait que l'ancienne école devait revenir aux associations locales: «Où pouvons-nous aller autrement?», demande-t-elle, «L'office du tourisme de Mosen doit se réunir à Mosen. Nous ne pouvons tout de même pas nous déplacer dans la commune voisine.» Contre le PLR et le Centre, elle a mis sur pied une initiative: les installations scolaires, sportives et de loisirs ne doivent pas servir de lieux d'hébergement pour les demandeurs d'asile. Elle a ainsi remporté une victoire largement remarquée lors de l'assemblée communale de mars.

Un modèle pour les populistes de droite européens

Elle affirme qu'elle n'a rien contre les étrangers ou les personnes en quête de protection. Elle a même cherché elle-même une alternative pour les réfugiés et a proposé l'hôtel Kreuz, vide, mais qui ne répondait pas aux normes aux yeux des autorités cantonales. Son mari ajoute avec malice que des ouvriers y habitent aujourd'hui.

C'est donc cette partisane acharnée qui sera récompensée d'un prix par l'UDC cet après-midi. Une idée de plus pour le parti pour intensifier son marketing politique, même si celle-ci est particulièrement douteuse. Ce faisant, le parti encourage la rébellion lorsque les décisions institutionnelles ne vont pas dans son sens. 

L'UDC ne peut pas non plus stopper les flux migratoires

Le mouvement formé par Christoph Blocher a surtout été et reste un précurseur dans le dossier de l'immigration: aucun autre parti de droite sur le continent n'a exploité aussi tôt et avec autant de vigueur l'immigration. Les opposants appellent cela la gestion des problèmes. On prend les soucis des gens au sérieux, répond-on à l'UDC. 

Une chose est sûre: dans aucun autre domaine, l'UDC n'obtient autant de soutien de la part des électeurs, et nulle part ailleurs l'Etat ne continue à faire de la politique en ignorant les besoins de la population.

C'est au niveau communal, dans les domaines scolaire, social et financier, que les contribuables ressentent le plus fortement les effets de la politique d'immigration et d'asile. Les succès de l'UDC tels que l'initiative sur le renvoi ou l'initiative sur l'immigration de masse en sont la rançon. 

Même les initiatives populaires les plus radicales ne peuvent pas stopper les flux mondiaux de réfugiés et de migrants. La Confédération et les cantons, qui sont tenus de respecter le droit national et international et de trouver des logements pour les réfugiés dans le pays, devront payer la note.

«Prix Résistance»

Dans ce contexte, le nom de la nouvelle distinction créée semble arrogant, voire présomptueux pour les critiques: le trophée s'appelle «Prix Résistance». Il sera à l'avenir décerné chaque année aux citoyens qui se rebellent au niveau communal contre des décisions administratives insubordonnées.

Le «Prix Résistance» est une figurine en bois sculptée à la main en forme de vache d'Hérens, l'ancienne race bovine locale. L'œuvre est conçue comme un prix itinérant. En 2025, Astrid Mühlebach devra transmettre le trophée animalier à son successeur.

Beat Jans vient aussi de la région

L'idée de ce prix est venue de la conseillère nationale Sandra Sollberger lors d'une retraite du parti. La signature de Peter Keller est également reconnaissable. Ainsi, une citation tirée de «Guillaume Tell» de Schiller figure de manière un peu pathétique sur la récompense: «Nous voulons être libres, comme l'étaient nos pères, plutôt la mort que de vivre dans la servitude.»

Selon le président du parti Marcel Dettling, le prix ne doit pas nécessairement se limiter aux thèmes de la migration. Il serait également envisageable de récompenser quelqu'un en lien avec la politique de genre ou la politique climatique. L'action doit montrer «que dans ce pays, le pouvoir vient d'en bas, de la population, des communes. Et pas de la Berne fédérale», dit-il à Blick.

La Berne fédérale n'était évidemment pas présente mardi, mais Beat Jans est citoyen de Hitzkirch et a des racines familiales à Mosen. Les Mühlebach indiquent une ferme au toit rouge. C'est là que le père de Beat Jans a grandi. Et l'actuel ministre socialiste de l'asile y a passé de nombreux jours de son enfance. «Quand j'étais petit, je venais souvent en visite à Mosen», a déclaré le magistrat après son élection.

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