Pendant trois mois, Sanija Ameti a permis à son parti de souffler un peu en faisant ce pour quoi elle n'était pas connue jusqu'à présent: rester silencieuse. La politicienne de 32 ans, députée vert'libérale de la ville de Zurich et coprésidente du mouvement «Opération Libero», a dû s'effacer après son scandale national.
Tirs sur la Vierge Marie
Elle s'était retrouvée dans la tourmente après avoir publié une photo sur ses réseaux sociaux. On la voyait tirer au pistolet sur une image de la Vierge Marie dans la cave de sa maison. Malgré la suppression des publications, cela n'a pas suffi à arrêter la vague d'indignation à son encontre.
Ses excuses publiques n'ont pas davantage détendu la situation. Du jour au lendemain, la Suissesse d'origine bosniaque, qui avait fait un parcours impressionnant, passant de réfugiée dans le centre d'asile d'Adliswil à doctorante en droit à l'Université de Zurich, a été attaquée de toutes parts dans les espaces de commentaires sur le net. On lui reprochait notamment de vouloir nuire aux valeurs occidentales en tant que musulmane.
Lâchée par son parti
L'environnement professionnel de Sanija Ameti a été chamboulé: le dimanche suivant la publication, les responsables de l'agence de communication qui l'employait lui ont assuré leur soutien, avant que les ressources humaines ne lui annoncent son licenciement le lundi.
Une rupture a également eu lieu avec la direction nationale des Vert'libéraux: le président Jürg Grossen a demandé publiquement sa démission du parti deux jours après l'événement. Depuis, leurs relations ne se sont pas du tout améliorées. Au contraire, la situation s'est même envenimée, comme le montrent des recherches de Blick.
La confiance a disparu
Entre-temps, Jürg Grossen a cherché à renouer le contact, mais Sanija Ameti refuse catégoriquement de lui adresser la parole. «Elle s'obstine», déclare une parlementaire des Vert'libéraux.
Dans l'entourage de celle qui est tombée, on dit que la confiance a disparu depuis que Jürg Grossen a déclenché la procédure d'exclusion, qui est d'ailleurs toujours en cours. Depuis, une partie du parti de la ville soutient Sanija Ameti et une vague de solidarité s'est constituée pour elle à Zurich.
La direction du parti a dû se rendre compte que l'on s'était peut-être trompé en prenant précipitamment les devants comme l'a fait Jürg Grossen. Raison pour laquelle la direction des Vert'libéraux a récemment demandé à Sanija Ameti de quitter volontairement le parti, ce qui serait mieux pour toutes les parties concernées.
Sanija Ameti tient bon
Mais elle ne veut rien entendre. D'ailleurs, dans cette situation, celle qui se retrouve sous le feu des critiques semble d'autant plus motivée à tenir bon. Elle a vécu une guerre dans sa jeunesse, et les graffitis de croix gammées sur la façade de son immeuble ne paraissent pas l'impressionner, pas plus que les messages de haine d'internautes anonymes.
Il n'y a plus aucun doute: Sanija Ameti a du caractère. Celle dont le réseau s'étend du milieu artistique zurichois au gâteau politique bernois est une professionnelle des médias. Elle accordera donc prochainement une interview à un journal qui lui est favorable. Et ensuite, elle fera son retour dans le monde politique.
Sa devise: «Je suis de retour. Maintenant plus que jamais.» Lors de la séance du Conseil municipal de Zurich du 18 décembre, Sanija Ameti souhaiterait, selon ses plans, revenir au Conseil municipal, où elle a été élue en 2022. Bien entendu en tant que membre des Vert'libéraux, au grand dam de certains stratèges du parti.
Des différends datant de 2019
La brouille avec Jürg Grossen n'est cependant pas tombée du ciel, mais représente le point culminant d'une histoire entre deux parties qui ne se sont jamais appréciées. Tout a commencé avec son adhésion aux Vert'libéraux en 2019.
En tant que provocatrice, Sanija Ameti n'a pas pu se ranger dans les rangs du parti, mais a tout de suite pris les devants en lançant un référendum contre un projet prestigieux de la ministre de la Justice de l'époque, Karin Keller-Sutter (PLR): la «loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme». Il s'agissait du tout premier référendum des Jeunes Vert'libéraux.
L'élite du parti a réagi avec respect – et intérêt. La nouvelle venue faisait l'objet de longs portraits dans la «NZZ» et la «Republik», alors que les autres faisaient le tour des bœufs politiques et devaient se contenter d'une photo de l'inauguration d'un gymnase dans le journal local.
Une montée controversée
Sanija Ameti s'est rapidement considérée comme la figure de proue de la moitié urbaine et progressiste du parti et s'est moquée des «nerds de l'énergie solaire» au sein des Vert'libéraux, parmi lesquels elle inclut également le grand patron de l'Oberland bernois. «Elle n'a qu'un seul programme: elle-même», estime une représentante connue de son parti. Selon elle, ce que Sanija Ameti a réellement apporté est surestimé.
Le camp Ameti rétorque qu'elle n'a jamais été autorisée à se présenter en public en tant que représentante des Verts'libéraux. En fait, elle a surtout été perçue comme le visage des pro-européens de l'Opération Libero. Plus Sanija Ameti commençait à s'intégrer dans la société suisse, plus elle voulait intégrer la Suisse dans l'Europe.
Depuis son action de tir sur la Vierge Marie, ce conte de fées de l'intégration a été méchamment égratigné, et une question se pose: a-t-elle échoué à cause de la Suisse – ou la Suisse a-t-elle échoué à cause d'elle?
Une éternelle polarisation
Une chose est sûre, Sanija Ameti polarise. Ou, pour le dire plus simplement: avec son extraversion, elle en agace plus d'un. Et fait régulièrement les gros titres. Tantôt elle s'érige en adversaire historique de Christoph Blocher, tantôt elle souhaite au conseiller aux Etats PLR Andrea Caroni une «expérience hot» dans le débat sur le droit pénal en matière sexuelle.
En décembre 2022, dans l'émission «Club» de la SRF, elle a provoqué un tollé en reprochant aux candidats UDC au Conseil fédéral Albert Rösti et Hans-Ueli Vogt de ne pas pouvoir «boire du bon vin d'un point de vue politique».
Une tempête d'indignation a balayé le pays, l'ajout «d'un point de vue politique» est passé inaperçu et Sanija Ameti s'est fait réprimander sans ménagement par la direction nationale des Vert'libéraux.
Mais un détail intrigue. Lorsque, quelques mois plus tard, le chef des Vert'libéraux, Jürg Grossen, a qualifié dans le «Nebelspalter» la conseillère fédérale socialiste Elisabeth Baume-Schneider de «pas la bougie la plus brillante sur le gâteau», il n'a pas reçu les mêmes foudres que Sanija Ameti.
Punie par son parti
Ses sorties sur Guy Parmelin et son collège ont eu de fâcheuses conséquences pour Sanija Ameti: le parti cantonal l'a punie lors des élections au Conseil national en la reléguant à une piètre 25e place sur la liste.
Au sein des Vert'libéraux, nombreux sont ceux qui en ont eu assez de leur collègue de parti turbulente. Une politicienne raconte: «Je lui ai dit x fois qu'elle devait se modérer, et à chaque fois elle s'est montrée compréhensive. Puis elle faisait une nouvelle gaffe.»
La «NZZ» a décrit l'ambiance interne au sein du parti de la manière suivante: «On ne s'offusque pas de la coprésidente de l'Opération Libero en tant que personne, mais plutôt du phénomène Ameti», aurait déclaré un ancien membre de la direction cantonale.
Certains des informateurs de l'époque ont quitté la scène depuis longtemps. Sanija Ameti, en revanche, sourira bientôt à nouveau devant les caméras. Elle a au moins un point commun avec son adversaire Jürg Grossen: tous deux refusent de s'exprimer publiquement sur l'affaire lorsqu'on les interroge.