Demandes en forte hausse
Pourquoi de plus en plus de Turcs cherchent l'asile en Suisse?

Le nombre de ressortissants turcs qui demandent l'asile en Suisse a fortement augmenté ces dernières années, comme le montrent les statistiques du Secrétariat d'État aux migrations (SEM). Comment l'expliquer?
Publié: 17.02.2024 à 15:13 heures
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Dernière mise à jour: 17.02.2024 à 23:08 heures
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Les demandes d'asile de personnes originaires de Turquie ont augmenté de plus de 40% l'année dernière.
Photo: Keystone
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Sophie Reinhardt

30'223 personnes ont déposé une demande d'asile en Suisse l'année dernière. Le principal pays de provenance des demandeurs d'asile a été l'Afghanistan, avec 7934 demandes, dont environ 1800 ont été déposées par des femmes qui vivent ici depuis longtemps en tant que personnes admises à titre provisoire. La Turquie arrive juste derrière avec un total de 6822 demandes. En d'autres termes, la plupart des nouvelles demandes proviennent du pays du Bosphore.

En 2023, le nombre de demandes d'asile déposées par des ressortissants turcs a nettement augmenté dans toute l'Europe, et de plus de 40% en Suisse. Cela correspond à 2000 demandes: plus que sur l'ensemble de l'année 2022. Pourtant il n'y a pas de guerre en Turquie. Alors pourquoi tant de personnes viennent-elles de Turquie pour demander l'asile en Suisse? Voici quelques explications.

Une situation problématique en matière de droits de l'homme

La raison semble être que le président Recep Tayyip Erdogan a serré la vis. «Depuis la tentative de putsch avortée en juillet 2016, la situation des droits de l'homme en Turquie s'est continuellement détériorée en ce qui concerne l'exercice des droits politiques et la liberté d'expression», explique le Secrétariat d'État aux migrations (SEM).

Le système judiciaire turc ne satisfait souvent pas aux principes de l'État de droit, surtout lorsqu'il s'agit de procédures pénales politiques. Les partisans du mouvement Gülen — soupçonné d'être à l'origine du putsch —, les opposants et les critiques du président Erdogan «subissent une forte pression en matière de persécution liée à l'asile», a indiqué une porte-parole du SEM.

L'organisation d'aide aux réfugiés porte la même analyse. «La situation des droits de l'homme en Turquie reste problématique. De plus en plus de personnes se voient contraintes de fuir un gouvernement autoritaire et répressif», explique le porte-parole Lionel Walter. L'augmentation correspond donc à une tendance déjà observée ces dernières années.

Les persécutés politiques cherchent une protection

Les Kurdes constituent un groupe particulier de ressortissants turcs. Ils sont souvent soupçonnés par les autorités turques de collaborer avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou d'autres organisations interdites ou considérées comme terroristes par l'État turc. La situation des droits de l'homme dans le sud-est du pays — une région où la population est majoritairement kurde — est particulièrement problématique depuis des années.

Le SEM ne peut pas dire dans quelle mesure les demandeurs d'asile sont des Kurdes, car il n'enregistre pas l'appartenance ethnique des requérants. L'organisation d'aide aux réfugiés affirme toutefois qu'il existe en Suisse une communauté turco-kurde relativement importante. C'est sans doute pour cette raison que de nombreuses personnes kurdes cherchent refuge en Suisse.

Taux de protection en baisse

Toutefois, la Suisse n'accorde plus l'asile à autant de Turcs que par le passé. Alors qu'en 2021, 81% des demandes ont reçu une réponse positive, le taux a chuté à 46% en 2023. Mais cela reste élevé par rapport à l'Irak (14%) ou à l'Afghanistan (18%).

«En Suisse aussi, nous observons ces derniers temps que la pratique du SEM et du Tribunal administratif fédéral est devenue plus stricte et que des personnes qui auraient probablement obtenu une protection les années précédentes reçoivent aussi des décisions négatives», explique Lionel Walter de l'Organisation d'aide aux réfugiés. Le SEM souligne en outre que plus de la moitié des octrois de l'asile aux ressortissants turcs sont des regroupements familiaux accordés.

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