Après plus de huit mois de fermeture, il y a eu quelques fausses notes lors de ce week-end de réouverture. Comment avez-vous vécu ces soirées de liberté retrouvée?
Thierry Wegmüller: Avec énormément d’émotions. Les clients, les artistes et les équipes ont eu beaucoup de plaisir. Le premier noctambule à avoir pénétré dans le club a embrassé le sol, c’est dire à quel point les gens attendaient ça. Maintenant, comme tout le processus – de la décision politique à la réouverture effective – s’est passé très rapidement, il y a effectivement eu quelques imprécisions avec le certificat Covid obligatoire.
À Genève ou à Lausanne, beaucoup de personnes ont été refoulées parce qu’elles n’avaient pas ce précieux sésame. Avez-vous vécu le même phénomène?
Oui. Comme tout est allé vite, la plupart des pharmacies ne délivraient pas encore de certificat Covid et beaucoup de personnes n’étaient pas au courant qu’une simple attestation de test négatif n’était pas suffisante pour entrer dans un club. Il y a eu un moment de flou. Heureusement, une camionnette Hemostaz (ndlr. Une entreprise médico-sanitaire) a pu s’établir à la place de l’Europe. Du personnel y testait les gens à la chaîne et délivrait des certificats dans la foulée, il y avait une file d’attente durant toute la nuit de samedi à dimanche. D’ailleurs, pour la petite histoire, la camionnette avait l’autorisation de rester jusqu’à 4h mais la police est venue interrompre ses activités vers 2h car il y avait trop de monde.
La solution assumée par Hemostaz de tester les noctambules sur la place publique est-elle durable?
C’était en tout cas une bonne réponse à la problématique sur le moment. Je pense que la cohue est inhérente à ce premier week-end d’ouverture. Personne n’a envie d’attendre des heures pour se faire tester avant de pouvoir faire la fête. Quand le message aura vraiment passé dans la population, les gens qui ne veulent pas se faire vacciner ou qui n’ont pas encore pu le faire sauront qu’ils peuvent se faire dépister gratuitement dans nombre de pharmacies pour obtenir un certificat valable 72 heures. Ils s’organiseront en conséquence. Toutefois, j’ai bon espoir que ces contraintes ne soient pas imposées encore très longtemps. Nous devrions en avoir fini pour la fin août, selon l’évolution de la situation sanitaire évidemment.
Certains de vos concurrents ont été moins scrupuleux que vous. Dans «24 heures», le club le Folklore assume avoir laissé rentrer des personnes qui n’avaient pas de certificat Covid si ces dernières prouvaient qu’elles remplissaient les conditions pour l’obtenir. Comment y réagissez-vous?
Il ne m’appartient pas de commenter ce que font des collègues. De mon côté, je fais ce qu’on me dit de faire selon l’interprétation de la situation qui était passablement floue à ce moment. Je collabore au nom de La Belle Nuit avec les autorités et le médecin cantonal depuis le début de la crise. Et je crois que les gens, même ceux qui ont été refoulés, ont bien compris que ce qui est mis en place est important. Il n’y a pas eu d’animosité durant les contrôles et nombre de clubbers ont mentionné vouloir mieux s’organiser pour la semaine suivante.
Mais est-ce économiquement viable pour vous de rouvrir avec ces restrictions? Le D! était moins rempli que d’habitude ce week-end.
Rouvrir est indispensable pour nous. Si nous n’avions pas dû refuser autant de monde samedi, nous aurions fait l’équivalent d’un très bon samedi soir avant pandémie. Certains clubs ne veulent pas relancer la machine dans ces conditions pour des questions de principes, tant mieux pour eux s’ils peuvent se le permettre. Mais il n’y a pas que cet aspect. Si certains avaient encore des doutes, ils ont maintenant la confirmation que ce que fait le milieu du clubbing ou de la restauration est indispensable. Nous réunissons les gens, ce qui nous confère un rôle social et sociétal. Il ne suffit pas de nous mettre à l’arrêt pour que les gens arrêtent de se retrouver. Ils continuent de le faire mais dans des cadres où les normes sanitaires ne sont absolument pas respectées. C’est un vrai problème durant cette période de pandémie.
L’été est en temps normal une période creuse pour les clubs. Comment se profile celui que nous vivons?
C’est effectivement un laps de temps où, avec les vacances, il y a normalement un peu moins de monde. Nous comptons sur notre public. Il faut reconstruire notre activité et nous sommes très contents de pouvoir le faire dès maintenant. Tout le monde va devoir faire un effort financier, des artistes aux clubs, pour que cela se passe le mieux possible. Les artistes locaux seront mis en avant et c’est donc l’occasion de venir découvrir quelque chose de différent. D’autant plus que les DJs stars ne sont pas moins chers que d’habitude, bien au contraire. Tout le monde les veut en même temps puisque tout rouvre gentiment, donc on est encore davantage dans une phase de surenchère les concernant.