Le Parlement sous pression
L'Union suisse des paysans fait du lobbying pour légaliser des pesticides interdits, certains «probablement cancérigènes»

Le Parlement veut faciliter l'autorisation des pesticides. Mais cela n'est pas suffisant aux yeux de l'Union suisse des paysans. L'organisation fait du lobbying en coulisses pour assouplir l'interdiction des pesticides.
Publié: 16.02.2025 à 19:30 heures
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Les agriculteurs tirent la sonnette d'alarme: les cultures sont menacées par les interdictions de pesticides.
Photo: Keystone
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Lino Schaeren

Les fournisseurs d'eau s'inquiètent de la qualité de l'eau potable en Suisse. Des craintes liées à la présence de résidus de produits phytosanitaires dans les eaux souterraines. Certes, le Conseil fédéral et le Parlement se sont mis d'accord sur une trajectoire de réduction ambitieuse, lors du débat sur l'initiative sur les pesticides et l'eau potable.

Mais entre-temps, le vent a de nouveau tourné: le Parlement veut simplifier l'autorisation de nouveaux pesticides. Les produits autorisés dans l'Union européenne (UE) devraient également pouvoir être utilisés en Suisse sans nouvelle procédure d'examen.

700 demandes en attente

C'est le chef du groupe parlementaire du Centre, Philipp Matthias Bregy, qui a déposé cette demande dans le cadre d'une initiative parlementaire. Le Valaisan justifie son intervention par la crainte des agriculteurs de perdre des cultures entières. Près de 700 demandes d'autorisation s'empilent à la Confédération, alors que de plus en plus de pesticides sont interdits.

Les organisations environnementales et les scientifiques tirent la sonnette d'alarme sur les plans relatifs aux pesticides. Ils mettent en garde contre le danger de nouvelles substances hautement toxiques dans les eaux souterraines.

L'Union des agriculteurs fait pression

D'un autre côté, l'Union des paysans insiste pour obtenir des assouplissements plus importants. C'est ce que montre une lettre de lobbying de l'Union suisse des paysans (USP) adressée aux membres de la Commission de l'économie et des redevances (CER), dont le «SonntagsBlick» a eu connaissance. Une commission dans laquelle siège Markus Ritter, chef de l'Union des paysans. 

Ce dernier est actuellement en campagne électorale, pour la succession de Viola Amherd au Conseil fédéral. Pourtant, le président de l'Union suisse des paysans ne s'exprime pas sur les revendications de son association. 

Ces revendications ne sont pourtant pas négligeables: l'Union suisse des paysans veut que les produits phytosanitaires interdits puissent continuer à être utilisés tant qu'un produit de remplacement d'efficacité équivalente n'a pas été autorisé. Des substances classés «probablement cancérigènes», comme le S-métolachlore, pourrait alors être à nouveau autorisée tant qu'aucun substitut n'est trouvé. 

«
Nous avons enfin et de toute urgence besoin de substances actives alternatives
Martin Rufer, directeur de l'Union suisse des paysans
»

Martin Rufer, directeur de l'Union suisse des paysans, défend la demande radicale d'autoriser à nouveau l'utilisation de pesticides interdits. Il s'agit selon lui d'un appel à l'aide de la branche, d'une tentative de mettre la pression nécessaire pour accélérer les procédures d'autorisation. «Nous avons enfin et de toute urgence besoin de substances actives alternatives. Et si elles ne viennent pas, nous devons malheureusement pouvoir continuer à travailler avec les anciennes», justifie-t-il sa position.

«Une négligence grossière»

Jacqueline Badran siège à la Commission de l'économie pour le Parti socialiste (PS). Elle qualifie les exigences de l'association des paysans de Ritter de «négligence grossière». Le projet en lui-même est «une violation flagrante de la parole donnée», déclare la conseillère nationale zurichoise. «Après le non à l'initiative sur l'eau potable et les pesticides, on a promis solennellement de réduire l'utilisation des pesticides, et c'est maintenant le contraire qui se produit», déplore Jacqueline Badran.

Le chef du groupe parlementaire du Centre, Philipp Matthias Bregy, pense au contraire qu'une autorisation plus simple ne conduirait pas à une utilisation accrue de produits phytosanitaires, mais à l'usage des produits plus modernes et parfois plus écologiques. Il comprend la demande de l'USP de pouvoir utiliser des substances interdites jusqu'à ce qu'un substitut soit disponible, mais ce n'est pas une solution au problème qu'il a soulevé, explique-t-il. Pour cela, il faudrait des clarifications plus complètes.

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